Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 719,27 euros à titre de rappel d'indemnité de résidence et celle de 1 217,03 euros au titre du remboursement de part transport, ces deux sommes devant être arrêtées au 31 décembre 2009 et à parfaire jusqu'au jugement à intervenir, ainsi que celle de 5000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'atteinte portée aux conditions d'exercice de ses activités syndicales.
Par un jugement n° 1105043 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2014, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 janvier 2014 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de rappel d'indemnité de résidence ainsi que celle de 4 000 euros au titre du remboursement de la " part transport ", à parfaire jusqu'à l'arrêt à intervenir, ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, avec intérêts à taux légal à compter du 31 décembre 2009 et capitalisation de ces intérêts ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, " de prendre telle décision conforme à l'arrêt à intervenir pour l'avenir ", sous l'astreinte qu'il plaira à la cour de fixer ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs dès lors que les premiers juges ont estimé que l'arrêté de mutation à Rennes avait implicitement mais nécessairement abrogé la décision de mise à disposition du 28 mai 2003 pour estimer ensuite que l'administration avait pu mettre fin à une décision créatrice de droit en raison d'un changement de circonstances tenant à son changement de résidence administrative sur Rennes ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision du 30 juin 2003 portant mutation a implicitement abrogé la mise à disposition dès lors qu'elle vit à Paris depuis 2003 et n'a jamais été installée à la direction régionale de l'administration pénitentiaire de Rennes ;
- dans la mesure où ses fonctions sont effectivement exercées en région parisienne, elle est fondée à réclamer le versement de l'indemnité de résidence ;
- il ne peut lui être opposé que ses fonctions de permanente syndicale n'ont pas nécessairement lieu à Montreuil ;
- le versement d'indemnités pendant deux ans présente le caractère d'une décision créatrice de droit ;
- elle justifie avoir subi un préjudice moral du fait de l'atteinte à l'exercice de ses fonctions syndicales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme A...n'est fondé.
Par une ordonnance du 7 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 7 janvier 2016 à 12h00.
Par ordonnance du 7 janvier 2016, l'instruction a été rouverte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 82-887 du 18 octobre 1982 instituant une prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués à l'intérieur de la zone de compétence de l'autorité organisatrice des transports parisiens par les fonctionnaires et agents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A..., surveillante pénitentiaire affectée à la direction régionale des services pénitentiaires de Paris, où elle exerçait les fonctions de chargée d'application informatique, a été mutée par arrêté du 30 juin 2003 à la direction régionale des services pénitentiaires de Rennes à compter du 3 novembre 2003 ; que toutefois, à la demande de l'Union Générale des Syndicats Pénitentiaires CGT, elle a bénéficié d'une décharge totale de service et a exercé des fonctions de permanente syndicale à compter de l'été 2003 ; qu'elle n'a ainsi jamais rejoint l'affectation qui lui avait été antérieurement fixée à Rennes mais travaillait en principe en tant que permanente syndicale CGT, elle a exercé ses fonctions au siège de ce syndicat sur le territoire de la commune de Montreuil (Seine-Saint-Denis) ; que le bénéfice de l'indemnité de résidence et de la prise en charge partielle de ses frais de transport dans la zone de compétence des transports parisiens lui a été supprimé à compter du mois de juin 2005 suite à la prise en charge de sa rémunération par la direction régionale des services pénitentiaires de Rennes ; qu'elle a adressé le 30 décembre 2009 au garde ses sceaux, ministre de la justice, une demande préalable en vue du versement de ces indemnités et d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, implicitement rejetée par l'administration ; qu'elle relève appel du jugement du 22 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement des sommes ainsi réclamées ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : " L'indemnité de résidence est allouée aux agents mentionnés à l'article 1er du présent décret titulaires d'un grade ou occupant un emploi auquel est directement attaché un indice de la fonction publique (...). / (...) / Les taux de l'indemnité de résidence sont fixés suivant les zones territoriales d'abattement de salaires telles qu'elles sont déterminées par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962 susvisé (...). / Les agents affectés dans une commune faisant partie d'une même agglomération urbaine multicommunale délimitée lors du dernier recensement de population effectué par l'Institut national de la statistique et des études économiques bénéficient du taux le plus élevé applicable au sein de ladite agglomération. ... " ; qu'il résulte de ces dispositions que le taux, de 0, 1 ou 3%, applicable au calcul de l'indemnité de résidence, laquelle est destinée à tenir compte, d'une manière forfaitaire, dans la rémunération totale des agents, des différences existant dans le coût de la vie selon différentes zones, est celui du lieu où les intéressés sont appelés à exercer effectivement leurs fonctions et non celui du siège de l'établissement ou de l'administration qui les emploie ;
3. Considérant qu'il est constant que si Mme A...a été mutée par arrêté du 30 juin 2003 du garde des sceaux, ministre de la justice, à la direction régionale des services pénitentiaires de Rennes en qualité de chargée d'application informatique à compter du 3 novembre 2003, elle n'y a jamais pris ses fonctions et a exercé à partir de l'été 2003 des fonctions de permanente syndicale principalement au siège de son organisation à Montreuil ; que, compte tenu du lieu d'exercice effectif de ses fonctions, il résulte ainsi du tableau figurant à l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 susvisé qu'elle avait droit à ce titre à l'indemnité de résidence au taux de 3% ; que le ministre de la justice affirmant sans être démenti que Mme A...a exercé des fonctions de permanente syndicale dans les conditions sus-décrites jusqu'au 31 août 2010, la requérante a droit au versement de cette indemnité depuis la date à laquelle celle-ci lui a été supprimée au cours de l'année 2005 jusqu'au 31 août 2010 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux temes de l'article 1er du décret du 18 octobre 1982 susvisé : " les personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif dont la résidence administrative est située à l'intérieur de la zone de compétence de l'autorité organisatrice des transports parisiens bénéficient, à compter du 1er novembre 1982, de la prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués au moyen de transports publics de voyageurs entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail " ; que le lieu de travail de Mme A...se situant à Montreuil, dans la zone de compétence des transports parisiens, elle pouvait prétendre à ce titre au bénéfice de la prise en charge partielle de frais de transports prévue par ces dispositions pour la même période que celle susmentionnée au point 3 ;
5. Considérant en troisième lieu, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A...aurait subi, du seul fait de la suppression des avantages financiers auxquels elle avait droit, un préjudice moral résultant d'une atteinte à l'exercice de son activité syndicale ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes correspondant aux rappels de l'indemnité de résidence et de la prise en charge partielle de son titre d'abonnement aux transports publics parisiens ; que les éléments figurant au dossier ne permettant pas d'évaluer avec une précision suffisante le montant des sommes dues à ces deux titres à la requérante, il y a dès lors lieu de condamner l'Etat à verser à Mme A...les sommes correspondant à ses droits au bénéfice de l'indemnité de résidence au taux de 3% et de la prise en charge partielle de son titre d'abonnement aux transports publics parisiens, pour la période allant de la date à laquelle ces avantages lui ont été supprimés en 2005 jusqu'au 31 août 2010 ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
7. Considérant que Mme A...a droit aux intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2009, date de réception de sa demande préalable, pour les sommes échues à cette date et à compter de la date de chaque échéance mensuelle suivante pour les sommes échues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010 ;
8. Considérant que Mme A...a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée au tribunal administratif de Paris le 30 mars 2010 ; qu'elle y a donc droit, d'une part, au 31 décembre 2010, date à laquelle une année d'intérêts a couru, sur les sommes échues au 31 décembre 2009, d'autre part, à compter de la date à laquelle une année d'intérêts a couru sur les sommes échues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010, enfin, à compter du 31 décembre 2011 et de chaque date anniversaire sur l'ensemble des sommes dues ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que Mme A...demande qu'il soit enjoint au ministre " de prendre telle décision conforme à l'arrêt à intervenir pour l'avenir " ; que dès lors qu'elle ne conteste pas que ses fonctions de permanente syndicale au siège de l'UGSP-CGT à Montreuil ont pris fin après le 31 août 2010, ces conclusions sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministère de la justice) une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n°1105043 du 22 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : L'Etat (ministère de la justice) est condamné à verser à Mme A...les sommes correspondant à ses droits au bénéfice de l'indemnité de résidence au taux de 3% et de la prise en charge partielle de son titre d'abonnement aux transports publics parisiens, pour la période allant de la date à laquelle ces avantages lui ont été supprimés en 2005 jusqu'au 31 août 2010. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2009, pour les sommes échues à cette date, et à compter de la date de chaque échéance mensuelle suivante pour les sommes échues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010. Ces intérêts seront capitalisés d'une part, au 31 décembre 2010 sur les sommes échues au 31 décembre 2009, d'autre part, à compter de la date à laquelle une année d'intérêts a couru sur les sommes échues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010, enfin, à compter du 31 décembre 2011 et de chaque date anniversaire sur l'ensemble des sommes dues.
Article 3 : Le surplus de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00831