Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2013 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1401139 du 12 novembre 2014 le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, M.A..., représenté par Me Chellal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 27 décembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir, d'une part, de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 15 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours courant de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt, et d'autre part que ce titre de séjour prenne effet rétroactif au mois de mars 2014, ou subsidiairement, que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une indemnité mensuelle de 1 044, 97 euros à compter du mois de mars 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chellal d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas suffisamment motivé sa décision au regard des dispositions de l'article 3 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a commis plusieurs erreurs de fait ;
- sa décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale car fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- le préfet n'a pas suffisamment motivé sa décision au regard des dispositions de l'article 3 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté contesté ne comporte pas d'obligation de quitter le territoire français, c'est dès lors à tort que le tribunal administratif d'Orléans a refusé d'annuler une telle mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2015, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- sa décision ne pouvait être davantage motivée compte tenu du secret médical ;
- il a décidé de suivre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel la transplantation rénale était possible en Algérie ;
- la décision de recourir à une greffe ABO incompatible est un choix thérapeutique des médecins français et non la seule possibilité de soigner M.A... ;
- aucun des autres moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
1. Considérant que M.A..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire le 12 décembre 2010 au moyen d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour " touristique ", aux fins d'être pris en charge pour le traitement d'une insuffisance rénale terminale ; qu'il a obtenu le 7 mars 2011, un certificat de résidence en qualité d'" étranger malade ", renouvelé en mars 2012 pour un an ; que la seconde demande de renouvellement de ce titre a fait l'objet d'un rejet, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays à destination duquel il sera reconduit d'office, par arrêté du préfet d'Eure-et-Loire du 27 décembre 2013 ; que, par la présente requête, M. A...relève appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 décembre 2013 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ( ...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, concernant les ressortissants algériens, que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement de l'étranger que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
4. Considérant que, par avis du 7 novembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé, saisi par le préfet d'Eure-et-loir, a indiqué que si l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourra bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, son pays d'origine, en précisant " état maintenant stabilisé compatible avec un retour en Algérie où existent de nombreux centres spécialisés susceptibles d'assurer la prise en charge thérapeutique. Toutefois la prise en charge devra être organisée avant le départ " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'hypertension artérielle dont souffre M. A...a été diagnostiquée en 2002 par un cardiologue mais n'a pas été traitée ; qu'un néphrologue a constaté en 2009 qu'il était en état d'insuffisance rénale terminale, qu'il est depuis lors hémodialysé chronique et qu'il a été inscrit sur la liste d'attente d'une transplantation rénale par rein cadavérique depuis le 5 avril 2011 ; que le préfet ne conteste pas la nécessité pour M. A...de bénéficier d'une greffe de rein mais estime que cette opération chirurgicale peut être réalisée en Algérie ; que toutefois, d'une part, un médecin du service d'hémodyalise de l'assistance publique hôpitaux de Paris (APHP) a attesté de la pénurie des dons d'organes en France et déclare, le 22 octobre 2013, avoir reçu M. A...et son épouse, laquelle se présente comme donneur potentiel d'un rein, et indique que les époux n'ont pas le même groupe sanguin, et d'autre part le médecin en charge du suivi de l'intéressé précise que la transplantation projetée, dite ABO incompatible, ne se pratique pas en Algérie ; que, de manière générale, il ressort des documents produits au dossier sur le traitement des insuffisances rénales terminales en Algérie que les greffes rénales à partir de donneurs en état de mort cérébrale y sont très peu pratiquées, en raison notamment de freins culturels, et que la réalisation d'une transplantation rénale par donneur vivant ABO incompatible, qualifiée d'opération complexe et peu fréquemment réalisée en France, n'aurait pu avoir lieu en Algérie ; que dans ces conditions, en refusant de renouveler le certificat de résidence de l'intéressé, le préfet a méconnu les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
5. Considérant que, par voie de conséquence, la décision d'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, qui procèdent de cette décision illégale, sont entachées d'illégalité et doivent elles-mêmes être annulées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a subi une transplantation rénale le 24 juin 2014, que cette opération, réalisée à partir d'un donneur vivant ABO incompatible, présente un fort risque de rejet du greffon et que le traitement par médicaments anti-rejet doit être poursuivi tant que le greffon rénal est fonctionnel ; que M. A...produit à l'instance trois attestations concordantes émanant d'officines de pharmacies et d'un laboratoire pharmaceutique en Algérie, selon lesquelles les médicaments qui lui sont prescrits depuis son opération ne sont pas disponibles en Algérie où ils sont hors nomenclature ; que dans ces conditions, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, que l'autorité administrative délivre le titre de séjour sollicité par le requérant ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de délivrer à M. A...un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
9. Considérant que le principe de non-rétroactivité des actes administratifs fait obstacle aux conclusions de la requête de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer un titre de séjour portant effet à compter du mois de mars 2014 ; que les conclusions subsidiaires, tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une indemnité mensuelle de 1 044, 97 euros pour la période courant de mars 2014 à la date de délivrance d'un certificat de résidence, constituent des conclusions nouvelles en appel et sont dès lors irrecevables ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chellal, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chellal d'une somme de mille cinq cent euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401139 du tribunal administratif d'Orléans du 12 novembre 2014 et l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 27 décembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. A...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chellal une somme de 1 500 euros par application des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chellal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- M. D..., faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2015.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT01306 2
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