Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi.
Par un jugement n° 1403158 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2015, M. A...D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 29 avril 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", à défaut de procéder à un réexamen de sa situation, et dans ce cas de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en attente de la décision, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'erreur de droit : le préfet s'est considéré lié par le sens de l'avis médical recueilli ; il a fait une mauvaise application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'établit pas l'existence d'une possibilité de traitement approprié de sa pathologie en Tunisie, notamment en termes de prise en charge rééducative ; il peut faire état de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- la décision a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire a été prononcée en violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2015, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... D...ne sont pas fondés.
M. A... D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Madelaine.
1. Considérant que M. A...D..., de nationalité tunisienne, entré en France, selon ses déclarations, le 4 décembre 2012, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade le 27 janvier 2014 ; que le préfet du Loiret a, par arrêté du 29 avril 2014, refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comme pays de destination de sa reconduite ; que M. A...D...relève appel du jugement du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...)le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret, s'il a repris à son compte les termes de l'avis émis le 3 avril 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé du Centre, après s'être livré à un examen de la situation personnelle du requérant, se soit estimé lié par cet avis ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Loiret aurait commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée ne saurait être accueilli ;
4. Considérant, d'autre part, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par un avis rendu le 3 avril 2014, le médecin de l'agence régionale de santé du Centre a estimé que l'état de santé de M. A...D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existait des capacités de traitement appropriées en Tunisie ; que l'intéressé soutient que, contrairement à cet avis, la prise en charge de son état de santé ne pourrait pas être assurée dans son pays d'origine ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...D...est atteint d'une dystrophie musculaire progressive, maladie génétique qui a été diagnostiquée en 1995, soit, ainsi qu'il résulte des examens approfondis réalisés en février 2014, une " LGMD2C " dans une forme classique maghrébine ; que, si les nombreux certificats médicaux produits par l'intéressé font état de la gravité de sa maladie et de ses conséquences sur sa vie quotidienne, ainsi que des risques cardiaques et respiratoires qui en découlent, aucun de ces certificats n'indique que le traitement médical nécessaire à l'état de santé de M. A...D...serait indisponible en Tunisie, alors surtout qu'il y a été soigné jusqu'en 2012, à l'institut La Rabta, reconnu comme un centre de référence réputé, et que sa soeur atteinte de la même pathologie y est également soignée ; qu'en outre, les services consulaires français à Tunis et le médecin de l'agence régionale de santé, sollicité de nouveau par le préfet du Loiret, ont indiqué que les médicaments administrés à M. A...D...étaient disponibles en Tunisie ;
8. Considérant que, si M. A...D...fait valoir qu'atteint d'une maladie grave et incurable il a perdu toute motricité et a besoin d'une aide au quotidien qui lui est apportée par son frère résidant en France et que ses parents ne sont plus en mesure de lui apporter, cet état de fait ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'il n'est pas davantage établi que la prise en charge rééducative destinée à limiter les troubles dont il est atteint serait indisponible en Tunisie ;
9. Considérant que la seule circonstance que la pathologie dont il souffre soit évolutive et incurable n'est pas constitutive d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ou du quatrième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, les éléments produits au dossier ne permettent pas d'établir qu'existerait une circonstance humanitaire exceptionnelle qui aurait dû conduire le préfet à délivrer un titre de séjour à M. A...D...malgré l'existence d'un traitement approprié dans ce pays ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...D...est entré récemment en France, le 4 décembre 2012 à l'âge de 27 ans ; qu'il est célibataire et sans enfant ; que ses parents et au moins l'une de ses soeurs résident en Tunisie ; que, dans ces conditions, bien qu'il soit atteint d'une pathologie lourde et qu'il réside chez son frère en France, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Loiret aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
12. Considérant, en troisième lieu, que si M. A...D...soutient que le préfet du Loiret aurait méconnu les stipulations de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, il ne précise pas laquelle de ces stipulations aurait été méconnue ; que le moyen doit donc être écarté ;
13. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 10 du présent arrêt que M. A...D...ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé dès lors qu'une prise en charge appropriée de cet état est disponible en Tunisie ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que M. A...D...ne pourrait pas voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'eu égard aux motifs énoncés au point 11 M. A...D...n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
14. Considérant, en dernier lieu, que, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. A...D...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant la Tunisie comme pays de renvoi, en conséquence de cette illégalité ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... D...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Madelaine, faisant fonctions de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.
Le rapporteur,
B. MADELAINE Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00935