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09/03/2017 | FRANCE | N°16NT02052

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 mars 2017, 16NT02052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...née B...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 1504275 du 22 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 j

uin 2016, Mme C...née B...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...née B...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 1504275 du 22 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2016, Mme C...née B...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 mars 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un certificat de résident algérien ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour viole les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses observations de première instance et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C...née B...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante algérienne née le 25 avril 1956 à Chlef (Algérie), est entrée en France le 13 avril 2015 sous couvert d'un visa de court séjour à entrées multiples de quatre-vingt-dix jours valable jusqu'au 4 février 2016 ; que, le 15 juin 2015, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale sur le fondement des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par des décisions du 12 octobre 2015, le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée ; qu'elle relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces trois décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement de l'étranger que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a des antécédents de diabète multicompliqué, une hypertension artérielle difficile à équilibrer et surtout est atteinte d'une insuffisance rénale chronique sévère relevant d'une probable néphropathie diabétique en phase pré-terminale ; qu'elle bénéficiait d'un suivi néphrologique régulier à la date de la décision contestée ; que, par un avis rendu le 9 septembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé du Centre-Val de Loire a estimé que si l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays ;

5. Considérant que Mme C...soutient qu'elle doit subir une transplantation rénale, qu'elle a été avisée des résultats des examens médicaux et du fait qu'elle ne pourrait pas recevoir le rein de sa fille qui réside en France, qu'elle est inscrite sur la liste nationale des malades en attente de greffe à partir d'un donneur décédé, gérée par l'Agence de la biomédecine, depuis lors et qu'elle aura des difficultés à accéder à cette opération en Algérie ; qu'elle établit, par les pièces qu'elle produit, que ses anticorps lui rendent l'accès à une greffe difficile, que les dons de reins se font de plus en plus rares en Algérie et que les transplantations rénales à partir d'un donneur décédé y sont rarement pratiquées ; que, dans ces conditions, en refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Loiret a violé les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions, contenues dans le même arrêté, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, doivent être annulées ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le présent jugement implique que le préfet du Loiret délivre, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, à Mme C...un titre de séjour pour raison de santé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la requérante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son conseil peut, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, se prévaloir de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'il renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner celui-ci à verser au conseil de Mme C...une somme de 1 200 euros au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 mars 2016 du tribunal administratif d'Orléans et les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Loiret a refusé la délivrance d'un titre de séjour à MmeC..., l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer, sauf changement de circonstances de fait ou de droit, à Mme C...un titre de séjour pour raison de santé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à

MeE..., conseil de MmeC..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...née B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 16 février 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mars 2017.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT02052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02052
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : JANVIER-LUPART

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-09;16nt02052 ?
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