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22/04/2016 | FRANCE | N°14NT00690

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 avril 2016, 14NT00690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fleury-les-Aubrais a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en dernier lieu, à titre principal de condamner la société Groupama Val de Loire à lui verser la somme de 167 724,04 euros en application du contrat d'assurance dommages-ouvrage souscrit pour la réalisation d'un espace culturel, et à titre subsidiaire de condamner solidairement les constructeurs, les sociétés BTPO, BET EBI, Qualiconsult, Ivars et Ballet, Spie, Peutz et Gallier, à lui verser la même somme, sur le fondement de

la garantie décennale, ou à défaut de la responsabilité contractuelle.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fleury-les-Aubrais a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en dernier lieu, à titre principal de condamner la société Groupama Val de Loire à lui verser la somme de 167 724,04 euros en application du contrat d'assurance dommages-ouvrage souscrit pour la réalisation d'un espace culturel, et à titre subsidiaire de condamner solidairement les constructeurs, les sociétés BTPO, BET EBI, Qualiconsult, Ivars et Ballet, Spie, Peutz et Gallier, à lui verser la même somme, sur le fondement de la garantie décennale, ou à défaut de la responsabilité contractuelle.

La société Groupama Val-de-Loire a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation solidaire de ces mêmes constructeurs à lui verser les sommes demandées par la commune de Fleury-les-Aubrais au titre du contrat d'assurance dommages-ouvrage.

Par un jugement n° 1201824 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif d'Orléans a :

1) condamné la société Groupama Val de Loire à verser à la commune de Fleury-les Aubrais une somme de 95 307,66 euros (article 1er) ;

2) condamné la société Qualiconsult à verser à la commune de Fleury-les-Aubrais la somme de 18 151,48 euros en réparation des désordres affectant la mise en conformité des éclairages d'ambiance et de sécurité (article 2) ;

3) condamné solidairement les sociétés Ivars et Ballet, EBI et BTPO à payer à la société Groupama Val de Loire la somme de 48 549 euros en réparation des désordres affectant la planéité des sols (article 5) ;

4) condamné solidairement les sociétés Spie et EBI à verser à la société Groupama Val de Loire la somme de 44 846,88 euros, en réparation des désordres affectant la sonorisation de la salle Jean Cocteau (article 6) ;

5) condamné solidairement les sociétés Ivars et Ballet, Peutz et Gilbert à verser à la société Groupama Val de Loire la somme de 44 121,30 euros en réparation des désordres acoustiques (article 7) ;

6) condamné solidairement les sociétés EBI et Ivars et Ballet à verser à la société Groupama Val de Loire la somme de 235 000 euros en réparation des désordres " climatiques " (article 8).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mars 2014 et 27 janvier 2016, la société Ivars et Ballet, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler les articles 5 et 8 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 janvier 2014, et de rejeter l'ensemble des demandes tendant à sa condamnation pour les désordres affectant la planéité des sols et les désordres climatiques ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 9 de ce jugement et de condamner la société EBI à la garantir des condamnations prononcées à son encontre pour les désordres climatiques ;

3°) de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par les sociétés Groupama, SPIE, EBI et Qualiconsult ;

4°) de mettre à la charge de la société EBI, ou à défaut de toute partie perdante, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour le désordre relatif à la planéité des sols, l'expert retient principalement la responsabilité du bureau d'études EBI et subsidiairement cette de la société BTPO et du bureau de contrôle Qualiconsult, de sorte que sa responsabilité ne devrait pas être engagée et les appels en garantie formés par les sociétés EBI et Qualiconsult devront être rejetés ;

- pour le désordre climatique, le jugement attaqué est entaché d'une contradiction puisqu'après avoir mentionné que ce désordre est dû à une insuffisante conception de l'ouvrage, dont la société EBI avait seule la charge, il retient à tort sa responsabilité avec celle de la société EBI ; et comme elle n'est pas responsable de ce désordre, les appels en garantie formés par les sociétés EBI et Qualiconsult ne peuvent être retenus ;

- subsidiairement, la responsabilité de ce désordre incombe à la commune de Fleury-les-Aubrais, seule responsable de la définition des besoins ; et à titre infiniment subsidiaire l'attitude du maître d'ouvrage doit être exonératoire de la responsabilité des constructeurs à hauteur d'au moins 50% des désordres et il doit être tenu compte de la plus value apportée par la solution préconisée par l'expert ;

- à titre subsidiaire, l'article 9 du jugement, en tant qu'il décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur son appel en garantie s'agissant des désordres climatiques devra être annulé puisqu'elle a été condamnée, par l'article 8 du même jugement, pour ces désordres ; et, au regard de l'expertise, si sa responsabilité devait être retenue, elle ne pourrait pas dépasser 5% ;

- les demandes présentées par la société Groupama et pas la société SPIE sont irrecevables et non fondées.

La société Peutz et associée s'est associée au mémoire de la société Ivars et Ballet enregistré le 27 janvier 2016, qui récapitule l'ensemble des conclusions et moyens développés par la société Ivars et Ballet visés ci-dessus.

Par deux mémoires, enregistrés le 3 juin 2014 et le 30 septembre 2014, la société Gilbert conclut, à titre principal, au rejet des conclusions dirigées contre elle, à titre subsidiaire elle demande la réformation de l'article 7 du jugement en tant qu'il retient sa responsabilité, ou à titre infiniment subsidiaire que sa condamnation soit limitée à 5 129,13 euros TTC, le cas échéant en condamnant les sociétés Ivars et Ballet et Peutz à la garantir du surplus ; enfin, elle demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ivars et Ballet, seule ou solidairement avec toute autre partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Ivars et Ballet n'a présenté aucune demande dirigée contre elle ;

- la demande de Groupama concernant l'article 7 est irrecevable, l'appel principal étant limité aux articles 5 et 8 du jugement du 16 janvier 2014 ;

- sa responsabilité ne peut être retenue pour les désordres climatiques, les désordres électriques et ceux relatifs à la planéité des sols ;

- s'agissant des désordres acoustiques, l'expert n'a retenu qu'un défaut très résiduel lié à des joints de porte, qui ne peut ni engager sa responsabilité contractuelle, les réserves ayant été levées, ni sa responsabilité décennale ; subsidiairement, le coût de reprise de ces joints ne s'élève qu'à la somme de 5 129,13 euros TTC.

Par deux mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés le 12 septembre 2014, le 20 août 2015 et le 24 mars 2016, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire conclut au rejet des demandes dirigées contre elle, et demande, par la voie de l'appel incident, la réformation des articles 6, 7 et 8 du jugement du 16 janvier 2014, pour porter les condamnations prononcées, d'une part au titre des désordres électriques contre les sociétés SPIE et EBI à la somme de 59 829,22 euros TTC, d'autre part au titre des désordres acoustiques contre les sociétés Ivars et Ballet, Peutz et Gilbert à la somme de 53 832,13 euros, et enfin au titre des désordres climatiques contre les sociétés Ivars et Ballet et EBI à la somme de 303 617,14 euros ; elle demande en outre que les frais d'expertise soit mis à la charge solidaire des sociétés Ivars et Ballet, SPIE, EBI, Gilbert, Peutz et BTPO et que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ivars et Ballet et de toute partie perdante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au titre du désordre né de la présence d'un bruit aléatoire affectant la sonorisation de scène de la salle Jean Cocteau, la somme doit être actualisée puisqu'elle a versé, en sus de la somme mise à sa charge par le jugement, la somme de 14 928,34 euros au titre de la TVA ;

- pour le transformateur de la régie de la salle jean Cocteau, elle a versé 1997,35 euros TTC et est donc désormais subrogée dans les droits de la commune et peut donc demander la condamnation des sociétés EBI et SPIE, et de toute autre société responsable, à lui verser cette somme ;

- pour les désordres acoustiques, elle a versé une somme supplémentaire de 9 710,83 euros correspondant à la prise en compte de la TVA ;

- pour les désordres climatiques, elle a pris en charge, du fait du jugement, les frais de maîtrise d'oeuvre d'un montant de 24 400 euros HT, ainsi qu'une somme supplémentaire de 68 617,14 euros au titre de la TVA.

Par deux mémoires, enregistrés le 6 novembre 2014 et le 10 février 2016, la commune de Fleury-les-Aubrais conclut au rejet de toute demande qui serait dirigée contre les articles 1 à 4 du jugement du 16 janvier 2014 et demande que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la société Ivars et Ballet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête d'appel de la société Ivars et Ballet ne concerne que les articles 5, 8 et 9 du jugement attaqué et que, le délai d'appel étant expiré, les articles 1 à 4 ont acquis un caractère définitif.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2014, la société Gallier conclut au rejet des demandes qui pourraient être formées à son encontre ; à titre subsidiaire elle appelle en garantie les concepteurs, maîtres d'ouvrage et constructeurs. Elle demande également que la somme de 3000 euros soit mise à la charge des parties perdantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le jugement attaqué l'a exonéré de toute responsabilité, ce qui ne peut qu'être confirmé.

Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, la société Qualiconsult conclut au rejet des demandes dirigées contre elle ; à titre subsidiaire elle demande à être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle par les sociétés Ivars et Ballet , EBI, BTPO et SPIE ; enfin elle demande que les sociétés Ivars et Ballet, EBI, BTPO et SPIE soient condamnées aux dépens et que soit mise à la charge solidaire de ces sociétés et de toute partie perdante la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- ainsi que l'indique le jugement attaqué, le désordre affectant la planéité des sols ne lui est pas imputable ;

- l'appelante ne sollicite pas sa condamnation s'agissant des désordres climatiques et sa responsabilité ne peut pas être recherchée ;

- si la cour devait annuler ou réformer le jugement, elle entend reprendre l'ensemble de ses conclusions et moyens de première instance : irrecevabilité de la requête qui ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; irrecevabilité des appels en garantie des autres défendeurs, qui ne sont pas motivés ; absence de responsabilité du contrôleur technique pour les désordres électriques, les désordres de planéité des revêtements de sols, d'infiltrations d'eau et d'odeur, les désordres climatiques et les désordres acoustiques ; au regard de son rôle consultatif, le contrôleur technique ne peut pas être condamné solidairement avec les autres constructeurs.

Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2014, la société SPIE ouest-centre conclut au rejet des demandes formées à son encontre par la société Groupama ; à titre subsidiaire, elle demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de l'article 6 du jugement du 16 janvier 2014 en tant qu'il a retenu sa responsabilité pour le bruit aléatoire affectant la sonorisation de la salle Jean Cocteau et le transformateur bruyant de la régie de cette salle, ou à titre infiniment subsidiaire, à être garantie des condamnations prononcées contre elles pour ces désordres par les sociétés EBI, Qualiconsult et Ivars et Ballet s'agissant du bruit aléatoire et par les sociétés Peutz et Ivars et Ballet s'agissant du transformateur ; elle demande enfin que les dépens soient laissés à la charge de la société Groupama, ou subsidiairement soient partagés au regard des responsabilités retenues, et que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire de la société Groupama et de toute partie perdante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les demandes de la société Groupama sont irrecevables car la société Ivars et Ballet a limité son appel aux désordres affectant la planéité des sols et aux désordres climatiques ;

- la cause du bruit aléatoire affectant la sonorisation de la salle Jean Cocteau n'a jamais été identifiée et les travaux permettant d'y remédier n'ont pas pu être définis, de sorte que sa responsabilité ne peut être retenue ; ses travaux étaient parfaitement conformes au CCTP, de sorte que l'origine du bruit ne peut se situer qu'au niveau de la conception de l'installation, qui relevait des sociétés Ivars et Ballet, EBI et Qualiconsult, qui devront donc la garantir ;

- sa responsabilité ne peut pas non plus être retenue pour le transformateur, parfaitement conforme à la commande et aux normes en vigueur ; seule la maitrise d'oeuvre et donc les sociétés Ivars et Ballet et Peutz peuvent être condamnées.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 décembre 2014 et 11 février 2015, la société EBI conclut au rejet de la requête, des demandes formées par les sociétés Groupama et SPIE et de toute autre demande et appel en garantie formés à son encontre. Elle demande également l'annulation des articles 5 et 8 du jugement du 16 janvier 2014 et, à titre subsidiaire, elle demande que la société Ivars et Ballet soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées au titre des désordres climatiques et que les sociétés Qualiconsult, Ivars et Ballet et BTPO soient condamnées à la garantir pour les désordres affectant la planéité des sol ; enfin elle demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge, d'une part de la commune de Fleury-les-Aubrais, d'autre part de la société Groupama et enfin de la société SPIE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou subsidiairement, sur le même fondement, la somme de 5 000 euros mise à la charge solidaire de la société Groupama et de la commune de Fleury-les-Aubrais, ou à défaut de la société Ivars et Ballet.

Elle soutient que :

- les demandes de la société Groupama sont irrecevables car les conditions de l'action subrogatoire prévues par l'article L. 121-12 du code des assurances ne sont pas remplies ;

- les demandes de la société Groupama relatives aux sommes payées au titre de la TVA excèdent les sommes demandées en première instance et sont donc nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

- la société Groupama n'a pas relevé appel du jugement dans le délai de recours et elle ne peut pas, dans le cadre de son appel incident contester l'article 1er du jugement qui statue sur cette question de la TVA, ni formuler des demandes s'agissant des articles 6 et 7 du jugement, qui relèvent d'un litige distinct ; de même la demande de la société SPIE, qui conteste l'article 6 du jugement attaqué relève d'un litige distinct ;

- dès lors que l'expert retient principalement pour cause du désordre affectant la planéité des sols un défaut de conception et que c'est la société Ivars et Ballet qui a assuré la prestation de maîtrise d'oeuvre de conception des ouvrages des lots concernés, sa responsabilité ne peut pas être écartée pour ce désordre ; la responsabilité de la société Qualiconsutlt est patente pour ce désordre, ainsi que le souligne d'ailleurs l'expertise ;

- pour ce qui est des désordres climatiques, ils sont de la responsabilité fautive de la commune, qui a sollicité, par un choix financier délibéré, la suppression des solutions proposées par le groupement de maîtrise d'oeuvre ; à tout le moins, le comportement de la commune doit exonérer les constructeurs d'au moins 50% ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de la société Ivars et Ballet pour ces désordres climatiques ne peut être exclue ainsi que le retient le jugement attaqué dans son considérant 42, et nonobstant l'erreur de plume du considérant 23 et de l'article 9, et ce car l'expert retient un défaut de conception et qu'elle est seule à l'origine de la conception architecturale de l'ouvrage ; son appel en garantie pour ce désordre ne pourra donc qu'être rejeté ;

- les demandes ne la société SPIE ne sont pas fondées car elle est responsable, ainsi que le retient le jugement attaqué, des désordres de sonorisation de la salle Jean Cocteau ;

- dans le cadre de son appel provoqué, elle est recevable à demander l'annulation des articles 5 et 8 du jugement au motif qu'était irrecevable la demande principale de la commune de Fleury-les-Aubrais et par suite également l'action subrogatoire de la société Groupama ; la commune n'a pas indiqué dans sa requête, pour chaque désordre, le fondement de responsabilité invoqué ; elle ne pouvait pas préciser le fondement juridique de sa demande plus de deux mois après l'introduction de sa requête ;

- sa part de responsabilité retenue par le jugement pour les désordres climatiques et de planéité des sols est supérieure à sa responsabilité effective telle qu'elle résulte notamment des stipulations contractuelles fixant le partage des honoraires du groupement de maîtrise d'oeuvre.

Par un mémoire, enregistré le 29 février 2016, la société Bâtiments et travaux publics de l'Orléanais (BTPO) conclut au rejet de la requête et des appels incidents ; à titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la société Ivars et Ballet à la garantir à hauteur de 60% des condamnations prononcées à son encontre, et celle de la société EBI à la garantir à hauteur de 25% ; enfin elle demande que soit mis à la charge de tous succombants, les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le jugement doit être confirmé s'agissant des désordres affectant les sols et qu'elle n'est pas concernée par les autres désordres.

Une mise en demeure a été adressée le 10 novembre 2014 à la société Peutz et à la société Architecture et Technique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Comellas, avocat de la société Ivars et Ballet, celles de Me Pesme, avocat de la société Groupama Paris Val de Loire et celles de Me Dalibard, avocat de la société EBI.

1. Considérant qu'en 1999, la commune de Fleury-les-Aubrais a décidé de faire construire un centre culturel, dénommé " la Passerelle ", sur le site du parc de Lamballe ; que par un contrat signé le 30 août 1999, la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à un groupement solidaire composé de la société Ivars et Ballet, mandataire, et des sociétés Design Global, Cap Vert Paysage, EBI, Delage et EIB ; qu'un avenant à ce contrat a été signé le 1er février 2000 afin d'intégrer la société Peutz au groupement de maîtrise d'oeuvre ; que par un contrat du 29 novembre 1999 une mission de contrôle technique a été confiée à la société Qualiconsult ; que les marchés de travaux ont été conclus, pour le lot n° 1B " maçonnerie gros oeuvre " avec la société BTPO, pour le lot n° 9 " menuiserie intérieur bois " avec la société Gilbert, pour le lot n° 15 " chauffage ventilation climatisation " avec la société Gallier et pour les lots n° 17 " électricité courants forts " et n°18 " électricité courants faibles " avec la société Amec SPIE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société SPIE ouest centre ; que par un jugement du 16 janvier 2014, le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de la commune de Fleury-les-Aubrais, condamné la société Groupama Val de Loire à lui verser la somme de 95 307,66 euros et la société Qualiconsult à lui verser la somme de 18 151,48 euros ; qu'à la demande de la société Groupama, ce même jugement condamne solidairement, en premier lieu les sociétés Ivars et Ballet, EBI et BTPO à lui verser la somme de 48 549 euros en réparation des désordres affectant la planéité des sols, en deuxième lieu les sociétés SPIE et EBI à lui verser la somme de 44 846,88 euros, en réparation de désordres affectant la sonorisation de la salle Jean Cocteau, en troisième lieu les sociétés Ivars et Ballet, Peutz et Gilbert à lui verser la somme de 44 121,30 euros en réparation de désordres acoustiques, et enfin les sociétés EBI et Ivars et Ballet à lui verser la somme de 235 000 euros en réparation de désordres climatiques ; que la société Ivars et Ballet relève appel de ce jugement en tant qu'il la condamne pour les désordres affectant la planéité des sols et pour les désordres climatiques ; que, par la voie de l'appel incident, la société Groupama Val de Loire demande que soient augmentées les indemnités qui lui ont été allouées en réparation des désordres affectant la sonorisation de la salle Jean Cocteau, des désordres acoustiques et des désordres climatiques ; que les sociétés EBI, SPIE, Qualiconsult, Gallier BTPO et Gilbert ont formé, à titre subsidiaire, des appels incidents et provoqués ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Fleury-les-Aubrais a précisé, dans sa demande au tribunal administratif d'Orléans, qu'elle recherchait, à titre principal la responsabilité contractuelle de son assureur dommages-ouvrage, et à titre subsidiaire la responsabilité décennale, ou à défaut contractuelle, des constructeurs ; que par suite, la société Qualiconsult n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance n'aurait pas été motivée et aurait été irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions d'appel principal et d'appel incident relatives aux désordres affectant la planéité des sols :

3. Considérant que, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination survenus dans le délai de dix ans à compter de la réception sont imputables, même partiellement, à un constructeur, celui-ci en est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, sauf pour le constructeur à s'exonérer de sa responsabilité ou à en atténuer la portée en établissant que les désordres résultent d'une faute du maître d'ouvrage ou d'un cas de force majeure ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant la planéité des sols des salles de formation musicale 1, 2, 3 et 4 situées côté ouest du bâtiment, dont la nature décennale n'est pas contestée, sont dus à des remontées capillaires liées à la forte teneur en eau du sol ; que cette présence d'eau dans le terrain sur lequel la construction a été édifiée était connue des maîtres d'oeuvre, qui en ont fait état dans le cahier des clauses techniques particulières du lot gros oeuvre ; que, par suite, les désordres affectant la planéité des sols résultent, principalement, d'un défaut de conception, mais aussi d'un défaut d'exécution ; qu'ils sont donc imputables à la maîtrise d'oeuvre des travaux et à l'entreprise chargée des travaux du lot gros oeuvre, la société BTPO ;

5. Considérant, d'autre part, que dès lors que le dommage est imputable à la maîtrise d'oeuvre des travaux, toutes les sociétés membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre dont la responsabilité est recherchée, sont responsables de ce dommage sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; que par suite, la société Ivars et Ballet, membre du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, et au demeurant mandataire de ce groupement, n'est pas fondée à soutenir que les désordres affectant la planéité des sols ne pourraient lui être imputés ; qu'il suit de là que la société Ivars et Ballet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 janvier 2014, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée solidairement avec les sociétés EBI et BTPO à réparer ces désordres ;

6. Considérant, enfin, que si est annexé à l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre le tableau de répartition des honoraires entre les sociétés membres de ce groupement, ce tableau ne permet pas de déterminer quelles étaient les missions respectives d'Ivars et Ballet et EBI s'agissant de la conception du projet et de la préparation des cahiers des clauses techniques particulières applicables aux différents marchés de travaux ; que si la société Ivars et Ballet soutient que l'expert a retenu la responsabilité de la société EBI et que cette dernière était seule chargée de la conception pour les lots techniques, aucune convention ou autre document établi entre les cotraitants ne confie à la société EBI, au sein du groupement, la rédaction du cahier des clauses techniques particulières du lot gros oeuvre ; que, dans ces conditions, dés lors qu'aucun document ne précise la répartition des missions entre les sociétés Ivars et Ballet et EBI, leurs conclusions respectives tendant à être garanties l'une par l'autre des condamnations prononcées à leur encontre doivent être rejetées ; qu'il suit de là que l'article 5 du jugement du 16 janvier 2014 doit être réformé pour condamner solidairement les sociétés Ivars et Ballet et EBI à garantir la société BTPO, compte tenu des responsabilités respectives du maître d'oeuvre et de l'entreprise relevées au point 4 ci-dessus, à hauteur de 85% des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions d'appel principal et d'appel incident relatives aux désordres climatiques :

En ce qui concerne la responsabilité des constructeurs :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres, dont la nature décennale n'est pas contestée, consistent en une insuffisance de refroidissement des six salles instrumentales, de la salle Pasquet et de deux bureaux du 1er étage, tous orientés à l'ouest, qui résulte d'un défaut de conception ; que ces désordres sont imputables à la maîtrise d'oeuvre, donc, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5 ci-dessus, à la société Ivars et Ballet et à la société EBI ; que, toutefois, il résulte également de l'instruction que le maître d'ouvrage a préféré renoncer à la pose de pare-soleil, initialement prévus par la maîtrise d'oeuvre ; que si ces protections n'auraient pas permis d'éviter le problème de la chaleur excessive dans les locaux orientés à l'ouest, elles n'étaient pas inutiles puisque la solution préconisée par l'expert prévoit également des pare-soleil ; qu'en revanche, la circonstance que le maître d'ouvrage ait indiqué que le centre culturel avait vocation à être fermé en période estivale ne dispensait pas de concevoir des bâtiments suffisamment frais, dès lors notamment qu'il ne résulte pas de l'instruction que les bâtiments en question n'auraient subi des températures excessives qu'en été et qu'il apparaît que l'équipement est néanmoins susceptible d'être partiellement utilisé pendant la période estivale ; que, dans ces conditions, il y a lieu de retenir une faute du maître d'ouvrage de nature à exonérer la responsabilité solidaire des sociétés Ivars et Ballet et EBI à hauteur de 10% ;

En ce qui concerne le préjudice :

8. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de reprise des désordres climatiques, qui permettent seulement d'obtenir des températures acceptables dans le côté ouest du bâtiment, représenteraient une plus value pour le maître de l'ouvrage ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation ainsi prévue de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité pour le compte de son assuré, et d'autre part que l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance ;

10. Considérant que la société Groupama établit qu'elle a versé à la commune de Fleury-les-Aubrais la somme de 68 617,14 euros, que le jugement du 16 janvier 2014 la condamne à payer au titre des désordres climatiques, et se trouve ainsi subrogée dans les droits et obligations de son assurée à due concurrence ; qu'eu égard à la part de responsabilité du maître d'ouvrage de 10 %, la société Groupama est fondée à demander la condamnation des constructeurs à lui verser la somme de 61 755,43 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice doit être, d'une part, diminué de la part de responsabilité du maître d'ouvrage évaluée à 10 %, ce qui porte la somme mise par le jugement à la charge des constructeurs, à la somme de 211 500 euros, et d'autre part, augmenté de la somme de 61 755,43 euros, payée par la société Groupama en exécution du jugement ; qu'il suit de là que la somme que le jugement du 16 janvier 2014 condamne les constructeurs à verser à la société Groupama pour les désordres climatiques doit être portée à 273 255,43 euros ;

En ce qui concerne le partage de responsabilités :

12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 6 ci-dessus, dès lors qu'aucun document ne précise les missions respectives des sociétés Ivars et Ballet et EBI dans la conception du bâtiment, leurs conclusions respectives tendant à être garanties l'une par l'autre des condamnations prononcées à leur encontre pour cette catégorie de désordres, doivent être rejetées ; qu'il suit de là que l'article 9 du jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions d'appel en garantie formées par la société Ivars et Ballet contre la société EBI pour ces désordres ;

Sur les conclusions d'appel incident relatives aux désordres électriques et aux désordres acoustiques :

13. Considérant que la société Groupama présente, devant la cour, des conclusions d'appel dirigées contre les articles 6 et 7 du jugement du 16 janvier 2014, relatifs respectivement aux désordres affectant la sonorisation de la salle Jean Cocteau et aux désordres acoustiques ; que ces conclusions, présentées après expiration du délai d'appel et dirigées contre les sociétés Ivars et Ballet, EBI, SPIE, Peutz et Gilbert, constituent des conclusions d'appel incident et d'appel provoqué irrecevables car soulevant un litige distinct de celui dont se trouve saisie la cour par l'appel principal de la société Ivars et Ballet, qui tend uniquement à la réformation, d'une part de l'article 5 du jugement relatif aux désordres affectant la planéité des sols, d'autre part de son article 8 relatif aux désordres climatiques, et enfin, subsidiairement de son article 9 en tant qu'il prononce un non lieu à statuer sur son appel en garantie concernant ces mêmes désordres climatiques ;

Sur les conclusions d'appel provoqué présentées par les sociétés SPIE ouest centre et Gilbert :

14. Considérant que le présent arrêt n'aggrave pas les situations des sociétés SPIE ouest centre et Gilbert ; que par suite, leurs conclusions d'appel provoqué, au demeurant présentées seulement à titre subsidiaire, sont irrecevables ;

Sur les conclusions des sociétés Qualiconsult et Gallier :

15. Considérant que les conclusions d'appel en garantie présentées à titre subsidiaire par les sociétés Qualiconsult et Gallier sont sans objet ; qu'elles ne peuvent par suite qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de partager les frais d'expertise, liquidés et taxés, par ordonnance du président du tribunal administratif d'Orléans du 31 août 2011, à la somme de 122 106,71 euros TTC, à hauteur de 60% à la charge de la société Groupama et à hauteur de 40% à la charge solidaire des sociétés Ivars et Ballet et EBI ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par la commune de Fleury-les-Aubrais et les sociétés Ivars et Ballet, Groupama, EBI, SPIE ouest centre, Qualiconsult, BTPO, Gilbert et Gallier ;

DECIDE

Article 1er : Les sociétés Ivars et Ballet et EBI sont condamnées solidairement à garantir la société BTPO à hauteur de 85% des condamnations prononcées à son encontre pour les désordres affectant la planéité des sols.

Article 2 : Les appels en garantie formés par les sociétés Ivars et Ballet et EBI pour les désordres affectant la planéité des sols sont rejetés.

Article 3 : L'article 5 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 janvier 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Les sociétés Ivars et Ballet et EBI sont condamnées solidairement à verser à la société Groupama la somme de 273 255,43 euros au titre des désordres climatiques.

Article 5 : Les appels en garantie formés par les sociétés Ivars et Ballet et EBI pour les désordres climatiques sont rejetés.

Article 6 : Les articles 8 et 9 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 janvier 2014 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles 4 et 5 du présent arrêt.

Article 7 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 122 106,71 euros sont mis à la charge de la société Groupama à hauteur de 60% et à la charge solidaire des sociétés Ivars et Ballet et EBI à hauteur de 40%

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Ivars et Ballet, EBI, Groupama Paris Val de Loire, BTPO, Gallier, Gilbert, SPIE ouest centre, Peutz, Architecture et Technique et Qualiconsult, ainsi qu'à la commune de Fleury-les-Aubrais.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 avril 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00690
Date de la décision : 22/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL LUGUET DA COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-22;14nt00690 ?
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