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24/11/2016 | FRANCE | N°15NT01009

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 novembre 2016, 15NT01009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1401586 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif d'Orléans a, après avoir prononcé un non-lieu partiel (article 1er), rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 m

ars 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 17 mars 2016, M. et MmeB..., représentés par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1401586 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif d'Orléans a, après avoir prononcé un non-lieu partiel (article 1er), rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 17 mars 2016, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 janvier 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les frais de séjour, les frais de repas et les frais de transport sont déductibles dans la mesure où ils résultent d'une contrainte professionnelle et non d'une simple convenance personnelle ; leur lieu de résidence habituelle est la conséquence de l'instabilité de l'emploi précédemment exercé par M. B... et de son emploi actuel, des activités de Mme B... qui, sans percevoir de rémunération, exerce une activité au sein de deux orchestres organisés sous forme d'association et de ce que leur fils adolescent a besoin de stabilité pour le bon déroulement de sa scolarité ;

- les frais de transport exposés sont déductibles en vertu du 3° de l'article 83 du code général des impôts et des paragraphes 4 et 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 reprise au paragraphe 30 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20-2014011 ;

- les frais de péage exposés sont déductibles en totalité pour les mêmes motifs, selon les instructions 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 et 5 F-2542, annexe 1, du 10 février 1999 ;

- les frais d'hôtel sont déductibles dès lors qu'ils sont liés aux circonstances particulières de l'emploi de M. B...;

- les frais de repas sont déductibles dès lors que les repas ne sont pas fournis aux personnels navigants et qu'il ne dispose pas d'un mode de restauration collective ; ils doivent être évalués forfaitairement conformément à l'instruction 5 F-9-09 du 13 mars 2009 ;

- les frais de téléphone et d'abonnement internet liés à sa profession sont déductibles dès lors que son employeur ne met pas à sa disposition de lieu de travail ;

- il en va de même des frais relatifs aux locaux ;

- le montant total des frais professionnels réels à prendre en compte est de 21 773 euros pour l'année 2008 et de 23 824 euros pour l'année 2009.

Par des mémoires en défense enregistrés les 21 septembre 2015 et 3 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens relatifs aux frais de téléphone, d'abonnement internet et liés à un local professionnel sont inopérants dès lors que leur déduction a déjà été admise ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 21 mars 1968 entre la France et l'Irlande en vue d'éviter les doubles d'impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que M. B..., pilote de ligne employé par une compagnie aérienne irlandaise dont le siège social est en Irlande, est résident fiscal français ; qu'en application des stipulations du 3 de l'article 12 de la convention fiscale franco-irlandaise du 21 mars 1968, ses revenus de source irlandaise ne sont pas imposables en France ; que, toutefois, l'administration les a pris en compte, pour déterminer le taux d'imposition applicable aux revenus de source française de son foyer fiscal, en application des dispositions de l'article 197 C du code général des impôts ; qu'en conséquence, elle a mis à la charge de M. et Mme B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 de 3 130 euros et 3 533 euros en droits et 588 euros et 494 euros en pénalités dont ils ont demandé la décharge au tribunal administratif d'Orléans ; que par une décision du 9 septembre 2014, postérieure à l'introduction de leur demande, le directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret a admis le caractère déductible des dépenses supportées à raison de frais de téléphone et d'internet, ainsi que de l'utilisation d'une partie de l'habitation des requérants pour l'exercice de l'activité professionnelle de M. B..., et prononcé un dégrèvement, au titre de l'année 2008, à hauteur des sommes de 37 euros en droits et 7 euros en pénalités et, au titre de l'année 2009, à hauteur des sommes de 96 euros en droits et 13 euros en pénalités ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions à fin de décharge ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 197 C du code général des impôts : " L'impôt dont le contribuable est redevable en France sur les revenus autres que les traitements et salaires exonérés en vertu des dispositions des I et II de l'article 81 A (...) est calculé au taux correspondant à l'ensemble de ses revenus, imposables et exonérés " ; qu'aux termes du 4 de l'article 21 de la convention franco-irlandaise du 21 mars 1968 : " (...) l'impôt français peut être calculé sur les revenus imposables en France en vertu de la présente Convention, au taux correspondant à l'ensemble des revenus imposables d'après la législation française " ;

3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions et stipulations, les cotisations d'impôt sur le revenu dues en France à raison des revenus imposables en France sont calculées en faisant application à ces derniers du taux qui correspond, selon les dispositions du code général des impôts, à l'ensemble du revenu, y compris les revenus de source étrangère exonérés par une convention internationale conclue pour éviter une double imposition ; qu'elles autorisent l'administration à appliquer la règle dite du taux effectif, c'est-à-dire à calculer les cotisations d'impôt sur le revenu dues en France à raison des revenus imposables en France en faisant application du taux qui correspond, selon les dispositions du code général des impôts, à l'ensemble des revenus, y compris les revenus de source étrangère exonérés par une convention internationale ; que, pour l'application de cette règle, il y a lieu de calculer une cotisation de base fictive à partir de la totalité des revenus y compris ceux exonérés, puis de déterminer l'impôt réellement exigible par application au résultat ainsi obtenu du rapport existant entre le revenu imposable en France et le montant total du revenu d'après lequel la cotisation de base a été calculée ; que, pour déterminer la cotisation de base fictive en cause, il y a lieu d'appliquer les règles prévues par la législation française pour la détermination, en l'espèce, des traitements et salaires effectivement soumis à l'impôt sur le revenu en France ;

Sur l'application de la loi fiscale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. / La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (...) ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. / (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (...) / Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète (...) " ;

5. Considérant que, pour fixer le taux effectif applicable pour la détermination de l'impôt sur le revenu du foyer fiscal de M. et Mme B...en France, le service a retenu les traitements et salaires de M. B...imposables en Irlande, en réduisant leur base imposable du forfait de 10 % prévu par les dispositions du 3° de l'article 83 du code général des impôts pour les contribuables salariés n'ayant pas opté pour le régime des frais réels ; que M. et Mme B... demandent que le taux effectif applicable soit déterminé en tenant compte des frais réellement supportés pour l'exercice de la profession de M.B... ;

6. Considérant que revêtent, notamment, le caractère de frais professionnels déductibles en vertu de ces dispositions, les dépenses qu'un contribuable occupant un emploi salarié dans une localité éloignée de celle où la résidence de son foyer est établie doit exposer, tant pour se loger à proximité du lieu de son travail que pour effectuer périodiquement les trajets entre l'une et l'autre localités, dès lors que la double résidence ne résulte pas d'un choix de simple convenance personnelle, mais est justifiée par une circonstance particulière ;

7. Considérant que pour justifier la déductibilité des frais de transport de M.B..., les requérants, qui résident à Saint-Cyr-en-Val (Loiret), soutiennent qu'en vertu du contrat de travail conclu avec son employeur irlandais en 2006, modifié par un avenant en 2008, M. B... peut être appelé à prendre son service, temporairement, aux aéroports de Dublin, Roissy-Charles de Gaulle ou Orly ou toute autre base européenne, que le lieu d'exercice de son emploi est précaire, puisqu'il est convoqué soit à l'aéroport d'Orly, soit à celui de Roissy-Charles de Gaulle, très éloignés l'un de l'autre, et que son employeur peut modifier à tout moment son affectation, sans que la notion d'affectation " temporaire " soit définie par son contrat ; que cependant, il résulte des plannings de vol remis au requérant par son employeur qu'il produit, lesquels font état de l'ensemble des vols effectués et des convocations le concernant, qu'en 2008 et en 2009, M. B...a systématiquement pris son service en France, en dehors des hypothèses de retour vers la France après un trajet " aller " vers l'une des destinations européennes indiquées, et que les départs de l'aéroport d'Orly étaient en nombre très inférieur à ceux de Roissy-Charles de Gaulle où il revenait majoritairement avant les périodes de congés ; qu'au surplus, en vertu de l'avenant signé en 2008, M. B...a été basé à Paris à compter du mois de décembre de cette année ;

8. Considérant, en outre, que si constitue une circonstance particulière de nature à ouvrir droit à déduction, l'exercice par le conjoint d'un contribuable d'une activité professionnelle en un lieu proche de la résidence commune, Mme B...exerce son activité de musicienne à titre non pas professionnel mais uniquement bénévole dans un cadre associatif, sans qu'il ne soit allégué qu'elle ne pourrait l'exercer dans les mêmes conditions dans une autre agglomération que celle d'Orléans, à laquelle appartient la commune de Saint-Cyr-en-Val ;

9. Considérant, enfin, que si les requérants se prévalent de la nécessité d'assurer la stabilité de leur enfant, né en 2001, pour le bon déroulement de sa scolarité, ils ne font état d'aucune contrainte particulière en résultant ;

10. Considérant que, dans ces conditions, M. et Mme B... n'établissent pas que la fixation de leur résidence à Saint-Cyr-en-Val obéirait à des justifications particulières de nature à leur ouvrir droit au bénéfice de la déduction des frais de transport en application de l'article 83 du code général des impôts ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des frais de péage et d'hôtel qui y sont liés ; que, dès lors, M. et Mme B...ne sont pas fondés, sur le terrain de la loi fiscale, à demander la déduction, pour la détermination du taux d'imposition applicable en vertu de l'article 197 C du code général des impôts, de la totalité des frais supportés à raison des trajets effectués entre Saint-Cyr-en-Val et les aéroports d'Orly et de Roissy-Charles de Gaulle ;

11. Considérant que M. et Mme B...demandent également la déduction des frais de repas exposés par M.B..., à raison d'un repas par jour travaillé en 2008 et 2009, soit respectivement 227 et 222 repas, aux motifs que ces repas ne sont pas fournis aux personnels navigants par l'employeur de M. B...et que ce dernier ne dispose pas d'un service de restauration collective ; que, toutefois, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir l'existence de telles dépenses alors que l'attestation établie par l'employeur de M. B... ne mentionne pas l'absence de prise en charge des frais de repas ; que, dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à en demander la prise en compte sur le terrain de la loi fiscale ;

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

En ce qui concerne les frais de déplacement et d'hôtel :

12. Considérant que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir de la documentation administrative de base 5 F-2542 du 10 février 1999 dans ses points 4 et 5, repris postérieurement aux années d'imposition en litige au point 30 du Bulletin Officiel des Finances publiques BOI-RSA-BASE-30-50-30-20-2014011 relatifs aux éléments susceptibles de constituer des circonstances particulières justifiant l'éloignement entre le lieu de domicile et le lieu de travail et de l'annexe 1 de la même documentation de base, remplaçant l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 également invoquée, relative aux frais de péage, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application ;

En ce qui concerne les frais de repas :

13. Considérant que, ainsi qu'il est dit au point 11, les requérants n'apportent pas d'éléments de nature à établir l'existence de dépenses de repas pris à l'extérieur du domicile ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à se prévaloir de l'instruction 5 F-9-09 du 13 mars 2009 relative à la détermination forfaitaire des frais de repas ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans, après avoir prononcé un non-lieu partiel, a rejeté le surplus de leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2016.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01009
Date de la décision : 24/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : VATIRIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-24;15nt01009 ?
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