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13/10/2015 | FRANCE | N°13NT01994

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 octobre 2015, 13NT01994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays de Falaise a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner solidairement la société Guiban et la société Hydroswim International à lui verser les sommes de 244 338,97 euros TTC au titre des travaux de remplacement des filtres du centre aquatique de Falaise, avec indexation sur l'indice TP 01 jusqu'au complet règlement, de 4 859,86 euros TTC en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des interventions nécessitées par les désordres précités e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays de Falaise a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner solidairement la société Guiban et la société Hydroswim International à lui verser les sommes de 244 338,97 euros TTC au titre des travaux de remplacement des filtres du centre aquatique de Falaise, avec indexation sur l'indice TP 01 jusqu'au complet règlement, de 4 859,86 euros TTC en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des interventions nécessitées par les désordres précités et la somme de 151 978,112 euros en réparation du préjudice correspondant à la perte de recettes engendrée par la fermeture du centre aquatique ou de certains de ses bassins en raison de la défectuosité des filtres.

Par un jugement n° 1201513 du 7 mai 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions dirigées contre la société Hydroswim International et condamné la société Guiban à verser à la communauté de communes du pays de Falaise une somme de 173 816,49 euros TTC en réparation des désordres affectant les filtres à sable en acier équipant la piscine, et a mis à la charge de cette société les frais et honoraires de l'expertise confiée à M.C..., liquidés et taxés à la somme de 8 016,56 euros TTC.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juillet 2013, 19 juin et 10 septembre 2015, la communauté de communes du pays de Falaise, représentée par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 7 mai 2013 en tant qu'il a minoré la réparation du préjudice constitué par les travaux de reprise par l'application d'un coefficient de vétusté de 30%, partiellement rejeté sa demande concernant les travaux provisoires de reprise et rejeté sa demande de réparation de son préjudice de perte de recettes d'exploitation ;

2°) de porter à la somme de 244 338,97 euros la somme due par la SAS Entreprise Guiban au titre du coût de remplacement des filtres ;

3°) de condamner cette société à lui verser une somme de 6 589,30 euros au titre des travaux provisoires sur les filtres ;

4 ) de condamner cette société à lui verser une somme de 48 845 euros HT en réparation des pertes de recettes d'exploitation subies pendant la fermeture de la piscine en novembre et décembre 2012 ;

5°) de mettre à la charge de la SAS Entreprise Guiban une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- compte tenu du faible délai entre l'achèvement de l'ouvrage et l'apparition des désordres, c'est à tort que le tribunal administratif a procédé à un abattement pour vétusté ; tout au plus aurait-il dû retenir 10% de vétusté ;

- les travaux provisoires intervenus avant la notification du marché à la SAS Entreprise Guiban le 18 avril 2012 doivent être intégralement réparés ;

- la fermeture des bassins entre le 12 novembre et le 31 décembre 2012 a entraîné une perte de recettes de 48 845 euros HT constatée par la société Recrea, délégataire exploitant la piscine, et qu'elle a dû indemniser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2015, la SA Guiban, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, que sa condamnation soit limitée à la somme de 143 007,75 euros HT ; elle demande, en tout état de cause, que soit mis à la charge de la communauté de communes du pays de Falaise le versement d'une somme de 2 500 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que dès lors que la communauté de communes du pays de Falaise ne justifie pas ne pas pouvoir déduire ou se faire rembourser la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne peut prétendre à une réparation incluant cette taxe.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

1. Considérant que, dans le cadre de la construction d'un centre aquatique sur le territoire de la commune de Falaise, la communauté de communes du pays de Falaise a, par un acte d'engagement signé le 18 décembre 2002, confié l'exécution du lot n° 14 " traitement d'eau " à la société Guiban ; qu'après la réception des travaux le 16 juin 2004 et la levée des réserves le 21 juin 2004, la piscine, dont l'exploitation a fait l'objet d'une délégation de service public à la société Recrea, a ouvert en juillet 2004 ; que des désordres sont apparus à partir d'avril 2008 sur les filtres à sable en acier ; que, par ordonnance du 17 avril 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, à la demande de la communauté de communes du pays de Falaise, désigné un expert qui a déposé son rapport le 12 janvier 2011 et évalué le coût des travaux de reprise des désordres à la somme de 323 028,13 euros TTC ; que la communauté de communes du pays de Falaise a saisi ce tribunal d'une demande tendant à obtenir la condamnation conjointe et solidaire de la société Guiban et de la société Hydroswim International, fournisseur des filtres, à lui verser ladite somme à titre de provision ; que, par une ordonnance du 20 juin 2011, le juge des référés a condamné la société Guiban à verser à la communauté de communes du pays de Falaise une provision de 226 119,69 euros TTC ; que, cette somme a été ramenée à la somme de 184 251,28 euros TTC par une ordonnance du 22 novembre 2011 du président de la cour administrative d'appel de Nantes ; que, par la présente requête, la communauté de communes du pays de Falaise relève appel du jugement du 7 mai 2013 en tant que le tribunal administratif de Caen, premièrement, a minoré la réparation du préjudice constitué par le coût de remplacement des filtres par la société Guiban en retenant un coefficient de vétusté de 30%, deuxièmement, a partiellement rejeté sa demande concernant les travaux provisoires de reprise et, troisièmement, a rejeté sa demande de réparation de son préjudice de perte de recettes d'exploitation ; que, par la voie de l'appel incident, la société Guiban demande à la cour de limiter sa condamnation à la somme de 143 007,75 euros HT ;

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que sur le fondement de ces principes, les premiers juges ont retenu la responsabilité de la SA Guiban dans la survenance de désordres qui ont affecté les filtres à sable en acier de la piscine de Falaise, atteints par un phénomène d'oxydation et de corrosion ayant conduit à leur percement prématuré, lequel a notamment entraîné la multiplication de fuites d'eau dans le local technique ; qu'il est constant que les désordres ainsi constatés entrent dans le champ d'application de la responsabilité décennale des constructeurs ; que les parties ne contestent le jugement qu'en tant qu'il concerne l'étendue de la réparation incombant à la société Guiban ;

Sur les conclusions d'appel principal :

3. Considérant, en premier lieu, que le fournisseur des filtres en acier équipant le centre aquatique Hervé Baron atteste de leur bonne tenue pour une durée de dix ans ; qu'il résulte de l'instruction que les réserves mises à la réception du lot n°14 du marché de construction de la piscine concernant le " traitement d'eau " ont été levées le 21 juin 2004 et que les désordres mentionnés au point 2 sont apparus à partir d'avril 2008, soit trois ans et huit mois après la réception de l'ouvrage ; que dans ces conditions, la communauté de communes du pays de Falaise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont appliqué au montant des travaux de changement des filtres, s'élevant à 244 338,97 euros, un abattement pour vétusté de 30 % fixant l'indemnisation de ce chef de préjudice à 171 037,28 euros TTC ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la communauté de communes du pays de Falaise soutient avoir fait procéder entre le mois d'avril 2010 et le mois de septembre 2012 à des travaux destinés à remédier provisoirement aux désordres affectant les filtres pour un montant total de 6 958,30 euros ; que le rapport d'expertise a été déposé le 12 janvier 2011 et que la communauté de communes était dès cette date informée de la nécessité de changer les filtres corrodés et en mesure d'y procéder ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le remplacement des filtres défectueux ne pouvait en fait intervenir avant l'automne 2011 compte tenu des délais de la passation du marché nécessaire, de la préparation du chantier et de l'exécution des travaux ; qu'outre les interventions réalisées en avril, mai et juillet 2010, doivent ainsi être prises en compte, comme directement imputables aux désordres, les interventions effectuées en février, mars et juillet 2011 ; que l'indemnisation de ce chef de préjudice, évaluée par le tribunal à 2 779,21 euros TTC, doit ainsi être portée à 4 278,40 euros ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la communauté de communes du pays de Falaise demande que la société Guiban soit condamnée à l'indemniser d'une perte de recettes d'exploitation résultant de la fermeture de la piscine durant les travaux de remplacement des filtres, qu'elle chiffre à 151 978,112 euros ; que si cette évaluation non assortie de justifications ne saurait être retenue, alors surtout que la collectivité maître d'ouvrage n'est pas elle-même exploitante, il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites devant la cour, que la communauté de communes du pays de Falaise, en application des stipulations de l'article 45 du contrat de délégation de service public excluant la prise en charge des conséquences d'une mesure de fermeture par le délégataire en cas de circonstances indépendantes de la volonté de celui-ci, a dû prendre en charge, pour la fermeture survenue en novembre et décembre 2012 en raison des travaux de remplacement susmentionnés, une perte nette enregistrée par la société Recrea à hauteur de 48 845 euros, prenant en compte les pertes de recettes proprement dites d'où ont été déduites les charges non exposées ; que ce chef de préjudice, dès lors qu'il est directement imputable aux désordres susmentionnés, doit être réparé dans le cadre de la garantie décennale des constructeurs ;

Sur les conclusions d'appel incident :

6. Considérant que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations ; que les collectivités territoriales bénéficient ainsi d'une présomption de non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, il appartenait à la société Guiban, qui n'y pourvoit pas, d'apporter des éléments de nature à écarter cette présomption en ce qui concerne la communauté de communes du pays de Falaise ; que l'indemnisation des travaux de remplacement des filtres de la piscine doit, dès lors, comprendre la TVA ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, qu'il y a lieu de porter à 224 160,68 euros le montant de l'indemnité due par la société Guiban à la communauté de communes du pays de Falaise et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen ; que, d'autre part, les conclusions d'appel incident de la société Guiban tendant à ce que l'indemnité mise à sa charge par le tribunal administratif soit ramenée à la somme de 143 007,75 euros ou, subsidiairement, à ce que le jugement soit confirmé, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées au titre de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la société Guiban a été condamnée à verser à la communauté de communes du pays de Falaise par le jugement du tribunal administratif de Caen est portée à 224 160,68 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 7 mai 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : le surplus de la requête de la communauté de communes du pays de Falaise et les conclusions d'appel incident de la société Guiban sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du pays de Falaise et à la société Guiban.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.E..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01994
Date de la décision : 13/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-13;13nt01994 ?
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