Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 avril 2010 par lequel le directeur de l'Ecole des Mines de Nantes l'a licencié sans préavis ni indemnité et de l'indemniser en raison du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision.
Par un jugement n° 1004132 du 19 juillet 2013, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 20 avril 2010 et a condamné l'Ecole des Mines de Nantes à verser à M. C...la somme de 6 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2013 et le 4 mars 2015, M.C..., représenté par MeF..., demande à la cour :
1°) de réformer l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 6 000 euros la somme que l'Ecole des Mines de Nantes a été condamnée à lui verser en réparation des préjudices moral et financier qu'il a subis ;
2°) de condamner l'Ecole des Mines de Nantes à lui verser une somme de 83 412 euros, sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de rejeter l'appel incident de l'Ecole des Mines de Nantes ;
4°) de mettre à la charge de l'Ecole des Mines de Nantes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.
Il soutient que :
- la somme allouée par le tribunal en réparation des préjudices subis est insuffisante ; la réparation financière est moindre que ce qu'elle aurait pu être si elle avait été effectuée à une date où sa réintégration était possible ; il a été pénalisé dans la mesure où les premiers juges se sont prononcés au moment où il avait atteint l'âge légal de la retraite ;
- la somme de 83 412 euros réclamée en première instance est justifiée tant en ce qui concerne le préjudice financier que le préjudice moral ;
- l'appel incident formé par l'Ecole des Mines de Nantes n'est pas recevable en tant qu'il conteste l'annulation de la décision de licenciement dès lors que l'appel n'a été interjeté qu'en ce qui concerne le montant d'indemnisation ;
- c'est à tort que l'Ecole des Mines de Nantes soutient que l'arrêté du 19 juin 2002 n'était applicable qu'aux chambres de commerce ; les premiers juges étaient fondés à appliquer la règle de l'économie de moyens ; la procédure disciplinaire a été entachée par de nombreuses irrégularités ; la sanction infligée était disproportionnée.
Pa mémoire, enregistré le 1er avril 2014, le ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. C...n'est fondé.
Par mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2014 et le 2 septembre 2015, l'école des mines de Nantes demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 19 juillet 2013 du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel incident est recevable et n'est pas soumis à des conditions de délais ;
- les dispositions du 2° et du 5° de l'article 1-2 du décret 86-83 du 17 janvier 1986 n'ont pas été méconnues ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 1 de l'arrêté du 19 juin 2002 qui ne sont pas applicables l'Ecole des Mines de Nantes ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.11.10 du règlement intérieur de l'école ne peut être retenu ;
- la sanction en litige n'est pas fondée sur un courrier postérieur à la date de réunion du conseil de discipline ;
- les irrégularités invoquées n'ont pas privé M. C...d'une garantie ;
- la sanction n'était pas disproportionnée au vu du comportement de l'intéressé ;
- la sanction de licenciement n'a pas été prise au vu de la proximité du départ en retraite de l'appelant ;
- les demandes indemnitaires de M. C...sont excessives et ne sont étayées par aucune justification.
Un courrier a été adressé aux parties le 30 janvier 2015 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Une ordonnance du 4 mars 2015 a porté clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 5 mars 2015, l'instruction a été réouverte.
Par ordonnance du 1er octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- loi n° 83-1634 du 3 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat ;
- le décret n° 91-1037 du 8 octobre 1991 relatif à l'Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me E...pour M.C...,
- les observations de Me A...pour l'Ecole des Mines de Nantes.
1. Considérant que M.C..., agent contractuel, a exercé les fonctions de directeur de la maison des élèves de l'Ecole des Mines de Nantes à compter du 4 juin 1993 ; qu'il a bénéficié le 27 juillet 2005 d'un contrat à durée indéterminée ; que ses excès verbaux ont fait l'objet le 13 mars 2009 d'une note l'informant de possibles sanctions en l'absence de modification de son comportement ; que, suite à l'envoi d'un courriel à l'ensemble du personnel, il a été suspendu de ses fonctions le 11 décembre 2009 avec engagement d'une procédure disciplinaire ; que, par décision du 20 avril 2010, le directeur de l'Ecole des Mines de Nantes a pris à son encontre la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité ; qu'il relève appel du jugement du 19 juillet 2013 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à la somme de 6 000 euros le montant que l'établissement a été condamné à lui verser au titre des préjudices matériel et moral subis du fait de l'illégalité de son éviction ; que, par la voie de l'appel incident, l'Ecole des Mines de Nantes demande à la cour d'annuler le jugement du 19 juillet 2013 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision de licenciement et l'a condamnée à verser à M. C...une indemnité de 6 000 euros ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant, d'une part, qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte, outre la nature et la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction et, le cas échéant, les fautes commises par l'intéressé, la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont celui-ci avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations professionnelles que l'agent a pu se procurer au cours de la période d'éviction ;
3. Considérant, d'autre part, que lorsqu'un agent public irrégulièrement évincé a été admis à la retraite, l'obligation de reconstitution juridique de sa carrière qui découle de l'annulation par le juge administratif de la décision de licenciement prend nécessairement fin à compter de la date de son départ en retraite ; que, de même, l'admission à la retraite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, fait obstacle à ce que l'exécution de la décision juridictionnelle implique la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'il appartient seulement à l'agent irrégulièrement évincé de demander, le cas échéant, la réparation du préjudice qu'ont pu entrainer sa mise à la retraite et la liquidation anticipée de sa pension, lorsque celle-ci est la conséquence du licenciement illégal ;
4. Considérant, en l'espèce, que doivent être pris en compte, au titre de l'évaluation de la perte de revenus subie par M. C...de mai 2010 à juin 2011, date à laquelle il a atteint la limite d'âge lui imposant de solliciter sa mise à la retraite, les sommes correspondant aux traitements qu'il aurait dû percevoir en déduisant celles correspondant à la liquidation de sa pension de retraite, afin de tenir compte de la décote liée à un départ en retraite anticipé ; que, toutefois, si le licenciement litigieux a été annulé en raison, notamment, du caractère disproportionné de la sanction, il résulte de l'instruction que le comportement excessif de l'intéressé, notamment ses outrances verbales, la remise en cause de décisions du directeur de l'Ecole ainsi que son caractère difficile et irascible sont établis ; qu'il avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre par sa hiérarchie par note du 13 mars 2009 alors que ses notations contenaient déjà des réserves en ce qui concerne ses qualités relationnelles ; que les évictions physiques et injures à l'égard de diverses personnes ne sont pas sérieusement contestées ; qu'il a également manqué à son obligation de réserve par l'envoi à l'ensemble du personnel d'un mèl critiquant sa direction alors qu'il était responsable du parc hôtelier ; que, si la cinquantaine d'attestations d'anciens élèves démontre au quotidien la bonne tenue des logements et la gestion maitrisée des débordements festifs, la réalité des compétences de M. C...ne saurait effacer le caractère inadmissible dans l'exercice de ses fonctions des comportements sus-décrits, lesquels étaient susceptibles de lui valoir légalement une sanction disciplinaire ; qu'enfin, il ne peut être fondé à revendiquer l'indemnisation des préjudices qui résulteraient de la perte de son logement de fonction, cet avantage étant lié à un exercice effectif de ses anciennes fonctions ; que, dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral en lien direct avec l'illégalité de la sanction prononcée en évaluant à la somme de 6 000 euros la réparation qui lui était due à ce titre ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a limité à la somme de 6 000 euros le montant que l'Ecole des Mines de Nantes a été condamnée à lui verser au titre de l'illégalité fautive de son licenciement ;
Sur l'appel incident :
6. Considérant que le jugement attaqué, en son article 1er, a annulé la décision du directeur de l'Ecole des Mines de Nantes licenciant M.C... ; que, par la requête susvisée, ce dernier a sollicité la réformation de ce jugement en tant seulement que, par son article 2, il a limité à la somme de 6 000 euros l'indemnisation des préjudices financier et moral invoqués ; que les conclusions d'appel incident de l'Ecole des Mines de Nantes, en tant qu'elles sont dirigées contre l'article 1er du jugement, constituent ainsi un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal ; que dès lors, ces conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables ;
7. Considérant que l'appel incident est en revanche recevable en tant qu'il conclut au rejet de l'ensemble des demandes indemnitaires de M. C...et sollicite ainsi la réformation de l'article 2 du jugement précité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien fondé des vices de procédure également retenus par le tribunal, lesquels constituent des motifs surabondants, il résulte de l'instruction que, nonobstant le comportement de M.C..., à l'égard de sa hiérarchie et de certains parents d'élèves ou enseignants invités, au regard des autres aspects de sa manière de servir dans ses fonctions de responsable de la " maison des élèves " la sanction du licenciement revêtait un caractère non proportionné à la gravité de ses fautes ; qu'il suit de là que l'Ecole des Mines de Nantes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à l'intéressé une indemnité de 6 000 euros ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions indemnitaires présentées par M.C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions présentées par le requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Ecole des Mines de Nantes de lui verser une somme de 83 412 euros sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties à l'instance les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'Ecole des Mines de Nantes et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., au ministre de la décentralisation et de la fonction publique et à l'Ecole des Mines de Nantes.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er décembre 2015.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT02762