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29/09/2016 | FRANCE | N°15NT02208

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 15NT02208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 5 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1502298 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la

notification du jugement, et dans l'attente de cette délivrance, une autorisation pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 5 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1502298 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'Etat le versement à Me Moutel, avocat de M. B..., de la somme de 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Moutel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juillet 2015 et 14 juin 2016, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que la décision de refus de titre de séjour n'est pas contraire au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il en justifie en démontrant en appel l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de M. B... dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2016, M.B..., représenté par Me Moutel, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, qui n'a pas eu lieu en exécution du jugement, rend sans objet le recours du préfet ;

- le moyen invoqué n'est pas fondé ; l'origine de ses troubles psychiatriques ne lui permettra pas d'être soigné efficacement en République du Congo ; le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ; cette décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Aubert.

1. Considérant que le préfet de la Sarthe relève appel du jugement du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M.B..., annulé son arrêté du 5 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'Etat le versement à Me Moutel, avocat de M. B..., de la somme de 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Moutel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'en délivrant à M.B..., en exécution du jugement attaqué, une carte de séjour mention " vie privée et familiale " valable du 17 août 2015 au 16 août 2016, le préfet de la Sarthe n'a pas entendu retirer l'arrêté du 5 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination pris à son encontre ; qu'il suit de là que le litige portant sur cet arrêté n'est pas devenu sans objet ; que, dès lors, il y a lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays / (...). / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois " ;

4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par un avis rendu le 15 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M.B..., ressortissant de la République du Congo, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas dans son pays d'origine de traitement approprié à cet état de santé ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif de l'existence d'un traitement approprié dans ce pays ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment du certificat médical établi par son médecin-psychiatre, que M. B...souffre de troubles anxio-dépressifs nécessitant un traitement médicamenteux et des entretiens psychothérapiques ; que le préfet de la Sarthe a entendu justifier en première instance de la possibilité pour le requérant de bénéficier du traitement dont il a besoin par la production, d'une part, des fiches sanitaires de la République du Congo (Brazzaville) et de la République Démocratique du Congo (Kinshasa) mentionnant l'existence d'une offre de soins pour ces troubles psychiatriques et d'un courriel envoyé le 8 janvier 2014 par les services de l'ambassade de France à Kinshasa ; que, toutefois, seuls les éléments relatifs à l'état sanitaire de la République du Congo, pays d'origine de M.B..., sont susceptibles d'être pris en compte ; que la fiche sanitaire de la République du Congo, seul document produit par le préfet se rapportant à ce pays, précise que si les médicaments soignant les troubles anxio-dépressifs sont disponibles, en revanche l'offre de soins n'existe qu'à Pointe-Noire et le nombre de praticiens est très faible ; qu'il suit de là que le préfet n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'une offre de soins suffisante en République du Congo ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 5 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à M. B...une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ;

Sur le surplus des conclusions :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Moutel, avocat de M. B..., de la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Moutel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Moutel, avocat de M. B..., la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Moutel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

S. AubertLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02208 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02208
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : MOUTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-29;15nt02208 ?
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