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07/01/2016 | FRANCE | N°14NT01365

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 janvier 2016, 14NT01365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Lamtabat a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1301156 du 18 mars 2014, le tribunal l'a déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 20

06 correspondant à la réintégration dans les bénéfices de la société en nom collectif (SNC) P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Lamtabat a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1301156 du 18 mars 2014, le tribunal l'a déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 correspondant à la réintégration dans les bénéfices de la société en nom collectif (SNC) Procession d'une somme de 15 000 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de la demande présentée devant lui.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2014, la SA Lamtabat, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 mars 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de première instance ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'agent ayant suivi la procédure d'imposition était territorialement incompétent ;

- en cédant les lots n° 6 et n° 14 de l'immeuble situé 57 rue de la Procession à Paris, elle n'a commis aucun acte anormal de gestion ; à la date de sa cession, l'appartement correspondant à ces lots était occupé par des locataires ; si ceux-ci avaient donné leur congé, ce congé était irrégulier et ils avaient la volonté de se maintenir dans les lieux, ce qui était de nature à réduire la valeur vénale du bien ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas motivée dès lors qu'après avoir réévalué à la baisse la valeur vénale du lot n° 6, l'administration n'a pas indiqué à la requérante les nouveaux éléments de droit et de fait sur lesquels reposaient l'application de cette pénalité ;

- l'application de cette pénalité n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que, dans le cadre de son activité de marchand de biens, la société en nom collectif (SNC) Procession, dont la SA Lamtabat détient 33 % des parts sociales, a acquis, le 27 février 2006, un immeuble situé 57 rue de la Procession à Paris afin de le revendre en lots ; que, le 12 octobre 2006, la SNC Procession a cédé le lot n° 3, constitué d'un appartement de 29 m², à la société civile immobilière (SCI) La Garenne au prix de 85 000 euros et les lots n° 6 et n° 14, constitués d'un appartement de 65 m² et d'une cave, à la SCI Heliotte au prix de 130 000 euros ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la SNC Procession, l'administration, qui a estimé que ces opérations constituaient un acte anormal de gestion, a réintégré dans les bénéfices de cette société les sommes de 15 000 euros et de 172 000 euros correspondant, respectivement, à la minoration du prix de cession du lot n° 3, d'une part, et à celle des lots n° 6 et n° 14, d'autre part ; qu'après le rejet de sa réclamation, la SA Lamtabat a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle, en application des dispositions combinées des articles 8 et 218 bis du code général des impôts, elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006, ainsi que de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts et de l'intérêt de retard correspondants ; que, par le jugement attaqué, ce tribunal a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2006 correspondant à la réintégration dans les bénéfices de la SNC Procession de la somme de 15 000 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de la demande présentée devant lui ; que la SA Lamtabat relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. (...) seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes (...) morales (...) qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré (...) dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document (...) " ; qu'aux termes des dispositions du 1 de l'article 218 A de ce code : " L'impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. / Toutefois, l'administration peut désigner comme lieu d'imposition : / soit celui où est assurée la direction effective de la société ; / soit celui de son siège social. " ;

3. Considérant que la SA Lamtabat, dont le siège social est situé à Francheville (Orne), soutient que la procédure d'imposition a été menée par un fonctionnaire affecté à la direction départementale des finances publiques de Paris-Ouest, de sorte que l'imposition a été établie par un agent territorialement incompétent ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que cette imposition a été établie par des agents relevant de la direction départementale des finances publiques de l'Orne ; qu'il suit de là que la procédure d'imposition n'est pas entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion pour la société qui l'a consentie ; que la preuve de l'existence de cet acte anormal de gestion doit être regardée comme apportée par l'administration lorsque est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;

En ce qui concerne l'existence d'un écart significatif :

5. Considérant que, pour déterminer la valeur vénale des lots n° 6 et n° 14, cédés par la SNC Procession à la SCI Heliotte le 12 octobre 2006, l'administration s'est référée aux prix auxquels ont été cédés, entre le 25 août 2006 et le 19 janvier 2007, quatre autres lots de l'immeuble situé au 57 rue de la Procession ainsi qu'à ceux de trois biens immobiliers comparables cédés entre le 27 janvier et le 12 juillet 2006 ; que la valeur vénale ainsi fixée à 374 728 euros a été réduite à 302 000 euros à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

6. Considérant que la SA Lamtabat, qui ne remet pas en cause la pertinence des termes de comparaison retenus par l'administration, soutient, d'une part, qu'à la date de signature du compromis de vente, le 1er juin 2006, le lot n° 6 était donné en location en vertu d'un bail d'habitation soumis à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, d'autre part, que les locataires avaient irrégulièrement donné leur congé et, enfin, que le délai de préavis de trois mois alors applicable n'était pas venu à expiration, de sorte qu'il était probable que, compte tenu de leur âge et ainsi qu'ils en avaient manifesté l'intention, ils se maintiendraient dans les lieux en dépit du congé donné ; que, toutefois, en l'absence d'éléments de nature à établir la nécessité de revendre rapidement le lot n° 6, acquis en février 2006, il appartenait à la SNC Procession, qui a la qualité de professionnel de l'immobilier, de différer la signature du compromis de vente ou de l'assortir de modalités telles que la stipulation d'une condition suspensive, lui permettant de garantir la revente de locaux libres de tous occupants ; qu'au surplus, l'incertitude relative au départ des locataires ne justifiait pas l'écart de prix de 172 000 euros finalement retenu par le service ;

En ce qui concerne l'existence d'une libéralité :

7. Considérant que lorsqu'une société cède à une personne avec laquelle elle forme une communauté d'intérêts partie de ses éléments d'actifs à un prix inférieur à leur valeur vénale, cette cession est présumée constituer un acte anormal de gestion ;

8. Considérant qu'il est constant que le cédant, à savoir la SNC Procession, était détenue à 67 % par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Passy et à 33 % par la SA Lamtabat dont M. B...est, respectivement, le gérant et le président, alors que le cessionnaire, à savoir la SCI Heliotte, avait M. et Mme B... pour uniques associés ; qu'ainsi, la SNC Procession formait avec la SCI Heliotte une communauté d'intérêts, de sorte que la cession à prix minoré du lot n° 6 est présumée constituer un acte anormal de gestion ; que cette présomption n'est combattue par aucun moyen ;

Sur les pénalités :

9. Considérant que les éléments de droit et de fait sur le fondement desquels le service a mis à la charge de la SA Lamtabat la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ont été énoncées dans la proposition de rectification du 4 juillet 2008 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette majoration n'est pas motivée au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

10. Considérant que, compte tenu, d'une part, de l'écart significatif, ci-dessus relevé, entre le prix de vente du lot n° 6 de l'immeuble et sa valeur vénale, d'autre part, de la communauté d'intérêts entre le cédant et le cessionnaire et enfin de la qualité de professionnel de l'immobilier de la SNC Procession, et alors même que cette valeur vénale a été ramenée de 374 728 à 302 000 euros après l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, c'est à bon droit que l'administration a appliqué aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par l'article 1729 du code général des impôts ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Lamtabat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a, après avoir prononcé la réduction des suppléments d'imposition contestés, rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la SA Lamtabat demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Lamtabat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) Lamtabat et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01365
Date de la décision : 07/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET CHANDELLIER-CORBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-01-07;14nt01365 ?
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