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01/12/2016 | FRANCE | N°16NT01609

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 décembre 2016, 16NT01609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1508940 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés le 18 mai 2016 et le 29 août 2016, M. A...B..., représenté par MeD..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1508940 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 mai 2016 et le 29 août 2016, M. A...B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 février 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêt du préfet de la Loire-Atlantique du 24 avril 2015 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeD..., de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle ne mentionne pas les raisons pour lesquelles le préfet a estimé que l'offre de soins en Tunisie était désormais adaptée à son état de santé ; elle est intervenue sans examen préalable de sa situation personnelle ; elle méconnaît, d'une part, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, celles du 7° du même article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance et fait, en outre, valoir que le traitement médicamenteux dont a besoin le requérant est disponible en Tunisie.

M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- et les observations de MeD..., représentant M. A...B....

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant tunisien né le 24 juillet 1984, est entré en France en 2011 et a obtenu, le 29 juin 2012, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, plusieurs fois renouvelé jusqu'au 25 septembre 2014 ; qu'il a demandé le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 24 avril 2015, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que M. A...B...relève appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 avril 2015 ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination (...) qui l'accompagnent le cas échéant. (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.- Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; que si la formation d'un recours administratif contre une décision établit que l'auteur de ce recours a eu connaissance de la décision qu'il a contestée au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours, une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur l'application des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le pli contenant l'arrêté contesté a été expédié à l'ancienne adresse de M. A...B...alors même que ce dernier avait, avant l'intervention de cet arrêté, informé les services préfectoraux de sa nouvelle adresse ; que si le préfet de la Loire-Atlantique fait valoir d'une part que l'intéressé a formé un recours gracieux le 13 juillet 2015, dans lequel il indiquait avoir eu connaissance de l'arrêté litigieux le 10 juillet 2015 au guichet de la préfecture, et d'autre part que sa demande d'aide juridictionnelle n'a été formée que le 15 septembre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu par le préfet que M. A...B...aurait également eu connaissance, le 10 juillet 2015, des délais et voies de recours ; qu'ainsi, le délai de recours n'ayant pas commencé à courir, la demande de M. A... B...devant le tribunal administratif de Nantes n'était pas tardive ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;

6. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

8. Considérant que, par un avis rendu le 18 novembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé, d'une part, que l'état de santé de M.A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, qu'il n'existe pas dans son pays d'origine un traitement approprié pour cette prise en charge ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait jusqu'alors M. A...B...au motif qu' il n'était pas établi que l'intéressé ne pût bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

9. Considérant qu'il ressort des différentes pièces médicales versées au dossier que M. A... B...souffre d'une rétinopathie proliférante ainsi que d'une néphropathie, caractérisée notamment par une insuffisance rénale sévère, secondaires à un diabète de type I ; que l'état de santé de l'intéressé, dont il n'est pas contesté qu'un défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une particulière gravité, nécessite une transplantation rénale et pancréatique, un traitement médicamenteux lourd ainsi qu'un suivi multidisciplinaire par des spécialistes en endocrinologie, néphrologie, cardiologie, ophtalmologie et rééducation fonctionnelle ; que le préfet de la Loire-Atlantique produit une " fiche-pays " établie par les services de l'Etat en 2006 dont il ressort qu'il existe en Tunisie une offre de soins suffisante pour traiter l'insuffisance rénale terminale ainsi que, dans les grandes villes, le diabète insulinodépendant ; qu'il ressort de cette même fiche, corroborée par des articles de presse publiés sur Internet, qu'il est possible de bénéficier de greffes du rein dans ce pays ; qu'un autre document, de source inconnue, fait également état de la possibilité de greffe du pancréas en Tunisie sans néanmoins préciser si une transplantation rénale et pancréatique simultanée y est réalisable ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une prescription médicale du 31 juillet 2015 que parmi les médicaments nécessaires à la prise en charge de M. A...B...figure le " Aranesp " ; qu'ainsi que le soutient le requérant, le préfet de la Loire-Atlantique n'établit pas que ce médicament est disponible en Tunisie ; qu'à cet égard, et alors que, s'agissant d'une thérapeutique médicamenteuse multiple, il existe des contre-indications et des interactions nombreuses, le préfet allègue que ce médicament peut être remplacé par du " Tardyferon " ; que cette assertion est toutefois contredite par un certificat médical du 24 août 2016 dont il ressort que le " Tardyferon " ne peut se substituer à l' " Araneps " dans le cas d'anémie chronique liée à une insuffisance rénale sévère ; que, dans ces conditions, les éléments apportés par le préfet de la Loire-Atlantique ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'absence de traitement approprié à l'état de santé de M. A...B...en Tunisie et partagée par un praticien hospitalier rattaché à l'Institut de transplantation-urologie-néphrologie du centre hospitalier universitaire de Nantes dans un certificat du 15 février 2016 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fondé ; que l'illégalité dont la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour se trouve ainsi entachée est de nature à en entraîner l'annulation ainsi que celle, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 avril 2015 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant la situation de M. A...B..., que le préfet de la Loire-Atlantique lui délivre, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens sans qu'il soit besoin de l'assortir d'une l'astreinte ;

Sur les conclusions aux fins d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que M. A...B...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à ce conseil de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 février 2016 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 avril 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. A...B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant sa situation, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me D...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

Le rapporteur,

K. BougrineLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01609
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CHAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-01;16nt01609 ?
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