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11/12/2015 | FRANCE | N°14NT02914

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 décembre 2015, 14NT02914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D..., M. H...D...et la société D...Frères SARL ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Brest, au besoin solidairement avec la commune de Camaret-sur-Mer, à leur verser la somme de 978 153,92 euros.

Par un jugement n° 1200874 du 26 septembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrée le 13 novembre 2014, le 5 mai 2015 et le

8 juin 2015, MM. D...et la société D...Frères SARL, représentée par la SCP Manuel Gros, Hél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D..., M. H...D...et la société D...Frères SARL ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Brest, au besoin solidairement avec la commune de Camaret-sur-Mer, à leur verser la somme de 978 153,92 euros.

Par un jugement n° 1200874 du 26 septembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrée le 13 novembre 2014, le 5 mai 2015 et le 8 juin 2015, MM. D...et la société D...Frères SARL, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2014 ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Brest, au à défaut celle-ci solidairement avec la commune de Camaret-sur-Mer, à leur verser la somme de 978 153, 92 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'incendie d'un hangar sur le port de la Camargue à Camaret-sur-Mer ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Brest la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Brest est engagée pour faute, en raison de l'illégalité de la décision du 10 septembre 1988 leur imposant des sous-locataires dans un hangar occupé sur le domaine public du port de La Camargue ;

- il existe un lien de causalité entre cette décision, qui a permis la présence sur les lieux de produits dangereux et inflammables et le préjudice dont ils ont été victimes ;

- la prescription quadriennale ne peut être opposée ;

- la responsabilité de la chambre de commerce est également engagée sans faute compte tenu de l'exposition de leurs locaux à une activité dangereuse.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 avril 2015 et le 11 juin 2015, la chambre de commerce et d'industrie de Brest, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de MM. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. A titre subsidiaire, elle demande que la commune de Camaret-sur-Mer soit condamnée à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- seule la responsabilité la commune de Camaret-sur-Mer, subrogée dans les droits et obligations de la chambre de commerce et d'industrie de Brest vis à vis des occupants du domaine public, peut être engagée ;

- M.G..., qui était peintre, n'exerçait pas une activité dangereuse et l'incendie étant d'origine électrique, il n'existe aucun lien de causalité entre l'occupation du domaine public par M. G...et les préjudices invoqués par les requérants ;

- les requérants ont accepté les risques liés à leur occupation du domaine public ;

- la responsabilité sans faute constitue en appel un moyen nouveau, qui repose sur une cause juridique distincte, et qui n'est par suite pas recevable ; en tout état de cause, les requérants ne démontrent pas l'anormalité et la spécialité du préjudice subi.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2015, la commune de Camaret-sur-Mer, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de MM. D...et de la sociétéD..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune faute n'a été commise par la chambre de commerce et d'industrie de Brest dans l'attribution d'une autorisation du domaine public à M.G... ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre la délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public à M. G...et les préjudices subis par les requérants du fait de l'incendie, dès lors que l'origine de celui-ci n'a pu être établi de manière certaine et que la présence de produit inflammable ne méconnaissait aucune règle ;

- la responsabilité sans faute ne peut être engagée dans la mesure où aucune charge n'a été imposée par la collectivité, où la commune n'a pas manqué à son obligation de conservation du domaine public et où aucune atteinte n'a été portée aux droits des requérants en leur qualité d'occupants du domaine public.

Par ordonnance du 5 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juin 2015.

Un mémoire présenté pour la commune de Camaret-sur-Mer a été enregistré le 19 juin 2015.

Deux mémoires présentés pour MM. D...et la société D...ont été enregistrés le 23 juin 2015 et 13 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lenoir, président ;

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de Brest, et de MeE..., représentant la commune de Camaret-sur-Mer.

1. Considérant que M.M D...et la société D...Frères relèvent appel du jugement du 26 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Brest, au à défaut de celle-ci solidairement avec la commune de Camaret-sur-Mer, à leur verser la somme de 978 153,92 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'incendie d'un hangar sur le port de la Camargue à Camaret-sur-Mer ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société D...frères est titulaire d'une autorisation d'occupation d'un terrain appartenant au domaine public du port dénommé " de La Camargue ", situé sur le territoire de la commune de Camaret-sur-Mer, délivrée par un arrêté du maire de Camaret-sur-Mer du 1er mars 2005 pour une durée de quinze ans ; qu'en vertu de cette autorisation, cette société est autorisée à occuper, au niveau du quai Tephany, deux locaux en vue d'une activité d'hivernage de bateaux et de stockage de matériels, de caravanes et de petits bateaux de plaisance ; qu'un de ces locaux avait également fait l'objet, pour une autre partie, d'une autorisation d'occupation au profit d'un artisan-plombier et d'un artisan-peintre, M. G... ; que le 10 avril 2007, un incendie s'est déclenchée dans la partie du hangar occupée par M.G..., sinistre qui a entrainé la destruction totale du bâtiment ainsi que des véhicules et bateaux entreposés par la sociétéD... ; qu'il ressort de la lecture du rapport d'expertise établi par MmeA..., expert désigné le 31 juillet 2007 par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Quimper, que l'incendie en question avait très vraisemblablement pour cause une anomalie du circuit d'alimentation électrique du bâtiment, localisé dans la partie de l'immeuble utilisé par l'atelier de peinture, sans qu'il soit cependant possible de déterminer si cette anomalie résultait d'une absence de conformité du circuit en question ou d'un branchement à un appareil demeuré en fonction ; que la cour d'appel de Rennes a, par un arrêt du 14 décembre 2011, estimé que M. G...n'avait commis aucune faute qui serait à l'origine de l'incendie et a débouté la société D...de sa demande de condamnation de cet artisan ; que les requérants ont alors, par lettre enregistrée le 28 décembre 2011, sollicité de la chambre de commerce et d'industrie de Brest la réparation du préjudice subi du fait du sinistre survenu le 10 avril 2007 en fondant leur demande sur la faute qu'aurait commis cet établissement public lorsque, étant gestionnaire du domaine public faisant l'objet d'une autorisation d'occupation, il a, en 1988, irrégulièrement autorisé M. G...à occuper une partie du hangar jusqu'alors entièrement dévolu à l'activité de leur société ; qu'ils relèvent appel du jugement en date du 26 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes, qu'ils avaient, à la suite du rejet de leur demande d'indemnisation par la chambre de commerce et d'industrie de Brest le 16 janvier 2012, saisi d'une demande de condamnation de ladite chambre de commerce à leur verser la somme de 978 153, 92 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subi à l'occasion du sinistre mentionné plus haut ;

Sur la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Brest :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté en date du 30 octobre 2003, le préfet du Finistère a transféré à la commune de Camaret-sur-Mer la gestion, pour le compte de l'Etat, du port de Camaret-sur-Mer alors que celle-ci était précédemment assurée par le département du Finistère ; que, par un arrêté du même jour, le président du conseil général du Finistère a résilié, avec effet à la date de prise de possession par la commune de Camaret-sur-Mer du port en question, la concession d'outillage public qu'avait accordé ce département, dans le cadre de la gestion du port mentionné plus haut, à la chambre de commerce et d'industrie de Brest ; qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants se sont bornés à mettre en jeu la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Brest en raison de la faute qu'aurait commis par cette dernière lorsqu'elle a décidé, le 29 mars 1988, à l'occasion de la demande de renouvellement par M. D... de l'autorisation d'occupation temporaire du terrain en cause, de réduire la superficie accordée initialement à cet artisan afin de permettre l'installation, dans l'un des immeubles édifiés sur le terrain faisant l'objet de l'autorisation d'occupation temporaire, de deux activités de plomberie et de peinture ; que, toutefois, et compte tenu du transfert de la gestion du domaine en question à la commune de Camaret-sur-Mer ainsi que de la résiliation de la concession d'outillage public consentie à la chambre de commerce et d'industrie de Brest, le caractère fautif de cette décision de réduction du périmètre de l'autorisation temporaire consentie initialement à M. D..., à le supposer établi, n'était pas de nature à engager, postérieurement à ce transfert, la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Brest ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande de condamnation de cet établissement public ;

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Camaret-sur-Mer, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires dirigées contre cette commune :

4. Considérant, d'une part, que si les requérants soutiennent que la décision prise par la chambre de commerce et d'industrie de Brest, à laquelle a succédé la commune de Camaret-sur-Mer, d'autoriser M. G...à occuper le domaine public portuaire serait fautive, ils ne démontrent aucunement que cette décision, prise dans le cadre des pouvoirs de gestion du domaine public, serait entachée d'illégalité ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'activité de peinture de M. G...aurait représenté des risques spécifiques notamment lié à l'entreposage de produits inflammables ou toxiques ; qu'en autorisant cette activité dans le même bâtiment, le gestionnaire du domaine public n'a donc pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité alors qu'au surplus, il ressort du rapport d'expertise mentionné plus haut que le sinistre survenu le 10 avril 2007 n'a pas pour origine une manipulation ou une exposition sans précaution de produits inflammables ou toxiques ;

6. Considérant, dès lors, qu'à supposer que les requérants aient entendu mettre directement en jeu la responsabilité de la commune de Camaret-sur-Mer à raison des fautes qu'auraient commis les différents gestionnaires du domaine public, il y a lieu de rejeter leurs conclusions en ce sens ;

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Camaret-sur-Mer, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité au moins partielle des conclusions des requérants :

7. Considérant, que, comme il l'a été précisé ci-dessus, le sinistre survenu le 10 avril 2007 n'a pas pour origine une décision du gestionnaire public exposant l'activité des requérants à des risques spécifiques résultant de la proximité d'un stockage de matériaux toxiques ou inflammables ; que, par suite, leurs conclusions tendant à ce que soit mise en jeu la responsabilité de la commune de Camaret-sur-Mer tant en raison du risque auquel leur activité aurait ainsi été exposée que de la rupture d'égalité devant les charges publiques qui découlerait d'une absence d'indemnisation en dépit de ce risque ne peuvent qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que MM. D...et la société D...frères ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la CCI de Brest ou, à défaut, de celle-ci solidairement avec la commune de Camaret-sur-Mer ;

Sur la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Brest tendant à la condamnation de la commune de Camaret-sur-Mer à la garantir des condamnations prononcées à son encontre :

9. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions en question ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Brest, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par MM. D...et la société D...Frères au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de Brest et par la commune de Camaret-sur-Mer sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des requérants le versement des sommes de 2500 euros et de 2000 euros respectivement à la chambre de commerce et d'industrie de Brest et à la commune de Camaret-sur-Mer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. D...et de la société D...Frères est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Brest tendant à ce que la commune de Camaret-sur-Mer la garantisse des condamnations prononcées à son encontre sont rejetées.

Article 3 : Il est mis à la charge conjointe et solidaire de M. C...D..., de M. H...D...et de la société D...Frères le versement à la chambre de commerce et d'industrie de Brest et à la commune de Camaret-sur-Mer des sommes respectives de 2500 euros et de 2000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à M. H...D..., à la société D...Frères SARL, à la chambre de commerce et d'industrie de Brest et à la commune de Camaret-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2015.

Le président-assesseur,

J. FRANCFORT

Le président-rapporteur,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

2

N° 14NT02914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02914
Date de la décision : 11/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SCP GROS MANUEL HICTER HELOISE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-11;14nt02914 ?
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