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23/03/2017 | FRANCE | N°15NT02566

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 mars 2017, 15NT02566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 24 juin 2014 du directeur régional des finances publiques de la région Centre et Loiret en tant qu'elle refuse de la décharger de sa responsabilité solidaire pour le paiement des contributions sociales au titre de l'année 2005 et des cotisations d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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ar un jugement n° 1403082 du 23 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 24 juin 2014 du directeur régional des finances publiques de la région Centre et Loiret en tant qu'elle refuse de la décharger de sa responsabilité solidaire pour le paiement des contributions sociales au titre de l'année 2005 et des cotisations d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403082 du 23 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans a, à l'article 1er, prononcé la décharge de l'obligation solidaire de paiement des contributions sociales au titre de l'année 2005 et a, à l'article 2, rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 août 2015 et le 3 mars 2016, MmeD..., représentée par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de la décharger de l'obligation solidaire de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance et de l'appel.

Elle soutient que :

- l'administration ne s'est pas livrée à une réelle appréciation de sa situation ;

- il existe une disproportion manifeste entre le montant de la dette fiscale à la date de la demande et sa situation financière et patrimoniale nette de charges, notamment celles liées à sa séparation et à sa qualité de parent isolé avec deux enfants, à la date de la demande de décharge ;

- les éléments chiffrés et les informations transmises ne correspondent qu'à de simples détails chiffrés ou explications complémentaires des données qu'elle a fournies ;

- l'ensemble de sa situation était connue des services fiscaux compte tenu des demandes de décharge déjà présentées et des décisions de décharge déjà accordées ;

- la doctrine administrative résultant de l'instruction du 20 avril 2009 5 B-13-09 n° 41 à 43 au BOI-CTX-DRS n° 130 admet formellement qu'il peut être tenu " compte des évolutions prévisibles de la situation à la date de la demande de décharge " ;

- il doit être tenu compte de l'ensemble des charges à l'exception de celles présentant un caractère exagéré ou somptuaire conformément à la doctrine administrative mais non à l'exception des " charges courantes récurrentes " ou " des frais nés d'un litige privé " ;

- elle ne perçoit plus de revenu depuis le 18 juin 2014, date de la rupture de son contrat de travail ;

- sa ressource financière est d'un montant bien inférieur à 60 000 euros ;

- sa situation ne peut se résumer à une estimation chiffrée ;

- les impositions découlent des seuls biens propres de son ex-époux ;

- l'attitude de son ex-époux doit être prise en compte ;

- elle n'a pas été invitée à participer à la totalité de la procédure de redressement, n'a pas eu connaissance des réponses de son ex-époux et n'a pas eu les avis d'imposition ou de mise en recouvrement ou d'avis à tiers détenteur, ce qui ne lui a pas permis d'exercer pleinement son droit au recours ;

- la circonstance qu'elle s'acquitte des sommes dues n'établit pas l'absence de caractère disproportionné de la demande.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les justificatifs partiels produits par Mme D...à l'appui de sa requête pour justifier un niveau de charges globalement égal ou supérieur à son revenu global n'ont pas été produits à l'appui de sa demande ;

- la requérant se prévaut d'une liste de charges dont elle n'a jamais fait mention ;

- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant qu'à compter du 25 mai 2009, Mme D... a vécu séparée de son époux, M.C..., dont elle a finalement divorcé le 13 février 2014 ; qu'à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle, ont été notifiés au couple notamment des contributions sociales supplémentaires au titre de l'année 2005 et des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008 ; que, par des courriers des 29 juillet 2013 et 13 décembre 2013, Mme D...a demandé à être déchargée de sa responsabilité solidaire pour le paiement des sommes correspondantes ; que, par une décision du 24 juin 2014, le directeur régional des finances publiques de la région Centre et Loiret a fait droit à sa demande pour les seuls prélèvements sociaux dus au titre de l'année 2008 ; que l'intéressée a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans lequel, par un jugement du 23 juin 2015, a, à l'article 1er, prononcé la décharge de l'obligation solidaire de paiement des contributions sociales au titre de l'année 2005 et a, à l'article 2, rejeté le surplus de la demande tendant à la décharge de la même obligation pour les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que Mme D...relève appel de l'article 2 de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts : " I.- Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; / (...). II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé ; / (...) / d) L'un ou l'autre des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune. / 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité. / (...). / 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 885 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune. " ; qu'aux termes de l'article 382 bis de l'annexe II au même code : " La demande en décharge de responsabilité prévue par les dispositions du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est (...) appuyée de toutes les justifications nécessaires à l'appréciation de la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. " ; qu'aux termes de l'article 382 quater de la même annexe : " (...) / Le demandeur ne peut soumettre au juge des pièces justificatives autres que celles qu'il a déjà produites à l'appui de la demande de décharge de responsabilité qu'il a présentée au directeur départemental des finances publiques ou au directeur en charge du service à compétence nationale, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans cette demande. " ;

3. Considérant que l'article 1691 bis du code général des impôts institue un droit à décharge de l'obligation solidaire de paiement de l'impôt au bénéfice des contribuables qui remplissent les conditions qu'il énonce ; que cette décision est prise après une appréciation de la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur, rapportée à sa dette fiscale, quelles que soient les impositions qui la composent ; que la situation matrimoniale, financière et patrimoniale du contribuable souhaitant bénéficier du mécanisme de décharge de l'obligation solidaire au paiement de l'impôt sur le revenu s'apprécie à la date de la demande faite en ce sens par le contribuable auprès du directeur départemental des finances publiques ;

4. Considérant qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des termes de sa décision du 24 juin 2014, que le directeur régional des finances publiques se serait abstenu d'apprécier la situation de Mme D...;

5. Considérant que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu dont le paiement a été solidairement demandé à Mme D... et dont elle a demandé la décharge s'élèvent à la somme de 11 458 euros, majoration comprise ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas allégué, que l'intéressée aurait présenté d'autre demande de décharge de sa responsabilité solidaire à ce titre que celle en date du 13 décembre 2013, laquelle doit être regardée comme ayant été visée dans la décision du 24 juin 2014 ; qu'au titre des charges de son foyer fiscal, la requérante a déclaré devoir s'occuper seule de l'entretien de ses deux enfants restés à sa charge, l'un né d'un premier lit et l'autre né de son union avec M.C..., ainsi que de l'entretien de son père sans toutefois chiffrer et justifier les dépenses correspondantes ; qu'elle a fait état de charges correspondant à un loyer mensuel de 1 500 euros ; que Mme D...a indiqué de manière non contestée qu'elle ne dispose pas de patrimoine et que son ex-époux ne lui verse aucune pension alimentaire ; qu'au titre de ses ressources, elle s'est bornée, dans sa demande, à faire état de ce qu'elle avait perçu un revenu de 5 350 euros en 2008 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et ainsi que l'administration l'a retenu, que Mme D...a perçu des revenus d'activité pour l'année 2013 s'élevant à la somme de 73 257 euros, soit 65 931 euros après déduction d'un montant de 10 % au titre des frais professionnels ; que la requérante ne saurait utilement se prévaloir des frais exceptionnels d'avocat et d'huissier liés à la procédure de séparation dès lors qu'ils ne constituent pas des charges au sens et pour l'application de l'article 1691 bis du code général des impôts ; qu'elle ne saurait davantage utilement se prévaloir de ce que les redressements résulteraient du non respect par son époux de ses obligations fiscales ou seraient liées au patrimoine propre de ce dernier ; qu'il en va de même de la circonstance qu'elle aurait rencontré des difficultés d'insertion professionnelle ou qu'elle n'aurait pas participé à la procédure de rectification à l'origine des cotisations supplémentaires en cause ou qu'elle n'aurait pas été destinataire des avis de mise en recouvrement et des avis à tiers détenteur correspondants ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé, au vu des justificatifs et des éléments de fait produits, qu'il n'existait pas de disproportion marquée entre le montant de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu et la situation patrimoniale et financière, nette de charges, de Mme D... ; qu'au surplus, et en toute hypothèse, même en tenant compte des diverses charges justifiées dont l'intéressée se prévaut devant la cour, et évaluées à 49 503,24 euros par le ministre, sans que l'intéressée justifie d'un montant supérieur, et sans même prendre en compte la pension alimentaire de 2 180 euros perçue en 2013 au titre de son premier enfant, aucune disproportion marquée ne peut davantage être retenue au regard des dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts ;

6. Considérant qu'en tout état de cause, Mme D...n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe 43 de l'instruction 5 B-13-09 n° 44 du 20 avril 2009 indiquant qu'il " convient toutefois de tenir compte des évolutions prévisibles de la situation à la date de la demande " qui ne comporte pas d'interprétation différente de la loi de celle dont il est fait application ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 208 du livre des procédures fiscales et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 mars 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02566
Date de la décision : 23/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELAS MARCEAU CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-23;15nt02566 ?
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