Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, s'agissant de leurs cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011, que soient prises en compte pour la détermination de leurs revenus nets fonciers au titre des années 2010 et 2011, des dépenses s'élevant aux sommes respectives de 184 366,08 euros et de 178 777,33 euros, ou, à titre subsidiaire, des dépenses s'élevant aux sommes de 123 740,80 euros et de 149 564,79 euros.
Par un jugement n° 1301291 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2015 et un mémoire enregistré le 22 décembre 2016, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à leur demande principale ou subsidiaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a pris une position formelle sur la nature des travaux litigieux dans la réponse aux observations du contribuable du 8 novembre 2011, qui lui est opposable, au titre de l'année 2010, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- les travaux réalisés ont porté sur la réfection de la toiture du bâtiment, la pose de menuiseries extérieures en bois, le renforcement de quelques éléments de maçonnerie et de charpente, le ravalement des façades du bâtiment et la mise en place d'un réseau d'eaux pluviales, la destruction des cloisons intérieures et plafonds ;
- les travaux n'ont pas touché le gros-oeuvre et n'ont pas nécessité de permis de construire ;
- la seule augmentation du nombre d'unités de logements ne constitue pas un critère suffisant pour considérer que les travaux réalisés constituent des travaux de reconstruction non déductibles ;
- il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de logements car les appartements séparés et le duplex existaient déjà au moment de l'acquisition ;
- les travaux de mise hors d'eau et hors d'air n'ont pas abouti à une démolition ou reconstruction partielle ou à un changement d'usage qui demeure l'habitation ;
- les travaux ont principalement eu pour objet de remettre le bâtiment en état conformément à son allure initiale, d'assurer son habitabilité, de permettre qu'il soit en harmonie avec son environnement et d'éviter sa disparition du fait de la mérule ;
- les travaux ont constitué des travaux d'amélioration déductibles dès lors qu'ils n'ont exigé que des modifications de cloisonnement intérieur et n'ont pas affecté le gros-oeuvre, ni entraîné un accroissement du volume ou de la surface habitable ;
- la seule circonstance que les travaux conduisent à un réaménagement intérieur ne suffit pas à y voir des travaux de construction ou de reconstruction ;
- la purge des agencements évoquée dans le rapport d'expert du 23 juillet 2012 est la conséquence de la découverte de la mérule ;
- à titre subsidiaire, les travaux de réfection de la toiture et du réseau d'assainissement, de pose de menuiseries extérieures et de ravalement de la façade étaient nécessaires à la survie du bâtiment et constituent à ce titre des travaux de réparation et d'entretien dissociables des autres travaux dont les montants correspondants doivent être déduits ;
- les travaux nécessités par la mérule constituent des travaux d'entretien selon la jurisprudence et la doctrine administrative ;
- la date de réalisation des travaux est indifférente car seule compte la date de paiement des factures.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 février 2016 et 3 février 2017, le ministre chargé des finances publiques conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que M. et MmeB..., domiciliés à Graces (Côtes-d'Armor), détiennent l'intégralité des parts de la société civile immobilière (SCI) MLJ dont M. B...est le gérant ; que la SCI MLJ a acquis, le 14 avril 2005, un immeuble situé à Guingamp incluant un bâtiment principal de trois étages, des dépendances, un garage et une serre, un jardin et une cour ; que lors d'un contrôle sur pièces en 2011 des déclarations modèle n° 2072 souscrites par la société au titre des années 2006 à 2009, l'administration a relevé que, si depuis l'acquisition de cet immeuble, l'ensemble des charges avait été porté en déduction, aucun revenu n'avait cependant été déclaré ; que l'administration en a alors déduit que la SCI MLJ propriétaire s'en était réservée la jouissance et qu'à ce titre, elle ne pouvait prétendre à une prise en compte des charges engendrant un déficit foncier reportable ; qu'une première proposition de rectification du 21 février 2011 a alors été adressée à la société remettant en cause les déficits fonciers déclarés au titre des années 2006 à 2009 ; qu'une seconde proposition de rectification du 9 septembre 2011 a été adressée à M. et Mme B...tirant les conséquences de cette remise en cause sur leur impôt sur le revenu des années 2008 à 2010 ; que les intéressés ont alors présenté des déclarations de revenus fonciers rectificatives au titre des années 2010 et 2011 prenant en compte la déductibilité des travaux payés ces années-là, lesquelles ont été rejetées par le service le 6 février 2013 au motif que les travaux d'aménagements internes réalisés équivalaient par leur importance à une reconstruction dont les dépenses correspondantes étaient exclues du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts ; que M. et Mme B...ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant, à titre principal, à la déduction de leurs revenus fonciers des sommes respectives de 184 366,08 euros et de 178 777,33 euros au titre des années 2010 et 2011 et, à titre subsidiaire, à la déduction des sommes respectives de 123 740,80 euros et de 149 564,79 euros ; qu'il relèvent appel du jugement du 21 avril 2015 rejetant leur demande ; qu'il résulte des énonciations non contestées de l'administration fiscale que l'étendue du litige, s'agissant de la demande principale, porte sur la réduction, s'élevant en droits respectivement à 3 210 euros et 4 387 euros, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011, et résultant de la prise en compte pour la détermination des revenus nets fonciers au titre des années 2010 et 2011, des dépenses s'élevant aux sommes de 184 366,08 euros et de 178 777,33 euros, d'où il résulte un déficit foncier net imputable pour chaque année de 10 700 euros ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. " ; qu'aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire (...). / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ainsi que des dépenses au titre desquelles le propriétaire bénéficie du crédit d'impôt sur le revenu prévu à l'article 200 quater (...) " ;
3. Considérant, d'une part, que doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, au sens de ces dispositions, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ; que doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ; que ne constituent pas, pour l'application de ces dispositions, des travaux de création de nouveaux locaux d'habitation ou d'accroissement du volume ou de la surface habitable de locaux existants, les travaux qui n'ont pas pour effet de rendre habitables des espaces qui ne l'étaient pas auparavant mais qui se limitent à les aménager, quand bien même ces espaces n'auraient pas été effectivement affectés à l'habitation ; que les dépenses d'amélioration n'ouvrent pas droit à déduction lorsqu'elles sont indissociables de travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au contribuable de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ses charges en produisant des pièces justificatives, qui sont constituées de factures, de plans, de photographies et de tous autres éléments permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée ;
5. Considérant que M. et MmeB..., qui sont les associés de la SCI MLJ, société propriétaire depuis le 14 avril 2005 d'un hôtel particulier du dix-huitième siècle, situé dans le centre de la ville de Guingamp, sont redevables, à ce titre, de l'impôt sur le revenu établi dans la catégorie des revenus fonciers ; qu'ils soutiennent que les dépenses acquittées en 2010 et 2011 à l'occasion de la restauration de cet hôtel particulier, pour des montants respectifs de 184 366,08 euros et de 178 777,33 euros, ont concerné des travaux de réparation, d'entretien et d'amélioration de cet immeuble et sont à ce titre déductibles de leur revenu global en application du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts ; qu'il n'est pas contesté que l'ensemble des factures correspondantes a été acquitté au cours de ces deux années ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'acte d'acquisition et des plans produits, que les travaux ont consisté à transformer un immeuble ancien et vétuste à usage originel d'habitation sous la forme d'appartements pourvus du confort et des commodités nécessaires sans augmentation de la surface d'habitation ; que ces travaux ont entraîné principalement des modifications du cloisonnement intérieur, la destruction des plafonds, la réfection de la toiture, la pose de menuiseries extérieures, le renforcement d'éléments de maçonnerie et de la charpente par ailleurs affectée par la mérule, le ravalement des façades du bâtiment et la mise en place d'un réseau d'eaux pluviales ; que selon l'attestation de l'architecte responsable de l'opération de restauration délivrée le 5 septembre 2012, et réitérée le 21 décembre 2016, les travaux ont ainsi " porté sur la consolidation de l'édifice par la reprise des structures bois et pierre, le traitement des façades et la mise hors d'eau de l'immeuble (couverture et fenêtres) " et ceux " restant à exécuter portent exclusivement sur le second oeuvre et ne pourront être réalisés qu'après traitement de la mérule " découverte au cours de l'année 2010 ; que si le rapport d'expert établi le 23 juillet 2012 dans le cadre de l'instance opposant les requérants à leur voisin indique qu'en raison de la vétusté, " le maître d'ouvrage a fait procéder à la purge complète des agencements afin de mettre la structure à nu et réaménager totalement ce bâtiment " tout en évoquant des " travaux de démolition ", il n'en résulte pas, pas plus que d'aucun autre élément de l'instruction, que les travaux auraient affecté de façon notable le gros-oeuvre ; que, dans ces conditions, les travaux réalisés en 2010 et 2011 doivent être regardés comme ayant eu pour effet d'entretenir, réparer ou améliorer l'immeuble au sens et pour l'application du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts et ouvraient ainsi droit à déductibilité ; que le revenu net foncier de M. et Mme B...doit, dès lors, être diminué des sommes de 184 366,08 euros et de 178 777,33 euros au titre, respectivement, des années 2010 et 2011 ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme B...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 avril 2005 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Le revenu net foncier de M. et Mme B...est diminué des sommes de 184 366,08 euros et de 178 777,33 euros au titre des années 2010 et 2011.
Article 3 : Les cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 seront établies après imputation du déficit foncier imputable sur le revenu global résultant de la détermination du revenu net foncier défini à l'article 2 du présent jugement.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02455