Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Cofibat a demandé au tribunal administratif de Rennes de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 122 490 euros au titre de l'année 2009 et de 56 825 euros au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1204945 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 février 2015 et 30 mars 2016, la SAS Cofibat, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2014 ;
2°) de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 122 490 euros au titre de l'année 2009 et de 56 825 euros au titre de l'année 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens autres que celui tiré de l'existence de dépenses de développement expérimental éligibles au crédit d'impôt recherche ;
- contrairement à ce que mentionne le jugement, le bénéfice du crédit d'impôt recherche est demandé au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 et non au titre des exercices clos en 2008 et en 2009 ;
- la construction d'un village expérimental de six maisons prototypes, non destinées à la vente, respectant les normes d'isolation prévues par la Réglementation Thermique 2012, constitue un développement expérimental, au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, et entre en tant que tel dans le champ d'application de l'article 244 quater B du même code ;
- cette conception du développement expérimental est conforme à la position exprimée par l'administration au paragraphe 70 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012 et, dans le domaine du chauffage, dans les instructions administratives 4 A-1-00 du 21 janvier 2000 et 4-A-4112 du 9 mars 2001 (n° 11) ;
- les salariés retenus pour le calcul du crédit d'impôt ont la qualité de chercheur ;
- la position du service est fondée sur ce point sur le rescrit n° 2010/59 du 5 octobre 2010 qui n'est pas applicable à la période vérifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 février 2015 et 21 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la SAS Cofibat.
1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Cofibat, qui exerce notamment une activité de construction de maisons, relève appel du jugement du 17 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 122 490 euros pour l'année 2009, imputé à hauteur de 7 830 euros sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2010 et de 56 825 euros pour l'année 2010, imputé à hauteur de 6 116 euros sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2011 ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;
4. Considérant que les dispositions applicables du code général des impôts ne renvoient pas au manuel de Frascati, élaboré en 2002 par l'Organisation de coopération et de développement économique ; qu'il suit de là que la notion d'amélioration substantielle d'un produit au sens du paragraphe 249 de ce manuel n'est pas utilement invoquée ;
5. Considérant que les demandes de crédit d'impôt recherche de la SAS Cofibat portent sur la construction d'un village expérimental constitué de six maisons labellisées " Bâtiment Basse Consommation " répondant aux normes de performance énergétique de la réglementation thermique 2012, dite RT 2012, applicable aux constructions neuves à compter du 1er janvier 2013, et devant avoir une probabilité de durée de vie supérieure à 95 % sur une période de quinze ans ; qu'il ressort des dossiers de ces demandes que ce projet expérimental a consisté à combiner de plusieurs façons des techniques de construction des murs en mettant en oeuvre des matériaux peu utilisés tels que le bois, un produit à base de pierre ponce ou du béton contenant du polystyrène, des modes de chauffage et de production d'eau chaude et des techniques permettant d'assurer une étanchéité maximale de l'air chauffé à l'intérieur des maisons, tout en maîtrisant les coûts de construction afin de les rendre proches du coût moyen de construction d'une maison individuelle classique ; qu'il en ressort également que la société requérante a été confrontée au manque de fiabilité des règles de modélisation auxquelles elle s'est référée, à l'absence d'études portant sur la combinaison des diverses techniques d'économie d'énergie qu'elle a essayé d'associer et à une incertitude quant à la persistance de la performance énergétique obtenue ; que, toutefois, le projet expérimental ainsi mené résulte d'une simple utilisation de techniques existantes et ne présente pas un caractère de nouveauté ; que, s'agissant de son apport scientifique, les dossiers de demandes de crédit d'impôt recherche se bornent d'ailleurs à faire état de solutions techniques assez satisfaisantes sur le plan financier et de progrès à accomplir pour que la totalité des maisons du village expérimental réponde entièrement aux exigences de la nouvelle réglementation, sans faire état d'aucune innovation ; que, dès lors, la SAS Cofibat n'est pas fondée à demander le bénéfice du crédit d'impôt recherche pour cette installation pilote sur le fondement de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses de personnel dont la société requérante demande la déduction est inopérant ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Considérant que la garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester des cotisations primitives ou des rehaussements de ces cotisations ; qu'ainsi qu'il est dit au point 1 du présent arrêt, le crédit d'impôt recherche, dont la société requérante demande le bénéfice, n'a été remis en cause par voie de redressement qu'en tant qu'il a été imputé, à hauteur de 7 830 euros, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2010 et, à hauteur de 6 116 euros, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2011 ; qu'il suit de là que la société n'est pas fondée à se prévaloir, au soutien de sa demande tendant à la restitution de la somme de 115 110 euros pour l'année 2009 et de la somme de 50 709 euros pour l'année 2010, des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt recherche prévues par le paragraphe 18 de l'instruction 4-A-1-00 du 21 janvier 2000, par le paragraphe 11 de l'instruction 4-A-4112 du 9 mars 2001 et par le paragraphe 70 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012 ; qu'en tout état de cause, les commentaires administratifs dont elle se prévaut ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application ; qu'au surplus, l'instruction du 12 septembre 2012 est postérieure à la mise en recouvrement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des années pour lesquelles le remboursement de crédits d'impôt est demandée ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les commentaires administratifs dont la SAS Cofibat se prévaut pour contester également la remise en cause par le service de l'imputation de crédits d'impôt recherche sur l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Cofibat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'insuffisance de motivation, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SAS Cofibat demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Cofibat est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cofibat et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 janvier 2017.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00638 2
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