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21/10/2015 | FRANCE | N°15NT01230

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre b, 21 octobre 2015, 15NT01230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, d'une part, de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre la décision du 28 février 2012 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de naturalisation et, d'autre part, de cette décision du préfet de police.

Par un jugement n° 1208893 du 11 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te enregistrée le 20 avril 2015, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, d'une part, de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre la décision du 28 février 2012 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de naturalisation et, d'autre part, de cette décision du préfet de police.

Par un jugement n° 1208893 du 11 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2015, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de police rejetant sa demande de naturalisation ;

3°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique ;

4°) de lui reconnaître la nationalité française.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le ministre était fondé à soutenir que son recours juridictionnel était irrecevable alors qu'elle justifie avoir exercé le 29 mars 2012 le recours hiérarchique obligatoire auprès du ministre en charge des naturalisations, qui en a accusé réception ;

- les faits qui lui sont reprochés et la condamnation prononcée datent de l'année 1993 et sont très anciens ; les documents retrouvés en sa possession lui avaient été confiés par des personnes ayant accepté de l'héberger de manière temporaire et elle en ignorait l'origine et le caractère frauduleux ; elle n'a commis aucune autre infraction depuis ces faits ;

- en rejetant sa demande de naturalisation en retenant ces faits et la condamnation pénale intervenue le 13 mai 1993, le ministre a méconnu les dispositions de l'article 133-13 du code pénal en vertu duquel elle bénéficiait de plein droit d'une réhabilitation ;

- elle jouit d'une parfaite intégration dans la société française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante justifie de l'envoi à ses services de son recours hiérarchique préalable obligatoire ;

- les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code pénal ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bachelier, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 11 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre la décision du 28 février 2012 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de naturalisation et, d'autre part, de cette décision du préfet de police ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 44 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Si le préfet (...) auprès duquel la demande a été déposée estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande / Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier / Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par Mme B...que celle-ci a formé, le 29 mars 2012, un recours administratif préalable contre la décision du 28 février 2012 du préfet de police rejetant sa demande de naturalisation, reçu par le ministre chargé des naturalisations le 4 avril 2012 ; que, dès lors, Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a estimé, ainsi que le soutenait le ministre en défense, qu'elle n'avait pas satisfait à l'obligation de former le recours préalable prescrit par les dispositions susmentionnées de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 et a, pour ce motif, déclaré sa demande irrecevable ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 28 février 2012 :

5. Considérant que les dispositions précitées de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 instituant un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, la décision implicite de rejet du ministre en charge des naturalisations s'est substituée à celle du préfet de police du 28 février 2012 ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation de cette décision préfectorale doivent être rejetées comme étant irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du ministre chargé des naturalisations :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les renseignements défavorables recueillis au sujet du comportement du candidat ;

7. Considérant qu'il ressort des écritures du ministre présentées devant la cour en défense que, pour rejeter implicitement la demande de naturalisation de MmeB..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur le motif tiré de ce que la requérante, interpellée en 1993 lors d'un contrôle routier, avait été en possession illicite de deux cartes d'identité et d'un permis de conduire ne lui appartenant pas et dont l'origine s'était révélée être frauduleuse et qu'elle avait, pour ces faits, été condamnée à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis par jugement du 13 mai 1993 ;

8. Considérant que si ces faits, dont la matérialité n'est pas utilement contestée, présentent certes un caractère de gravité, le ministre a, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de naturalisation de Mme B...pour le motif tiré de ces faits, compte tenu de leur ancienneté et de l'absence non contestée de toute nouvelle infraction commise par la requérante, présente sur le territoire français depuis plus de 20 ans à la date de cette décision ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de ce que le ministre aurait méconnu les dispositions de l'article 133-13 du code pénal relatif à la réhabilitation de plein droit des personnes physiques ayant fait l'objet de certaines condamnations, Mme B...est fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se substituer à l'administration pour accorder la nationalité française ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce que la cour lui attribue la nationalité française ne peuvent qu'être rejetées ; que le présent arrêt implique en revanche nécessairement que le ministre de l'intérieur statue de nouveau sur la demande de naturalisation présentée par MmeB... ; ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de statuer sur la demande de naturalisation de l'intéressée, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 mars 2015 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B...présentées devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2015.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

C. BUFFET

Le président-rapporteur,

G. BACHELIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 15NT01230
Date de la décision : 21/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. le Pdt. Gilles BACHELIER
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : GOBA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-21;15nt01230 ?
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