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24/11/2016 | FRANCE | N°15NT01666

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 novembre 2016, 15NT01666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1300220 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mai 2015 et le 26 octobre 2016, M.D..., représenté par MeE..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ;

2°) de prononcer la décharge,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1300220 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mai 2015 et le 26 octobre 2016, M.D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision " de rejet " du 2 mars 2011 est insuffisamment motivée et porte ainsi atteinte aux droits de la défense ;

- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est irrégulier en ce qu'elle ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si l'entité cédée par M. D...était constitutive d'une branche autonome au sens de l'article 238 quindecies du code général des impôts qui est une question de fait ; dès lors, d'une part, la procédure d'imposition est irrégulière puisque les redressements en litige ont été mis en recouvrement sans que cette commission ne se prononce, d'autre part, la charge de la preuve pèse sur l'administration ;

- les modalités de calcul de la quote-part des frais financiers réintégrée aux résultats de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) D...sont erronées et l'administration se fonde sur une interprétation restrictive du point 2 de la doctrine 4 C 54, contraire au principe d'égalité devant l'impôt ;

- la plus-value résultant de la cession du matériel agricole de l'EARL D...peut être placée sous le régime d'exonération de l'article 238 quindecies du code général des impôts ;

- il se prévaut des points 38 à 42 de l'instruction du 25 février 2005 4 B-1-05, du rapport législatif n°2720 fait par M. C...B...au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan sur le projet de loi de finances rectificatives pour 2005 enregistré à la Présidence de l'Assemblée Nationale le 1er décembre 2005 et du point 6 de l'instruction du 28 décembre 2009 publiée au BOI 4B-1-10.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que M. D...exerçait une activité agricole en qualité d'associé exploitant de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) D...relevant de l'article 8 du code général des impôts, qu'il avait constituée le 1er mars 1995 avec son épouse, associée non exploitante ; qu'à la suite de la dissolution anticipée de l'exploitation à compter du 30 novembre 2006 et de sa mise en liquidation amiable, le matériel agricole a été vendu à l'EARL Kergontes et les bâtiments de la société ont été transférés dans le patrimoine privé de M. et Mme D...; que l'exploitation D...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2005 au 30 novembre 2006 ; que l'administration a réintégré au résultat de l'exploitation au titre de l'exercice clos en 2006 une quote-part des frais financiers qu'elle a supportés à raison de comptes d'associés débiteurs du fait de prélèvements effectués par M. D...et a remis en cause l'exonération des plus-values réalisées sous le régime de l'article 238 quindecies du code général des impôts ; que M. D...relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que le litige opposant l'exploitation D...à l'administration fiscale porte notamment sur le bénéfice de l'exonération, en application de l'article 238 quindecies du code général des impôts, de la plus-value réalisée lors de la cession de son matériel agricole, le 30 novembre 2006, à l'EARL Kergontes ; qu'une telle question n'entre pas dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires défini par les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, l'administration n'a pas entaché la procédure d'imposition de l'EARL D...d'irrégularité en procédant à la mise en recouvrement des impositions litigieuses sans que cette commission se fût prononcée sur ce point ;

3. Considérant, en second lieu, que M. D...ne peut utilement contester la régularité de la lettre n° 2230 du 2 mars 2011 notifiant régulièrement à l'exploitation D...l'avis de la commission départementale ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que cette lettre est entachée d'insuffisance de motivation et porte atteinte aux droits de la défense, doivent être écartés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. / (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / (...) / 5° De l'associé unique ou des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. " ; que selon l'article 60 de ce code, les sociétés et entreprises relevant de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le résultat imposable d'une société de personnes est déterminé au niveau de celle-ci, alors même qu'elle n'est pas directement redevable de l'impôt correspondant, qui est dû par chacun de ses associés à raison de la quote-part des droits qu'il détient dans la société ;

En ce qui concerne la déductibilité d'une fraction des frais financiers :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable aux bénéfices agricoles en application de l'article 72 du même code, le bénéfice net " est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés " ; qu'aux termes du 1 de l'article 39 de ce code, applicable aux bénéfices agricoles en application du même article 72 : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges " ; que les charges financières supportées durant l'exercice sont au nombre des charges déductibles, à la condition d'avoir été effectivement exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;

6. Considérant que M. D...ne conteste pas le principe de la réintégration des frais financiers dans les résultats de l'EARL D...mais leurs modalités de calcul ; que l'administration a déterminé la quote-part non déductible des charges financières par le rapport existant entre le solde débiteur moyen annuel du compte de l'exploitant et le montant moyen des prêts et avances de l'entreprise ; que l'intéressé soutient que l'administration n'aurait pas dû tenir compte du montant moyen des prêts et avances de l'entreprise mais de l'ensemble de ses dettes, y compris les dettes fournisseurs ; que, toutefois, les dettes de l'entreprise ne peuvent être prises en compte dès lors qu'il ne s'agit pas de disponibilités financières génératrices d'intérêts ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions du point 2 de l'instruction 4 C-54 du 30 octobre 1997, qui a repris l'instruction 4 C-5-85 du 10 septembre 1985, selon lesquelles " les charges financières susceptibles d'être réintégrées au résultat fiscal sont essentiellement les intérêts et les agios afférents aux prêts et avances " découverts " consentis à l'entreprise. Enfin, en revanche, il n'y a pas lieu de retenir les frais d'escompte et les effets de commerce ", qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus ; qu'il ne peut non plus se prévaloir d'un extrait du BOI-BIC-CHG-50-40 du 12 septembre 2012 qui comporte une interprétation de la nature et des modalités de calcul des charges financières postérieure au délai de déclaration de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2006 ;

8. Considérant, enfin, que le requérant qui a été imposé conformément à la loi fiscale ne se prévaut pas utilement d'une inégalité devant l'impôt ;

En ce qui concerne la plus-value réalisée lors de la cession de matériel agricole :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées (...) / II. - L'exonération prévue au I est subordonnée aux conditions suivantes : / 1 L'activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ; / 2 La personne à l'origine de la transmission est : / a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu ou un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu ; / (...) / 3 En cas de transmission à titre onéreux, le cédant ou, s'il s'agit d'une société, l'un de ses associés qui détient directement ou indirectement au moins 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ou y exerce la direction effective n'exerce pas, en droit ou en fait, la direction effective de l'entreprise cessionnaire ou ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise. / (...) / V. - Sont imposées dans les conditions de droit commun les plus-values réalisées à l'occasion de la transmission de l'entreprise individuelle ou de la branche complète d'activité portant sur : / 1° Des biens immobiliers bâtis ou non bâtis ; / (...) / IX. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux transmissions réalisées à compter du 1er janvier 2006. " ; qu'en cas de cession d'une branche complète d'activité, la plus-value n'est exonérée, en application de ces dispositions, que si la branche d'activité cédée est susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez la société cédante comme chez la société cessionnaire, sous réserve que cet apport opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine de la société cédante et dans des conditions permettant à la société cessionnaire de disposer durablement de tous ces éléments ;

10. Considérant que l'exploitation D...a cédé à l'EARL Kergontes, le 30 novembre 2016, du matériel agricole pour un montant total de 50 000 euros ; qu'elle a réalisé une plus-value nette à court terme de 34 784 euros et une plus-value à long terme de 8 421 euros qu'elle a placées sous le régime d'exonération prévu par le I de l'article 238 quindecies du code général des impôts ; que l'administration fiscale a remis en cause cette exonération au motif que la cession ne portait pas sur une branche complète d'activité ;

11. Considérant qu'en cédant le matériel agricole, l'exploitation D...n'a pas transféré au cessionnaire l'ensemble des éléments essentiels à la poursuite de l'exercice de l'activité agricole dès lors que les bâtiments exploités par l'exploitation cédante, à savoir les serres, le local de chaufferie, le local de stockage et un hangar, ont été repris dans le patrimoine privé de M. et MmeD... ; que la circonstance que ces bâtiments ont été loués par les requérants à leur fils, qui les a mis à disposition de l'EARL Kergontes dont il est associé, est sans incidence au regard des conditions d'application de l'exonération prévue par l'article 238 quindecies du code général des impôts ; que, dans ces conditions, les éléments cédés n'ont pas fait effectivement l'objet d'une exploitation autonome chez le cessionnaire et l'EARL D...ne peut être regardée comme ayant cédé une branche complète de son activité ; qu'il suit de là que l'administration pouvait légalement remettre en cause le régime d'exonération sous lequel le contribuable s'était placé ;

12. Considérant, en second lieu, que M. D...n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des points 38 à 42 de l'instruction administrative 4 B -1-05 du 25 février 2005 dès lors que cette instruction concerne le dispositif d'exonération des plus-values professionnelles prévu à l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, applicable aux cessions antérieures au 1er janvier 2006 ; qu'il n'est pas fondé non plus à se prévaloir des points 6, 7 et 20 de l'instruction administrative 4 B-1-10 du 29 décembre 2009 qui comporte une interprétation de l'article 238 quindecies du code général des impôts postérieure au délai de déclaration de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2006 ; qu'enfin, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des travaux préparatoires de l'article 238 quindecies du CGI pour soutenir qu'il existerait un lien entre ces deux instructions ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2016.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01666

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01666
Date de la décision : 24/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-24;15nt01666 ?
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