Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1200715 du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 octobre 2014 et 8 avril 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er octobre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
Il soutient que :
- la décision rejetant sa réclamation n'est pas motivée ;
- les salaires qu'il perçoit de son employeur qui a son siège de direction effective en Suisse et qui sont tirés de son emploi au sein d'un navire en trafic international sont imposables dans cet Etat en vertu de l'article 17, paragraphe 3, de la convention franco-suisse ; en effet, le trafic international, au sens de cet article, ne s'entend pas uniquement du transport de biens ou de personnes, mais couvre également le cas de la prospection sismique ;
- à supposer qu'ils soient imposables en France, ces salaires sont exonérés d'impôt sur le revenu en application du I de l'article 81 A du code général des impôts ; en effet, le siège de son employeur est situé en Suisse, Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, ainsi que l'indique d'ailleurs l'instruction 7 Q-1-11 du 30 mai 2011 ; en toute hypothèse, son employeur, la société CGGI, doit être regardé comme établi en France dès lors que cette entreprise est une filiale à 100 % d'une société française ;
- à supposer qu'il ne puisse bénéficier de cette exonération de l'ensemble de ces salaires, les primes d'expatriation qui lui sont versées doivent, à tout le moins, être exonérées ;
- il peut se prévaloir d'une prise de position formelle sur la situation de fait de ses collègues au regard de la loi fiscale ; s'il ne pouvait s'en prévaloir, il y aurait une rupture du principe d'égalité.
Par mémoires en défense, enregistrés les 17 mars 2015 et 7 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a, par une proposition de rectification du 7 décembre 2009, remis en cause l'exonération de l'imposition de ses salaires, qu'il avait appliquée sur le fondement du I de l'article 81 A du code général des impôts ; qu'il en est résulté, au titre des années 2006 à 2008, notamment des suppléments d'impôt sur le revenu, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts ; qu'après le rejet de sa réclamation, M. B...a demandé la décharge de ces impositions supplémentaires et de ces pénalités devant le tribunal administratif de Rennes ; que, par le jugement attaqué, dont M. B... relève appel, cette demande a été rejetée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B... avait, durant les années en litige, son foyer en France, où il habitait normalement et avait le centre de sa vie personnelle ; que, dès lors, en vertu des dispositions des articles 4 A et 4 B du code général des impôts, il était passible de l'impôt sur le revenu en France au titre de ces années, à moins qu'il n'établisse son droit à se prévaloir de la convention conclue entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article 81 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. / L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'employeur de M. B...est la société de droit suisse CGGVeritas International, dont le siège est situé à Genève, et non pas sa société mère établie en France ; que, dès lors que la Suisse n'est membre ni de la Communauté européenne, à laquelle a succédé l'Union européenne, ni de l'Espace économique européen, M. B... n'entre pas dans le champ d'application du I de l'article 81 A du code général des impôts ;
6. Considérant, en troisième lieu, que M. B...fait valoir, à titre subsidiaire, que les primes d'expatriation qu'il perçoit sont exonérées d'impôt sur le revenu ; que, toutefois, dès lors qu'en particulier, ni le montant de ces primes ni le fondement de l'exonération invoquée ne sont précisés, ce moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires pour que le juge en apprécie le bien-fondé ;
En ce qui concerne l'invocation de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions :
7. Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 17 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions, dans sa rédaction applicable : " (...) les rémunérations au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un navire (...) en trafic international (...) sont imposables dans l'Etat contractant où le siège de la direction effective de l'entreprise est situé. " ; qu'aux termes du h) de l'article 3 de la même convention : " l'expression "trafic international" désigne tout transport effectué par un navire ou un aéronef exploité par une entreprise dont le siège de direction effective est situé dans un Etat contractant, sauf lorsque le navire ou l'aéronef n'est exploité qu'entre des points situés dans l'autre Etat contractant " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les salaires litigieux ont été versés à M. B... en rémunération de son activité de " chef navigateur " à bord d'un navire affecté à la prospection sismique ; qu'un tel navire, qui ne réalisait pas des opérations de transport de biens ou de personnes, ne présente pas le caractère d'un navire exploité en trafic international au sens et pour l'application de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions ; qu'ainsi, le 3 de l'article 17 de cette convention ne fait pas obstacle à l'application de la loi fiscale ;
En ce qui concerne l'application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales :
9. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ; que peuvent se prévaloir de cette dernière disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité ;
10. Considérant que M. B...se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la position que l'administration a prise, notamment en 2009, à l'égard de la situation d'autres contribuables qui avaient, d'une part, exercé leur activité à bord du même navire que lui et, d'autre part, perçu en rémunération de cette activité des salaires du même employeur que lui ; que, toutefois, M. B...n'était pas destinataire de ces prises de position ; qu'en outre, la situation de fait sur laquelle s'est prononcée l'administration n'avait pas pour origine un acte ou une opération auxquels M. B...aurait participé ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
Le rapporteur,
T. Jouno Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02752