Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Les Sources a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 22 décembre 2012 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal.
Par un jugement n° 1300368 du 16 juillet 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2014 et un mémoire complémentaire du 15 décembre 2015, la SCI Les Sources, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 16 juillet 2014 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie du 22 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de la modification du règlement de la zone N postérieurement à l'enquête publique, et de l'illégalité relative à l'interdiction de toute modification des constructions existantes en zone A ;
- la modification du plan local d'urbanisme opérée après enquête publique et tenant à l'impossibilité de toute modification du bâti dans les zones A et N modifiait substantiellement l'économie générale du projet et impliquait l'organisation d'une nouvelle enquête publique ;
- toutes les réserves dont le commissaire enquêteur a assorti son avis n'ayant pas été levées, son avis doit être regardé comme défavorable ;
- l'impossibilité de toute modification des constructions existantes en secteurs A et N est constitutive d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une atteinte excessive au droit de propriété ;
- le classement en zone Nr des parcelles cadastrées section A n° 646, 913 et 1013 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2015, la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SCI Les Sources une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 23 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2015 ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François ;
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la communauté de communes Coeur Côte Fleurie.
1. Considérant que le conseil communautaire de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie a prescrit la révision de son plan d'occupation des sols sous forme de plan local d'urbanisme (PLU) par une délibération du 4 octobre 2003 ; qu'à la suite de l'annulation, par un jugement définitif du tribunal administratif de Caen du 22 mai 2009, du PLU approuvé par une délibération du 13 juillet 2007, le conseil communautaire de la communauté de communes a décidé le 27 juin 2009 de reprendre la procédure d'élaboration engagée en 2003 ; qu'ainsi, une délibération du 3 mars 2012 a tiré le bilan de la concertation et arrêté un nouveau projet de PLU; que le PLU a été approuvé par une délibération du conseil communautaire du 22 décembre 2012 ; que la société civile immobilière (SCI) Les Sources relève appel du jugement du 16 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que, dans son mémoire enregistré le 3 février 2014 devant le tribunal administratif, la SCI Les Sources soulevait un moyen tiré de ce que l'interdiction de toute possibilité d'évolution des constructions existantes en zones N et A du PLU était entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges ont répondu à ce moyen en tant qu'il concerne la zone N, mentionnée dans les visas du jugement attaqué, alors même que la dénomination de cette zone n'est pas expressément reprise dans les motifs de ce jugement ;
3. Considérant, d'autre part, que le tribunal n'a pas omis de statuer sur un prétendu moyen tiré de ce que l'interdiction d'extension des constructions présentes en zone A était constitutive d'une erreur de droit, dès lors que si la requérante évoquait dans un sous-titre de son mémoire " les zones A et N ", ses développements ne concernaient que la seule zone N, dans laquelle sont d'ailleurs situés ses terrains ;
4. Considérant, enfin, qu'en relevant que la modification du règlement de la zone A procédant de l'enquête publique et portant sur la suppression des possibilités d'extension des constructions existantes dans la zone, n'avait pas pour effet d'infléchir le parti d'urbanisme initialement retenu et ne remettait pas en cause l'économie générale du projet, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen soulevé sur ce point par la requérante ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement dans sa réaction alors applicable: " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. " ;
7. Considérant qu'à supposer même que les conclusions du commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête publique tenue du 9 juillet au 8 août 2012 puissent être regardées comme partiellement défavorables dans la mesure où trois des réserves qu'il avait émises n'ont pas été levées par le conseil communautaire préalablement à l'approbation du plan local d'urbanisme, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la délibération portant approbation du plan, dès lors que ses auteurs ne sont pas liés par l'avis du commissaire enquêteur ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " (...)Après l'enquête publique, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (...) " ; que l'autorité compétente peut modifier le plan local d'urbanisme après l'enquête publique sous réserve que cette modification procède de l'enquête et ne bouleverse pas l'économie générale du projet ;
9. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, la suppression après l'enquête publique des possibilités d'extension des constructions existantes en zones A et N, qui s'applique essentiellement aux bâtiments isolés non liés à l'exploitation agricole et, pour la zone N, ne concerne qu'une partie minime du territoire couvert par le plan, n'a pas eu pour effet d'infléchir le parti d'urbanisation initialement retenu et n'a pas remis en cause l'économie générale du projet soumis à enquête publique ; qu'ainsi, cette modification qui a procédé de l'enquête elle-même n'imposait pas l'organisation d'une nouvelle enquête ;
10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. En zone A peuvent seules être autorisées : les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics (...) " ; que l'article R. 123-8 du même code dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. En zone N, peuvent seules être autorisées : les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics (...) " ;
11. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme, qui ne sont pas liés pour déterminer l'affectation future des zones qu'ils instituent par les modalités existantes d'utilisation des terrains, de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant, d'une part, qu'au sein des zones A et N, l'interdiction de l'extension des constructions existantes isolées non liées à l'exploitation agricole est conforme aux dispositions précitées des articles R. 123-7 et R. 123-8 du code de l'urbanisme tendant à assurer la protection de ces espaces et répond à l'objectif de préservation des espaces agricoles et naturels posé par le projet de développement et d'aménagement durables ; que, par ailleurs, le règlement de ces zones autorise les travaux d'entretien, de rénovation et de confortation des constructions existantes ; que, dès lors, les prescriptions de ce règlement ne sont pas entachées d'erreur de droit ; qu'il ne ressort pas du dossier que ces prescriptions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'eu égard à l'objet et à la finalité de ces dispositions, le moyen, au demeurant non assorti de précisions, tiré de ce qu'elles porteraient une atteinte excessive au droit de propriété doit être écarté ;
13. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées A n° 646, 913 et 1013, propriété de la SCI Les Sources, sont intégrées à la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type I " Pelouse du Mont Canisy ", inscrite à l'inventaire du patrimoine naturel de Basse Normandie ; que ces parcelles sont également classées en espace remarquable au titre de la valorisation " des crêtes, des masses végétales et des cônes de vues " ; qu'ainsi, alors même que les parcelles concernées, dont le boisement est également protégé par le règlement du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, étaient précédemment classées en zone constructible et que l'une d'elles supporte une construction ancienne desservie par une voie et par les réseaux publics, la qualité et l'homogénéité de l'espace naturel dans lequel elles sont incluses, constitutif d'un pôle majeur de biodiversité faisant l'objet d'une orientation particulière d'aménagement paysager du projet d'aménagement et de développement durable, justifient leur classement en zone naturelle remarquable Nr ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, un tel classement n'interdit pas la rénovation et l'entretien des constructions existantes ; qu'à cet égard, la SCI Les Sources ne peut utilement invoquer la circonstance qu'un terrain proche a été classé en zone N, alors que la localisation de ce terrain, qui jouxte un secteur densément urbanisé, n'est pas comparable à celle des parcelles de la requérante, plus éloignées de ce même secteur et davantage insérées dans l'espace naturel sensible ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération litigieuse en ce qu'elle procède à ce classement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Sources n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée à ce titre par la SCI Les Sources ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros à verser à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie en application des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Les Sources est rejetée.
Article 2 : La SCI Les Sources versera une somme de 2 000 euros à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Sources et à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2016, où siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- M. Pérez, président de la deuxième chambre,
- M. Lenoir, président de la cinquième chambre,
- M. Millet, président-assesseur de la deuxième chambre,
- M. Francfort, président-assesseur de la cinquième chambre,
- M. François, premier conseiller,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mai 2016.
Le rapporteur,
E. FRANÇOISLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02489