Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine (ARUSS Gaz Touraine) et M. C...A...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté interpréfectoral des 19 et 24 décembre 2013 pris par les préfets d'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher portant approbation du plan de prévention des risques technologiques (PPRT) résultant de l'implantation à Céré-la-Ronde (Indre-et-Loire) d'un stockage souterrain de gaz naturel exploité par la société Storengy.
Par un jugement n° 1400693 du 10 février 2015, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 13 avril et 13 mai 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 février 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine et M. A...devant le tribunal administratif d'Orléans.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en recherchant si les modalités de concertation prévues par l'arrêté des 3 et 6 août 2012 prescrivant le PPRT étaient suffisantes au sens de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, alors qu'au sens des dispositions du IV de cet article, le juge se borne au contrôle du respect de ces modalités par l'arrêté approuvant le PPRT ;
- les premiers juges ont inexactement qualifié les faits en estimant que l'absence de réunion publique, dont la tenue était facultative aux termes de l'arrêté des 3 et 6 août 2012, rendait insuffisante la participation du public au processus d'élaboration du PPRT ;
- le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas organiser une réunion publique ; les personnes intéressées n'ont en tout état de cause pas été privées d'une garantie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, l'association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine et M.A..., représentés par MeB..., concluent au rejet du recours du ministre et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est régulier ;
- les moyens soulevés par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a été enregistré le 10 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lenoir ;
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public ;
- et les observations de M.A..., en l'absence de son conseil.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société GDF SUEZ, aux droits de laquelle a succédé la société Storengy, exploite, depuis 1993, un site naturel de stockage souterrain de gaz au lieu-dit " Les Gerbaults " situé sur le territoire de la commune de Céré-La-Ronde (Indre et Loire) installation autorisée au titre de la réglementation régissant les installations classées pour la protection de l'environnement par un arrêté préfectoral en date du 5 juin 1992, lequel a été modifié par 4 arrêtés en date des 8 décembre 1999, 1er février 2001, 1er septembre 2008 et 3 mai 2011 ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, la capacité de ce site de stockage s'élevait à 1,2 milliard de m3 pour une superficie souterraine de 61,8 km2 ; que les installations au sol comprenaient une station centrale située sur le territoire de la commune de Céré-La-Ronde ainsi que 13 puits d'exploitation répartis sur les territoires des communes de Céré-La-Ronde, Orbigny, Faverolles-SurCher, Ange et Saint-Julien-De-Chedon, situées respectivement dans le ressort des départements d'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher ; que, compte tenu des risques inhérents à ce type d'installation tels que l'inflammation d'un jet de gaz inopiné ou l'explosion d'un nuage de gaz, il a été décidé, en 2012, d'instituer un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) délimitant un périmètre de sécurité autour de ce site ; qu'en conséquence, les préfets de l'Indre et Loire et du Loir et Cher, ont, par un arrêté commun des 3 et 6 août 2012, prescrit l'élaboration du PPRT en question en délimitant un périmètre affectant le territoire des sept communes mentionnées plus haut ; que l'article 5 de cet arrêté définissait les modalités d'une concertation auprès du public en prévoyant la mise à disposition des documents du projet dans les mairies des sept communes concernées, la publication de ces mêmes documents sur les sites internet des deux préfectures, la possibilité d'adresser des observations par courrier ou par mel au préfet d'Indre et Loire et enfin, "le cas échéant", d'organiser une réunion publique d'information ; que la concertation en question s'est déroulée au cours du premier semestre de l'année 2013 ; qu'une enquête publique a ensuite été organisée au cours de la période du 30 septembre 2013 au 31 octobre 2013 à l'issue de laquelle le commissaire-enquêteur a rendu le 28 novembre 2013 un avis favorable ; que, par un arrêté commun des 19 et 24 décembre 2013, les préfets d'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher ont approuvé le projet de PPRT pour le stockage souterrain de gaz naturel exploité par la société Storengy à Céré-la-Ronde ; que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement du 10 février 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de l'association Aruss Gaz Touraine et de M.A..., cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, pour estimer que l'arrêté attaqué est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif a indiqué que, d'une part, les modalités de concertation fixées par l'arrêté des 3 et 6 août 2012 n'étaient pas assorties des précisions nécessaires sur l'organisation d'une réunion publique d'information et, d'autre part, qu'il ressortait des pièces du dossier que l'absence d'organisation d'une telle réunion publique n'avait pas permis au public d'être suffisamment associé à l'élaboration du PPRT ; que les premiers juges ont ainsi suffisamment motivé leur jugement ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, invoqué par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 515-22 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme (....) Le plan de prévention des risques technologiques est approuvé par arrêté préfectoral (...) ; qu'aux termes de l'article R. 515-40 du même code : " I.-L'élaboration d'un plan de prévention des risques technologiques est prescrite par un arrêté du préfet (...). II.-L'arrêté fixe également les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes intéressées. (...)III.-Lorsque le périmètre d'étude du plan de prévention des risques technologiques s'étend sur plusieurs départements, les arrêtés prévus à la présente sous-section sont pris conjointement par les préfets de ces départements. Le préfet du département le plus exposé est chargé de conduire la procédure. (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date à laquelle s'est déroulée la concertation organisée par l'arrêté interpréfectoral des 3 et 6 août 2012 : " I. - Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées: 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; 2° La création d'une zone d'aménagement concerté ; 3° Les opérations d'aménagement ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d'Etat. II. - Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par : 1° Le préfet lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat (...) Ces modalités doivent, pendant une durée suffisante au regard de l'importance du projet, permettre au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente (....) IV. - Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution." ;
4. Considérant que l'application de l'article L. 300-2 précité du code de l'urbanisme implique nécessairement que l'autorité chargé d'élaborer le document d'urbanisme objet de la concertation définisse avec suffisamment de précision les conditions dans lesquelles se déroule cette concertation auprès du public ; que, dès lors, et à supposer même que l'élaboration d'un PPRT figure au nombre des documents d'urbanisme et des opérations mentionnées au paragraphe IV de cet article, les préfets d'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher ont, en prévoyant l'organisation "le cas échéant" d'une réunion publique sans définir les conditions dans lesquelles il apparaîtrait nécessaire d'organiser une telle réunion, méconnu les dispositions de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme et ont donc entaché d'illégalité l'arrêté des 19 et 24 décembre 2013 mentionné au point 1 ; que, par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que le public n'avait pas été suffisamment été associé, au sens de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, au processus d'élaboration du PPRT en cause ;
5. Considérant, en conséquence, que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté interpréfectoral des 19 et 24 décembre 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine et à M. A...de la somme demandée par ces derniers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de l'association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine et à M. A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, à l'association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine et à M. C... A....
Copies en seront délivrées au préfet d'Indre-et-Loire et au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 avril 2016.
Le président-assesseur,
J. FRANCFORT Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01185