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04/05/2017 | FRANCE | N°15NT01908

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 04 mai 2017, 15NT01908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Mi Développement 2 a demandé au tribunal administratif de Rennes de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mises à sa charge au titre des exercices 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1300571 du 13 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complément

aires enregistrés les 23 juin 2015, 20 septembre 2016 et 21 décembre 2016, la SAS Mi Développement 2,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Mi Développement 2 a demandé au tribunal administratif de Rennes de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mises à sa charge au titre des exercices 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1300571 du 13 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 juin 2015, 20 septembre 2016 et 21 décembre 2016, la SAS Mi Développement 2, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts est d'interprétation stricte ; la preuve de la réunion de ses conditions d'application incombe à l'administration fiscale ; cette application ne peut se faire que dans les hypothèses visées limitativement par l'article L. 233-3 du code de commerce ;

- l'opération ne rentre pas dans le champ d'application du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts en l'absence de rachat à soi-même et de dette artificielle ;

- seuls les actes accomplis en qualité d'associés peuvent être retenus pour caractériser le contrôle et non en qualité d'organes d'administration de la société comme cela a été fait en l'espèce ; les seules stipulations du pacte d'actionnaires liant ces derniers concernent la cession des actions de la société Mi Développement et non l'exercice de leurs droits de vote en assemblée générale ; la " sanction fiscale " ne pourrait s'appliquer qu'en cas de contrôle conjoint de la société Mi Développement par M. C...et les autres associés, ce qui supposerait la réunion de deux conditions cumulatives, l'une tenant à ce qu'existât, à la date du 8 février 2007 de cession des titres de la SAS Trécobat, une action de concert entre les actionnaires de la société Mi Développement et l'autre tenant à ce que les concertistes aient déterminé les décisions prises en assemblée générale en appliquant leur accord préalable, lesquelles doivent être dans le strict prolongement l'une de l'autre ;

- l'affectio societatis, c'est-à-dire l'existence d'un intérêt commun aux associés autour d'un projet d'entreprise, a été confondu avec l'action de concert qui nécessite une concertation préalable sur les modalités d'exercice futur des droits de vote en assemblée générale ; l'accord doit avoir un caractère contraignant pour les parties qui s'exposent à des sanctions si elles ne le respectent pas ;

- il n'existe pas de contrôle conjoint, d'une part, faute d'action de concert, laquelle ne résulte ni du pacte d'actionnaires, qui ne comporte aucune clause relative à l'exercice par les actionnaires de leurs droits de vote en assemblée générale mais porte seulement sur l'acquisition et la cession des actions, ni des statuts de la SAS Mi Développement, qui ne comportent aucune stipulation relative à la politique à mener par les associés vis-à-vis de cette société mais uniquement des règles relatives aux modalités de décision par les associés et, d'autre part, faute, de délibérations de l'assemblée générale le traduisant ;

- en l'absence de rachat à soi-même ou de dette artificielle, le septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts n'était pas applicable ;

- l'action de concert ne peut pas concerner tous les associés et une personne contrôle une société lorsqu'elle détermine en fait par ses droits de vote les décisions dans les assemblées générales ainsi que le prévoient respectivement les paragraphes 50 et 52 de l'instruction 4 H 4 H 07 du 21 mars 2007.

Par des mémoires en défense enregistrés les 7 décembre 2015 et 14 novembre 2016, le ministre chargé des finances publiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SAS Mi Développement 2.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Mi Développement, société holding, dont le premier exercice a débuté le 1er janvier 2007, a acheté en mars 2007, les titres de la SAS Trécobat, société spécialisée dans la construction de maisons individuelles ; que la SAS Mi Développement a opté pour le régime de l'intégration fiscale avec effet au 1er septembre 2007 ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2007 au 31 août 2009, une proposition de rectification du 20 décembre 2010 lui a été notifiée par laquelle l'administration a réintégré, dans ses résultats imposables des exercices clos en 2008 et en 2009, une part des frais financiers comptabilisés dans ses charges, en application du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts ; que la SAS Mi Développement a contesté le 18 février 2011 les rehaussements envisagés, que l'administration a confirmés, sous réserve d'une rectification du mode de calcul, dans sa réponse aux observations du contribuable du 6 avril 2011 ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ont fait l'objet de deux avis de mise en recouvrement du 15 septembre 2011 pour un total, en droits et pénalités, de 961 398 euros ; que la SAS Mi Développement 2, venant aux droits et obligations de la SAS Mi Développement, a demandé le dégrèvement de ces impositions par une réclamation du 10 juillet 2012 rejetée le 13 décembre 2012 ; qu'elle relève appel du jugement du 15 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à leur décharge ;

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Lorsqu'une société a acheté, après le 1er janvier 1988, les titres d'une société qui devient membre du même groupe aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, les charges financières déduites pour la détermination du résultat d'ensemble sont rapportées à ce résultat pour une fraction égale au rapport du prix d'acquisition de ces titres à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe (...). " ; qu'en vertu du III de l'article L. 233-3 du code de commerce relatif aux critères permettant de déterminer le contrôle d'une société par une autre société, deux ou plusieurs personnes agissant de concert au sein d'une société sont considérées comme contrôlant conjointement une autre société lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ; qu'aux termes du I de l'article L. 233-10 du même code : " Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société (...). " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS Mi Développement a été créée en janvier 2007 afin d'acquérir le capital de la SAS Trécobat, qui était principalement détenue par son président, M. B...C..., soit directement, à hauteur de 59 %, soit indirectement, à hauteur de 40 %, par l'intermédiaire de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Tréma dont il était l'unique associé ; qu'à la date de l'acquisition des titres de la société Trécobat par la SAS Mi Développement, en mars 2007, le capital de la SAS Mi Développement était détenu à hauteur de 47,6 % par deux fonds communs de placement (FCP) dénommés Axa Expansion I et Axa Expansion II France, à hauteur de 45,3 % par M. B...C..., et à hauteur de 7,1 % par quatre cadres de la SAS Trécobat ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à son objet, le septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts est applicable non seulement dans l'hypothèse d'une identité entre le ou les actionnaires de la société cédante et le ou les actionnaires exerçant le contrôle de la société cessionnaire mais également dans le cas où l'actionnaire de la société cédante exerce, de concert avec d'autres actionnaires, le contrôle de la société cessionnaire ;

5. Considérant, en second lieu et d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les associés de la SAS Mi Développement ont, lors de l'assemblée générale mixte du 8 février 2007, conclu un accord, dit pacte d'actionnaires, relatif notamment à l'acquisition et la cession des droits de vote attachés aux titres de la société détenus par chaque bloc d'actionnaires, dénommé " actionnaire A " pour M.C..., " actionnaire B " pour les deux FCP Axa et " actionnaire C " pour les cadres dirigeants, et prévoyant, selon les blocs, des interdictions temporaires de cession, des droits de préemption et des concertations lors de la cession éventuelle d'actions ; que, par ailleurs, ce pacte, selon son exposé préalable, était destiné à régir leurs rapports au sein de la société, " ce qui constitue une condition essentielle et déterminante à l'accord des Actionnaires pour participer à l'opération de reprise des filiales " ; que le pacte présente cette opération comme résultant de la volonté de M. C...de réaliser une grande partie de son investissement dans la SAS Trécobat tout en continuant à participer activement à la poursuite du développement du groupe Trécobat et " en associant plus étroitement des cadres clés du groupe à son développement, projet auquel ils ont pleinement adhéré et ce, dans le but de les mettre ultérieurement et de manière significative en situation de reprendre un jour le groupe Trécobat " ; que de même, il en résulte que les deux FCP Axa ont accepté de participer à la création de la SAS Mi Développement au vu de la capacité de M. C...et des cadres dirigeants de ses filiales, devenus associés, à mener à bien leur projet de développement de la société et de ses filiales, annexé au pacte établi par ces derniers ; qu'ainsi l'accord a été conclu en vue d'une politique commune à l'ensemble des blocs d'actionnaires et centrée sur la pérennité de l'action de la SAS Trécobat à travers celle de ses dirigeants ;

6. Considérant, d'autre part, que selon l'article 17 des statuts de la société, dont l'article 10 précise que chaque action donne droit à une voix, une majorité qualifiée des deux tiers des voix est nécessaire pour l'adoption des décisions en assemblée générale extraordinaire ; que l'exigence de cette majorité qualifiée a pour effet de subordonner l'adoption des décisions concernées à la nécessité d'un accord préalable entre les deux blocs principaux d'associés ; que, s'agissant des décisions prises en assemblée générale ordinaire, adoptées à la majorité des voix présentes, représentées ou exprimées, le quorum d'un quart des voix exigé, allié à l'exigence d'une majorité, a pour conséquence l'accord de deux blocs d'associés ; qu'ainsi le pacte permettait aux blocs d'associés agissant de concert de déterminer en fait les décisions prises en assemblée générale ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Mi Développement était contrôlée par M.C..., agissant de concert avec les deux autres blocs d'actionnaires, lors de l'acquisition des titres de la société Trécobat détenus par M. C...et l'EURL Tréma dont il était l'unique associé ; que, dès lors, c'est à juste titre que l'administration a fait application du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts ;

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Considérant que la SAS Mi Développement 2 n'est pas fondée à se prévaloir des paragraphes 50 et 52 de l'instruction 4 H 4 H 07 du 21 mars 2007 qui ne comportent aucune interprétation différente de la loi de celle dont il est fait application par le présent arrêt ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Mi Développement 2 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Mi Développement 2 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Mi Développement 2 et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01908
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-04;15nt01908 ?
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