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31/05/2016 | FRANCE | N°14NT01012

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 31 mai 2016, 14NT01012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Ordre des avocats de Paris a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de la commune de Vierzon d'attribuer à la société Olivier Darmon Consultants le marché d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le renouvellement du contrat d'exploitation du service des transports urbains de la ville, ainsi que la décision du maire de signer le marché et son refus d'y mettre un terme.

Par un jugement n° 1302478 du 13 février 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la

demande de l'Ordre des avocats de Paris.

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Ordre des avocats de Paris a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de la commune de Vierzon d'attribuer à la société Olivier Darmon Consultants le marché d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le renouvellement du contrat d'exploitation du service des transports urbains de la ville, ainsi que la décision du maire de signer le marché et son refus d'y mettre un terme.

Par un jugement n° 1302478 du 13 février 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de l'Ordre des avocats de Paris.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 avril 2014 et le 11 février 2016, l'Ordre des avocats de Paris, représenté par Me Israël, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 février 2014 ;

2°) d'annuler la décision d'attribuer le marché litigieux à la société Olivier Darmon Consultants, la décision du maire de signer ce marché et le refus d'y mettre fin ;

3°) d'enjoindre à la commune de Vierzon de saisir le juge du contrat d'une demande tendant à ce que soit constatée la nullité du marché public litigieux, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Vierzon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- qu'au regard des missions attribuées aux ordres d'avocats par l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971, il avait un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les actes détachables du marché public litigieux, qui comprend des prestations de consultation juridique et de rédaction d'actes sous-seing privé réglementées par cette loi ;

- le montant du marché ne peut être pris en compte pour apprécier son intérêt à agir ;

- les décisions attaquées concernent tous les avocats inscrits à un barreau français et n'ont pas des effets exclusivement locaux, comme l'ont estimé les premiers juges ;

- le marché est illégal car contraire aux dispositions des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, qui réservent la consultation juridique et la rédaction d'actes sous seing privé aux professions juridiques réglementées ; que c'est seulement par dérogation et sous certaines conditions que ces activités peuvent être exercées, à titre accessoire, par des professionnels qualifiés attestant d'une compétence juridique ;

- le marché est illégal car il viole les dispositions de l'article 55 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

- les trois décisions attaquées sont illégales en raison de l'illégalité du marché.

Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2014, la société Olivier Darmon Consultants conclut, à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à l'annulation partielle du marché litigieux. Elle demande également que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Ordre des avocats de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ne confère pas à l'Ordre des avocats de Paris une compétence exclusive et générale lui permettant de déroger aux règles de recevabilité des recours devant le juge administratif ;

- l'Ordre des avocats doit donc justifier d'un intérêt pour agir suffisamment direct et certain pour contester les décisions individuelles à portée locales qui s'exécutent sur un territoire distinct de celui de la Cour d'appel de Paris ;

- au regard du caractère local des décisions attaquées et du faible montant du marché, l'Ordre des avocats de Paris n'a pas d'intérêt pour agir ;

- elle était compétente pour assurer les prestations d'assistance technique, administrative et financière à la passation d'une délégation de service public ;

- au regard notamment de la précision apportée par l'article 2 du CCTP, le marché litigieux ne prévoit pas de prestations juridiques au sens des dispositions des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

- son offre prévoyait de sous-traiter à un avocat les prestations juridiques si celles-ci s'avéraient nécessaires en cours d'exécution du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2014, la commune de Vierzon conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'annulation partielle du marché litigieux. Elle demande également que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de l'Ordre des avocats de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ne confère pas à l'Ordre des avocats de Paris une compétence exclusive et générale lui permettant de déroger aux règles de recevabilité des recours devant le juge administratif ;

- l'Ordre des avocats doit donc justifier d'un intérêt pour agir suffisamment direct et certain pour contester les décisions individuelles à portée locales qui s'exécutent sur un territoire distinct de celui de la Cour d'appel de Paris ;

- au regard du caractère local des décisions attaquées et du faible montant du marché, l'Ordre des avocats de Paris n'a pas d'intérêt pour agir ;

- le marché public litigieux ne comportait pas de prestations juridiques ;

- le cabinet attributaire du marché était compétent pour fournir des informations administratives et juridiques générales attendues par la commune dans le cadre du marché public ;

- dans ces conditions, le marché litigieux n'est pas contraire aux dispositions des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

- le marché ne méconnaît pas l'article 55 de cette loi puisque le marché ne comporte pas de prestation de conseil juridique et que la cabinet Darmon a conclu une police d'assurance adaptée pour les besoins du marché litigieux.

Par une ordonnance du 29 février 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 29 février 2016.

Un mémoire, enregistré le 29 février 2016, a été présenté par la commune de Vierzon.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Israël, avocat de l'ordre des avocats de Paris et celles de Me Delarue, avocat de la commune de Vierzon et de la société Olivier Darmon Consultants.

1. Considérant que, par un marché conclu le 24 avril 2013, la commune de Vierzon a confié à la société Olivier Darmon Consultants une mission " d'assistance à maîtrise d'ouvrage dans le cadre de la continuité de service du contrat pour l'exploitation du service des transports urbains " ; que l'ordre des avocats de Paris relève appel du jugement du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'attribution du marché, de la décision de le signer et du refus d'y mettre fin ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits. Sans préjudice des dispositions de l'article 21-1, il a pour tâches, notamment : (...) 5° de traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs (...) ; 10° d'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le Conseil national des barreaux ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 21-1 de la même loi, dans sa version alors applicable : " Le Conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics. (...)/Le conseil national peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'avocat. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si le conseil de l'ordre d'un barreau a pour mission de traiter toute question intéressant la profession et la défense des droits des avocats de ce barreau, seul le conseil national des barreaux représente, au niveau national, la profession d'avocat ; que le contrat litigieux, conclu entre la commune de Vierzon et la société Olivier Darmon Consultants, est étranger au ressort de l'ordre des avocats de Paris ; que par suite, à supposer même que, par son objet, ce contrat fût susceptible de porter atteinte aux compétences réservées, par la loi du 31 décembre 1971, aux avocats, l'ordre des avocats de Paris, ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre ses actes détachables ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordre des avocats de Paris n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision d'attribution du marché à la société Olivier Darmon Consultants, de la décision de signer ce marché et du refus d'y mettre fin ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par l'ordre des avocats de Paris doivent, par suite, être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Vierzon, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par l'ordre des avocats de Paris au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ordre des avocats de Paris la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Vierzon et non compris dans les dépens, et la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par la société Olivier Darmon Consultants et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'ordre des avocats de Paris est rejetée.

Article 2 : L'ordre des avocats de Paris versera à la commune de Vierzon la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'ordre des avocats de Paris versera à la société Olivier Darmon Consultants la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ordre des avocats de Paris, à la société Olivier Darmon Consultants et à la commune de Vierzon.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 mai 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01012
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ISRAEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-31;14nt01012 ?
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