Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELARL CRR Architectes Associés a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 2 décembre 2013 du président de la région Centre limitant à 70 800 euros HT le montant de la prime qui lui a été attribuée au titre du concours de maîtrise d'oeuvre pour l'opération de reconstruction d'un nouvel internat au lycée Voltaire à Orléans (Loiret) et de condamner la région Centre au paiement de la somme de 118 000 euros HT (141 128 euros TTC), déduction faite du montant déjà versé, ou, subsidiairement, d'ordonner avant-dire droit la désignation d'un expert.
Par un jugement n° 1400352 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a estimé cette demande recevable en tant seulement qu'elle émane de la société CRR Architectes Associés et non du groupement de maîtrise d'oeuvre, a annulé la décision du président de la région Centre du 2 décembre 2013 en tant qu'elle procède à une minoration de la prime de concours prévue par le règlement de la consultation et a condamné la région Centre à verser à la SELARL CRR Architectes Associés la somme complémentaire de 12 036 euros HT soit 14 443,20 euros TTC.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2014 et 26 novembre 2015, la SELARL CRR Architectes Associés, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 octobre 2014 et de condamner la région Centre à lui verser la somme 141 128 euros TTC ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise à l'effet de vérifier la complétude et la conformité de l'offre du groupement de maîtrise d'oeuvre dont l'appelante est mandataire au règlement de concours de maîtrise d'oeuvre ;
3°) de mettre à la charge de la région Centre le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les membres d'un groupement conjoint se donnent un mandat tacite pour ester en justice ; en tout état de cause, la production des pouvoirs des autres membres du groupement de maîtrise d'oeuvre en cours d'instance a régularisé la demande de première instance " ab initio " ;
- le jugement doit être confirmé en tant qu'il admet que l'abattement de 40% opéré sur la prime de concours de maîtrise d'oeuvre est contraire à l'article 74 du code des marchés publics ;
- l'offre du groupement mandaté par la SELARL CRR Architectes Associés, classée 2ème sur trois, est complète ;
- ce projet est en outre conforme au règlement du concours : il est au niveau " avant projet sommaire " tel que défini par l'article 4 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ; il comprend 56 pages de réponse au " contrat de développement durable " de la région Centre incluant les tableaux de consommation énergétique demandés ; il comprend en outre les surfaces (page 18 du mémoire de présentation) et les dépenses d'exploitation (page 20 du même mémoire).
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre, 26 novembre et 11 décembre 2015, la région Centre conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande de la SELARL CRR Architectes Associés et à la condamnation de la SELARL CRR Architectes Associés à lui rembourser la somme de 16 567,20 euros HT ;
3°) à ce que soit mis à la charge de la SELARL CRR Architectes Associés le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel, formée par la SELARL CRR Architectes Associés en qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, est irrecevable dès lors que le tribunal administratif d'Orléans lui a dénié cette qualité et a statué sur sa demande propre en qualité de membre du groupement de maîtrise d'oeuvre ;
- l'article 51 du code des marchés publics ne permet pas au membre d'un groupement d'agir au nom des autres sans habilitation expresse ; la jurisprudence invoquée par l'appelante ne vaut qu'en cas de groupement solidaire, tel n'est pas le cas du groupement dont la SELARL CRR Architectes Associés était mandataire solidaire ;
- les pouvoirs produits devant le tribunal administratif par la SELARL CRR Architectes Associés ne pouvaient régulariser la requête à la date de son introduction, et ont en tout état de cause été produits postérieurement à la clôture de l'instruction ;
- la requête d'appel est en outre irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : elle se borne à reproduire la demande de première instance sans critique du jugement ni moyen d'appel ;
- en vertu des articles 74 et 38 du code des marchés publics la prime de concours n'est due que si l'offre est conforme au règlement de concours ; un abattement, dans la limite de 20% peut être opéré si, comme en l'espèce, le règlement de concours le prévoit, notamment en cas d'insuffisance de l'offre ;
- en l'espèce, l'offre comportait de nombreuses insuffisances ; le jury a relevé un fort dysfonctionnement en terme d'implantation des bâtiments handicapant tout projet futur dans cette zone et consommant beaucoup d'espace, et constaté que le niveau d'avant projet sommaire demandé n'était pas atteint ;
- le jury a en outre relevé que l'offre n'était pas conforme au programme du concours de maîtrise d'oeuvre en l'absence de prévision de désenfumage et des deux annexes du contrat de construction durable, relatives aux surfaces et aux coûts d'exploitation ; étant précisé que les coûts de maintenance ne sont pas explicités, qu'il y a une incertitude sur le planning d'exécution des travaux, que le niveau de chauffage prévu dans le bâtiment B (22,30 Kwep/m2/an) est supérieur au programme de 15 Kw H, et qu'enfin s'agissant du risque de dépassement de l'enveloppe financière, l'économiste financier a relevé un dépassement de 558 000 euros HT soit 4,72% ;
- la cour a déjà admis par sa décision du 13 octobre 2015 (n°14NT03131 Région Centre), qu'en pareil cas, la minoration contestée de la prime est justifiée par l'insuffisance du projet ;
- compte tenu de sa quote-part dans le groupement, la société CRR Architectes Associés ne pouvait prétendre qu'à une prime de 66 268,80 euros HT ; la région a excédé cette somme due de 16 657,20 euros HT ;
sur l'appel incident :
- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 742-2 du code de justice administrative ;
- il est en outre insuffisamment motivé : le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen relatif à l'insuffisance de l'offre du groupement dont l'appelante est mandataire solidaire ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en admettant l'intérêt de la société CRR Architectes Associés à agir en son nom propre alors que la demande était faite exclusivement au nom du groupement ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la minoration de la prime alors que l'article 6 du règlement de consultation le permet notamment en cas d'insuffisance de l'offre, cette minoration ne pouvait toutefois excéder 20% comme le prévoit l'article 74 du code des marchés publics ;
- la société CRR Architectes Associés ne pouvait prétendre qu'à une prime de 66 268,80 euros HT.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant la région Centre.
1. Considérant que, par avis d'appel public à la concurrence adressé à la publication le 8 mars 2013, la région Centre a engagé une procédure de concours restreint de maîtrise d'oeuvre sur avant-projet sommaire en vue de la reconstruction d'un nouvel internat pour le lycée Voltaire d'Orléans ; que 135 candidatures ont été déposées et trois, dont celle du groupement représenté par la société CRR Architectes Associés, ont été admises à concourir ; que, par lettre du 2 décembre 2013, la région Centre a informé la société CRR Architectes Associés de ce que le jury de concours avait classé en deuxième l'offre présentée par son groupement et préconisé de ne lui attribuer que 60 % du montant de la prime de 118 000 euros HT prévue par le règlement du concours, soit une somme de 70 800 euros HT ; que par un jugement n° 1400352 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, estimé que la société CRR Architectes Associés n'avait pas qualité pour agir au nom du groupement conjoint dont elle était mandataire solidaire mais seulement en son nom propre, et d'autre part, estimant que les dispositions du III de l'article 74 du code des marchés publics n'autorisent ni le pouvoir adjudicateur ni le jury à minorer le montant de la prime offerte aux maîtres d'oeuvre ayant remis une offre conforme au règlement du concours, a annulé la décision du président de la région Centre du 2 décembre 2013 en tant qu'elle procède à une minoration de la prime de concours prévue par le règlement de la consultation et condamné la région Centre à verser à la requérante la somme complémentaire de 12 036 euros HT soit 14 443,20 euros TTC correspondant à sa quote-part dans la mission d'avant projet sommaire ; que, par la présente requête, la société CRR Architectes Associés, se présentant en qualité de mandataire du groupement qu'elle constituait avec les sociétés Betmi, Catia, Eté 45, Samex Sécurité, Ecib Project, Echolos Auvergne et Wolgensinger, relève appel du jugement du 2 octobre 2014 en tant que le tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à sa demande de condamnation de la région Centre à lui verser le montant total de la prime prévue par le règlement du concours, soit la somme de 118 000 euros HT ou 141 128 euros TTC ; que la région Centre conclut, à titre principal, au rejet de cette requête, et, à titre subsidiaire, sollicite par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande de la société CRR Architectes et la condamnation de celle-ci à lui rembourser la somme de 16 567,20 euros HT versée en exécution dudit jugement ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 51 du code des marchés publics : " I. - Les opérateurs économiques sont autorisés à se porter candidat sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint, sous réserve du respect des règles relatives à la concurrence./ Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché./ Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché./ II. - Dans les deux formes de groupements, l'un des opérateurs économiques membres du groupement, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des membres vis-à-vis du pouvoir adjudicateur, et coordonne les prestations des membres du groupement./ Si le marché le prévoit, le mandataire du groupement conjoint est solidaire, pour l'exécution du marché, de chacun des membres du groupement pour ses obligations contractuelles à l'égard du pouvoir adjudicateur./ III. - En cas de groupement conjoint, l'acte d'engagement est un document unique qui indique le montant et la répartition détaillée des prestations que chacun des membres du groupement s'engage à exécuter./ En cas de groupement solidaire, l'acte d'engagement est un document unique qui indique le montant total du marché et l'ensemble des prestations que les membres du groupement s'engagent solidairement à réaliser./ IV. - Les candidatures et les offres sont présentées soit par l'ensemble des opérateurs économiques groupés, soit par le mandataire s'il justifie des habilitations nécessaires pour représenter ces opérateurs économiques au stade de la passation du marché. Un même opérateur économique ne peut pas être mandataire de plus d'un groupement pour un même marché./ L'acte d'engagement est signé soit par l'ensemble des entreprises groupées, soit par le mandataire s'il justifie des habilitations nécessaires pour représenter ces entreprises... " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement du 12 septembre 2013 stipulait que la société CRR Architectes Associés avait la qualité de mandataire solidaire du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre, regroupant également les sociétés Betmi, Catia, Eté 45, Samex sécurité, Ecib Project, Echologos Auvergne et Wolgensinger, cotraitants ; que l'annexe 1 à cet acte d'engagement définissait les missions de chacun des cotraitants et la répartition des honoraires entre eux et que l'annexe 2 comportait les pouvoirs donnés par chacun des cotraitants au président directeur général de la SELAS CRR Architectes Associés à l'effet de les " représenter et signer tous documents relatifs au concours de maîtrise d'oeuvre concernant la reconstruction du nouvel internat du lycée Voltaire à Orléans " ;
4. Considérant que si ces stipulations contractuelles prévoient, au profit du maître de l'ouvrage, une solidarité entre le mandataire et les autres membres du groupement pour l'exécution des obligations résultant du contrat et confèrent au mandataire le pouvoir de représenter le groupement vis-à-vis du maître de l'ouvrage pendant l'exécution du contrat, elles n'ont en revanche ni pour objet, ni pour effet, d'habiliter le mandataire à agir en justice, notamment devant le juge du contrat, au nom des autres membres du groupement ; qu'ainsi, la société CRR Architectes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a estimé que sa seule qualité de mandataire solidaire du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre ne lui donnait pas qualité pour agir au nom des membres de ce groupement constitué momentanément pour participer au concours de maîtrise d'oeuvre lancé par la région Centre ;
5. Considérant, par ailleurs, que lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la région Centre avait soulevé une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité de la société CRR Architectes Associés, es-qualité de mandataire solidaire du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre, par son mémoire enregistré au greffe le 17 juin 2014, soit le jour de la clôture de l'instruction ; que l'instruction a été rouverte par ordonnance du 19 juin suivant pour permettre la communication de ce mémoire ; que la société CRR Architectes Associés n'a, en tout état de cause, produit les pouvoirs qui lui ont été donnés par les membres du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre à l'effet d'agir en justice en leur nom que par une note en délibéré enregistrée le 24 septembre 2014, en réponse à la note en délibéré produite par la région Centre contestant les conclusions du rapporteur public admettant la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de la société CRR Architectes Associés en son nom propre ; que dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction pour permettre la prise en considération de ces pouvoirs et la régularisation de sa demande ;
7. Considérant, enfin, que la production à l'instance d'appel des pouvoirs donnés à la société CRR Architectes Associés par les membres du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre à l'effet d'agir en justice en leur nom, n'est pas de nature à régulariser la demande de première instance en tant qu'elle était présentée au nom de ce groupement ; qu'ainsi, et alors que l'appelante est par ailleurs en son nom propre sans intérêt lui donnant qualité pour contester le jugement attaqué, qui a fait droit à ses demandes, la fin de non recevoir opposée par la région Centre et tirée du défaut de qualité de la société CRR Architectes Associés pour relever appel du jugement attaqué en qualité de mandataire du groupement composé des sociétés susmentionnées doit être accueillie ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société CRR Architectes Associés doit être rejetée comme irrecevable ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Centre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société CRR Architectes Associés demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société CRR Architectes Associés une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Centre et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CRR Architectes Associés est rejetée.
Article 2 : La société CRR Architectes Associés versera à la région Centre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL CRR Architectes Associés et à la région Centre.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉLe greffier,
M. B... La République mande et ordonne au préfet de la région Centre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.