La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2017 | FRANCE | N°15NT01675

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 09 janvier 2017, 15NT01675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC " Les tertiaires d'Atalante " a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 3 429 269 euros en réparation du préjudice subi du fait de la renonciation au projet de création d'un pôle sanitaire et social implanté à l'intérieur du périmètre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) dénommé "Atalante-Villejean" située sur le territoire de la commune de Rennes.

Par un jugement n° 1104510 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes

a condamné l'Etat à verser à la SNC requérante une somme de 3632,25 euros avec intérêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC " Les tertiaires d'Atalante " a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 3 429 269 euros en réparation du préjudice subi du fait de la renonciation au projet de création d'un pôle sanitaire et social implanté à l'intérieur du périmètre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) dénommé "Atalante-Villejean" située sur le territoire de la commune de Rennes.

Par un jugement n° 1104510 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à la SNC requérante une somme de 3632,25 euros avec intérêts capitalisés à la date du 25 juillet 2011 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 28 mai 2015, le 19 avril 2016 et le 28 juin 2016, la SNC " Les Tertiaires d'Atalante ", représentée par la SCP Lesage-Orain-Page-Varin-Camus-Aleo, société d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 429 269 euros et a limité à 3632, 25 euros le montant de l'indemnité allouée en réparation de la faute commise par l'Etat ;

2°) de porter le montant de cette indemnité à la somme de 3 429 269 euros majorée des intérêts de droit capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à faire appel ;

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité pour défaut de motivation en ne se prononçant pas sur les moyens qu'elle invoqué et tiré du dommage anormal et spécial qu'elle avait subi ainsi que sur la demande de prise en compte du préjudice liée à la perte du bénéfice escompté et au préjudice commercial subi ;

- le tribunal a également commis une erreur dans le décompte de l'indemnité qu'il lui a accordé ;

- l'Etat a engagé sa responsabilité pour faute en raison d'engagements non tenus et de la méconnaissance de ses droits acquis résultant de ces engagements unilatéraux ;

- l'Etat a méconnu son droit à une procédure contradictoire préalable en cas de retrait d'une décision créatrice de droits ;

- l'Etat a également engagé sa responsabilité pour avoir renoncé à l'opération envisagée alors qu'aucun motif d'intérêt général ne justifiait cette renonciation ;

- l'Etat a méconnu les principes de loyauté et de confiance légitime ;

- l'Etat a engagé sa responsabilité sans faute en raison du préjudice anormal et spécial subi du fait de la décision de renonciation à l'opération ;

- le préjudice qu'elle a subi est établi ;

- elle doit le supporter dès lors que Eiffage Immobilier Ouest et Icade ne sont intervenues que comme ses mandataires ;

- ces sociétés lui ont bien refacturé leurs prestations ;

- elle a subi un préjudice résultant du coût des études préliminaires, du temps horaire passé à la conception des différentes phases du projet et au dépôt des demandes de permis de construire et de dossier d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, de la perte de bénéfice escompté et du préjudice commercial.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mars 2016 et le 30 mai 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.

Il soutient que les moyens soulevés par la SNC "Les tertiaires d'Atalante" ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2016.

Vu la lettre en date du 7 novembre 2016, informant les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence d'intérêt à agir de la société requérante en raison de l'absence d'un préjudice l'affectant directement.

Un mémoire présenté pour la SNC "Les tertiaires d'Atalante", représenté par la SCP Lesage-Orain-Page-Varin-Camus-Aleo, a été enregistré le 23 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lenoir,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SNC " Les Tertiaires d'Atalante ".

Une note en délibéré présentée pour La SNC " Les tertiaires d'Atalante " a été enregistrée le 21 décembre 2016.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1983 le district urbain de Rennes, auquel a succédé la métropole de Rennes, a décidé de créer une zone d'aménagement concerté dénommée " Technopole Rennes-Atalante " regroupant plusieurs sites distincts dont celui intitulé "Rennes Atalante-Villejean", d'une superficie d'environ 10 hectares, dédié à l'implantation d'entreprises du secteur de la santé ; qu'en 1999, l'Etat a envisagé de procéder, dans un immeuble de 9000 m2 de surface hors oeuvre nette devant être édifié sur un terrain de 11 298 m2 lui appartenant et inclus dans le périmètre de ce site, au regroupement des services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité ; que, pour la réalisation de cette opération, l'Etat a décidé de recourir à une procédure d'autorisation d'occupation temporaire de son domaine public permettant à un promoteur privé de réaliser, sur ses fonds propres, l'immeuble en question afin de le mettre ensuite à la disposition de l'administration contre paiement d'un loyer ; qu'il a été procédé, à compter du mois de février 2001, à une sélection par concours pour le choix du maître d'ouvrage délégué de l'opération ; que le règlement du concours prévoyait ainsi que le futur utilisateur " confiera à un promoteur et à son équipe la conception, la construction, et l'investissement de cet en semble de bureaux constituant un pôle sanitaire et social en vue de sa location dans le cadre d'une procédure d'Autorisation d'Occupation temporaire (AOT), avec option d'achat éventuel " ; que, le 11 octobre 2001, le comité de sélection a retenu l'offre de la société Eiffage Immobilier Ouest (EIO) ; que, par lettre du 27 novembre 2001, le préfet de la Région Bretagne a informé cette société de sa décision d'entériner le choix du comité de sélection tout en lui indiquant qu'il lui appartenait " de faire aboutir ce projet dans le cadre de la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat " et qu'il était nécessaire " avant de déposer la demande qui permettra d'engager officiellement la procédure devant l'administration fiscale " " d'apporter des réponses satisfaisantes aux observations formulées par le comité de sélection " ; que, cependant, par lettre du 18 septembre 2008, le directeur régional des affaires de sécurité sociale a informé la société en nom collectif (SNC) " Les Tertiaires d'Atalante " de la mise en place d'une nouvelle organisation des services locaux de l'Etat et de l'impossibilité de lui donner, en conséquence, " des certitudes sur l'avenir du projet " ; que, par une lettre en date du 13 juillet 2011, la SNC " Les Tertiaires d'Atalante " a saisi l'Etat (ministre du travail, de l'emploi et de la santé) d'une demande d'indemnisation d'un montant de 3 429 368 euros en réparation du préjudice subi du fait du renoncement à l'opération de promotion immobilière mentionnée plus haut ; que cette société relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 26 mars 2015 en tant que, par ce jugement, les premiers juges ont limité à 3632, 25 euros l'indemnité qui lui a été versée en réparation de la faute commise par l'Etat et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que l'Etat, qui n'a pas relevé appel, se limite à demander la confirmation du jugement en cause ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés, d'une part, sur l'absence de préjudice anormal et spécial de nature à ouvrir, à la société requérante, un droit à indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute et, d'autre part, ont expressément limité l'indemnisation à laquelle elle pouvait prétendre aux sommes exposées au titre des études liées à l'élaboration du dossier de demande permis de construire ; que la SNC " Les Tertiaires d'Atalante " n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement qu'elle critique serait entaché d'un défaut de motivation faute d'avoir répondu aux moyens tirés de la mise en jeu de la responsabilité sans faute de l'Etat et de ce que l'indemnité à laquelle elle pouvait prétendre devait inclure le préjudice commercial qu'elle a subi ;

Sur le droit à indemnisation de la SNC " Les Tertiaires d'Atalante " :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Etat a informé, par la lettre du 27 novembre 2001 mentionnée au point 1, la société EIO que la proposition qu'elle avait présenté avait été sélectionnée ; qu'ainsi cette société était seule en droit d'estimer que , en dépit de la circonstance que cette procédure de sélection n'avait pas abouti à la signature d'un acte contractuel, l'Etat avait pris à son encontre des engagements susceptibles de mettre en jeu sa responsabilité pour faute ou sans faute ; que si, par un acte contractuel signé le 26 janvier 2003, les sociétés EIO et SCIC Développement, cette dernière devenue ensuite ICADE, ont créé une société en nom collectif dénommée " Les Tertiaires d'Atalante " dont l'objet social concernait " la réalisation, l'édification et la construction d'un immeuble et équipements privés et public pour les services de la DDASS et de la DRASS à Rennes - ZAC de Beauregard pour une HON de 9600 m2 environ - l'acquisition de terrains ou de droits à construire, la prise en concession de droits immobiliers de toute nature, y compris sous forme d'autorisations temporaires d'occupations du domaine public nécessaires à l'opération - la cession de droits réels sur des terrains ayant fait l'objet d'autorisations administratives ", cet accord, non signé ou approuvé par l'Etat, n'a eu aucunement pour effet de transmettre à cette SNC les droits issus des engagements que l'Etat aurait pris à l'égard de la société EIO ; qu'aucune des pièces du dossier ne démontre que la SNC " Les Tertiaires d'Atalante " aurait succédé à la société EIO, laquelle est d'ailleurs toujours en activité et a été le principal correspondant des services de l'Etat ; qu'à supposer que cette dernière société ait entendu transférer, par l'article 31 des statuts de la SNC, à ladite SNC certains engagements qu'elle avait précédemment conclus, l'état annexé auquel se réfère ledit article 31 ne mentionne qu'un contrat de maîtrise d'oeuvre conclus avec deux cabinets d'architecte ; que la circonstance que la SNC " Les Tertiaires d'Atalante " ait ensuite, par acte signé le 10 février 2004, donné mandat aux sociétés ICADE et EIO pour assurer en son nom le montage, la gestion administrative et financière de l'opération, la conduite et la fin des travaux n'est pas non plus de nature à fonder un droit de ladite SNC à se prévaloir d'éventuels manquements de l'Etat en raison d'engagements non tenus ; que, par suite, la société requérante n'établit pas avoir subi un préjudice direct résultant de la renonciation de l'Etat à poursuivre l'opération de promotion immobilière ayant donné lieu à la procédure de sélection ayant abouti au choix, le 27 novembre 2001, de la société EIO ; qu'en conséquence, elle n'est pas fondée à mettre en jeu pour ce motif la responsabilité pour faute ou sans faute de l'Etat en raison de la décision de renonciation à l'opération envisagée en 2001 ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter ses conclusions tendant à ce que le jugement attaqué soit réformé afin que soit portée à une somme de 3 429 269 euros l'indemnité accordée par les premiers juges ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société EIO de la somme que demande cette dernière au titre des frais qu'elle a exposé et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC " Les Tertiaires d'Atalante " est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif " Les Tertiaires d'Atalante " et au ministre des affaires sociales et de la santé.

Une copie sera transmise au préfet de la région Bretagne et à la société EIO.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2017.

Le président-assesseur

J. FRANCFORT

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

2

N° 15NT01675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01675
Date de la décision : 09/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SCP LESAGE ORAIN VARIN CAMUS ALEO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-09;15nt01675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award