Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du directeur départemental des finances publiques de Loir-et-Cher du 12 juin 2013 rejetant sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 250 146 euros solidairement mise à sa charge par un jugement du tribunal correctionnel de Blois du 7 février 2012.
Par un jugement n° 1302333 du 21 octobre 2014, le tribunal administratif d'Orléans l'a déchargé du paiement de la somme de 120 995 euros, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 11 décembre 2014 et 6 mai 2015, le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 octobre 2014 ;
2°) de mettre à la charge de M. E...le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ayant été enregistrée plus de deux mois après la notification de la mise en demeure, la demande de première instance était tardive ;
- le jugement du tribunal correctionnel de Blois du 7 février 2012, qui permet de déterminer les sommes dues, constitue un titre exécutoire ; il était devenu définitif à la date à laquelle les poursuites ont été engagées ; ayant été destinataire des pièces établies lors du contrôle fiscal de la société dont il est le gérant, M. E... ne pouvait ignorer le montant des suppléments d'imposition mis à la charge de cette dernière ;
- la mise en demeure précise la nature des impositions et les périodes d'imposition concernées ;
- le tribunal administratif a excédé sa compétence en prononçant la décharge des sommes mises à la charge de M. E... par un jugement du tribunal correctionnel ; le juge pénal n'ayant pas la faculté de limiter la solidarité à une partie des suppléments d'imposition dues, le tribunal correctionnel n'avait pas à préciser les éléments de la créance fiscale, lesquels sont déterminés par les avis de mise en recouvrement adressés à la société ;
- le recours présenté par M. E... devant le tribunal administratif constitue une manoeuvre dilatoire ayant eu pour finalité de retarder l'engagement de l'action en recouvrement ;
- il justifie d'une délégation de signature lui donnant qualité pour relever appel du jugement ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en se fondant sur le jugement du tribunal correctionnel pour écarter l'application des pénalités ;
- l'avis à tiers détenteur n'a pas à mentionner la nature et le montant de la créance dont le recouvrement est poursuivi ; l'avis à tiers détenteur et la mise en demeure, qui constituent des pièces de la procédure d'exécution, n'ont pas à motiver les créances ;
- ayant eu accès au dossier pénal et à l'ensemble des pièces du contrôle fiscal en sa qualité de gérant de la société BCMR, M. E... était informé des sommes mises à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2015, M. E...représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son recours, qui ne porte pas seulement sur la mise en demeure du 15 novembre 2012 mais également sur l'avis à tiers détenteur du 19 mars 2013, n'était pas tardif ;
- la direction régionale des finances publiques des Pays-de-Loire et la direction départementale des finances publiques du Loir-et-Cher ne justifient pas d'un mandat leur permettant d'agir au nom du comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Loir-et-Cher ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une lettre du 9 septembre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office.
Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2015, le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire a présenté des observations en réponse au moyen soulevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M.E....
1. Considérant que par un jugement du 7 février 2012, le tribunal correctionnel de Blois a déclaré M. E... solidairement tenu, en sa qualité de gérant, des suppléments d'imposition dus par la société à responsabilité limitée (SARL) BCMR au titre des années 2005 et 2006 d'un montant total de 250 146 euros ; que le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 octobre 2014 en tant qu'il a déchargé M. E..., à concurrence de 120 995 euros, de l'obligation de payer les sommes mentionnées dans la mise en demeure du 15 novembre 2012 et l'avis à tiers détenteur du 19 mars 2013, et qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement à M. E...de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la recevabilité du recours :
2. Considérant que le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire a produit un arrêté du directeur général des finances publiques du 16 juillet 2013 portant délégation de signature en matière de contentieux donnant délégation de signature à M. D... C..., administrateur général des finances publiques, pour les litiges relatifs au recouvrement, aux fins, notamment, de présenter les recours formés par l'administration devant la cour administrative d'appel de Nantes ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité de M. C...pour relever appel du jugement, doit être écartée comme manquant en fait ;
Sur l'obligation de payer les pénalités mises à la charge de la SARL BCMR :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, alors en vigueur : " Seuls constituent des titres exécutoires : / 1° Les décisions de justice de l'ordre judiciaire (...) lorsqu'elles ont force exécutoire (...) " ;
4. Considérant que le jugement du 7 février 2012 par lequel le tribunal correctionnel de Blois a déclaré M. E... solidairement tenu, en application de l'article 1754 du code général des impôts, avec la SARL BCMR, du paiement, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre des années 2005 et 2006 constitue le titre exécutoire sur lequel sont fondés la mise en demeure valant commandement de payer du 15 novembre 2012 et l'avis à tiers détenteur du 19 mars 2013 notifiés à M. E...par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Loir-et-Cher ; que ce jugement, qui lui a été signifié par exploit d'huissier le 12 novembre 2012 à la demande de ce comptable, est devenu définitif, l'appel formé à son encontre ayant été rejeté en raison de sa tardiveté par un arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 12 décembre 2012 ; que dans un mémoire de première instance du 13 août 2013, M. E...s'est prévalu de l'absence, dans le jugement du tribunal correctionnel, d'éléments permettant de déterminer le montant des pénalités au paiement desquelles il était solidairement tenu ; qu'il conteste ainsi un jugement ayant force exécutoire et qui constitue de par sa nature même un titre exécutoire suffisant pour fonder les poursuites engagées à son encontre ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à la demande de M. E...tendant à la décharge de l'obligation de payer les pénalités en se fondant sur ce moyen ;
6. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. E... tant en première instance qu'en appel ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge administratif n'est pas compétent pour se prononcer sur la régularité en la forme d'un acte de poursuite ; que les moyens tirés du défaut de motivation de la mise en demeure valant commandement de payer et de l'avis à tiers détenteur doivent, dès lors, être écartés comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé M. E...de l'obligation solidaire de payer les pénalités mises à la charge de la SARL BCMR ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. E... de la somme qu'il demande au titre de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E...le versement de la somme que l'Etat demande au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à la décharge de l'obligation solidaire de payer les pénalités mises à la charge de la SARL BCMR est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. A... E....
Copie en sera adressée pour information à la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03355 2
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