Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fédération de la Libre Pensée de Vendée a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général de la Vendée a rejeté sa demande tendant à ce que ne soit pas installée une crèche de la nativité dans les locaux ouverts au public de l'hôtel du département.
Par un jugement n° 1211647 du 14 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2014, le département de la Vendée, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de la Fédération de la Libre Pensée de Vendée comme non fondée ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération de la Libre Pensée de Vendée la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la crèche n'est installée, de façon provisoire, que pour la période des fêtes de Noël, et a le caractère d'une exposition provisoire, à vocation culturelle et/ou artistique, sans connotation religieuse, dans le respect du calendrier républicain ;
- elle ne constitue pas par nature un emblème religieux, au sens de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ;
- Noël est fêté par tous les français ;
- la jurisprudence admet que les manifestations religieuses, qui ne troublent pas l'ordre public, correspondant à des traditions locales et populaires, n'enfreignent pas la loi de 1905, comme c'est le cas de la crèche installée dans le hall du conseil général de Vendée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2015, la Fédération de la Libre Pensée de Vendée, représentée par MeC..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la suppression des mots suivants figurant dans la requête : " tout en rappelant aux Ayatollahs de la " libre pensée " les limites de leur intransigeance " ;
- à ce que soit mise à la charge du département de la Vendée la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'installation de la crèche contrevient aux dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ;
- il s'agit de l'ostension d'un signe religieux, à caractère rituel, contraire à l'article 1er de la Constitution qui affirme le principe de neutralité ;
- le caractère d'emblème religieux doit être apprécié de façon objective ;
- aucun particularisme local n'autorise la mise en place d'une crèche ;
- son installation ne peut se prévaloir d'une " tradition " supérieure à vingt années.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Madelaine,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeC..., représentant la Fédération de la Libre Pensée de Vendée.
1. Considérant que, par une lettre du 3 septembre 2012, le président de la Fédération de la Libre Pensée de Vendée a demandé au président du conseil général de la Vendée de s'opposer, en sa qualité de gestionnaire du domaine départemental que lui confèrent les dispositions de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales, à l'installation de tout élément de culte que ce soit, notamment d'une crèche, dans les locaux du conseil général ; qu'une crèche ayant néanmoins été mise en place dans le hall de l'hôtel du département pendant la période de Noël, la Fédération de la Libre Pensée de Vendée a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande, que révélait cette installation ; que le département de la Vendée relève appel du jugement du 14 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances " ; que l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 susvisée dispose : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. " ; qu'aux termes de l'article 28 de cette loi : " Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'apposition de tout objet ou emblème à caractère religieux sur un emplacement public, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905, méconnaît la liberté de conscience, assurée à tous les citoyens par la République, et la neutralité du service public à l'égard des cultes quels qu'ils soient ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la crèche sur laquelle porte la décision contestée, installée dans le hall de l'hôtel du département, est constituée de sujets représentant Marie et Joseph accompagnés de bergers et des rois mages entourant la couche de l'enfant Jésus ; que toutefois, compte tenu de sa faible taille, de sa situation non ostentatoire et de l'absence de tout autre élément religieux, elle s'inscrit dans le cadre d'une tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël et ne revêt pas la nature d'un " signe ou emblème religieux " ; que, par suite, elle n'entre pas dans le champ de l'interdiction posée par l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, alors même qu'elle ne se rattache pas à un particularisme local, et ne méconnaît ni les dispositions de cet article ni les principes de liberté de conscience et de neutralité du service public ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance, et en l'absence d'autre moyen dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, que le département de la Vendée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle le président de son conseil général a rejeté la demande de la Fédération de la Libre Pensée de Vendée tendant à ce qu'il s'oppose à l'installation d'une crèche dans le hall de l'hôtel du département ;
Sur les conclusions tendant à la suppression de passages injurieux ou diffamatoires dans les écritures du département de la Vendée :
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la Fédération de la Libre Pensée de Vendée, les termes du mémoire présenté pour le département de la Vendée, qualifiant ses représentants d'" ayatollahs de la libre pensée ", pour regrettables qu'ils soient, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;s
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la Fédération de la Libre Pensée de Vendée doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par le département de la Vendée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la Fédération de la Libre Pensée de Vendée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Vendée et à la Fédération de la Libre Pensée de Vendée.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.
Le rapporteur,
B. MADELAINE Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03400