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29/09/2015 | FRANCE | N°15NT00555

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 septembre 2015, 15NT00555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de son renvoi.

Par un jugement n° 1402970 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2015, M. C...A..., représenté par Me

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de son renvoi.

Par un jugement n° 1402970 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2015, M. C...A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 janvier 2015 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 6 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, le versement d'une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne pouvait lui opposer son entrée irrégulière sur le territoire français ; il ne peut retourner en Guinée pour obtenir un visa sans mettre en danger sa vie ;

- la décision est entachée d'erreur de droit, et le préfet n'a pas visé le texte applicable ; en outre il a séjourné régulièrement en France du 8 mars 2011 au 27 novembre 2012, ce qui régularisait sa situation ;

- c'était au préfet de saisir les autorités consulaires compétentes pour délivrer le visa ;

- l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée : le tribunal a omis de statuer sur ce moyen ; en outre elle viole les stipulations des articles 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2015, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête d'appel en tout point comparable à celle présentée en 1ère instance n'est pas recevable ;

- l'intéressé n'est pas entré régulièrement sur le territoire français et n'y séjournait pas régulièrement ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Madelaine.

1. Considérant que M.A..., ressortissant guinéen, né le 1er mars 1984, est entré irrégulièrement sur le territoire français, le 7 juin 2008 ; que sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par les autorités compétentes en matière d'asile ; qu'après avoir séjourné régulièrement, du 8 mars 2011 au 27 novembre 2012, sous couvert d'autorisations provisoires de séjour délivrées en raison de son état de santé, il a fait l'objet d'un premier arrêté préfectoral, le 25 mars 2013, portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, puis d'une seconde décision portant refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", le 20 février 2014 ; qu'ayant contracté mariage avec une ressortissante française, le 19 avril 2014, après avoir conclu un pacte civil de solidarité le 15 mai 2013, il a sollicité, le 26 mai 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il relève appel du jugement du 15 janvier 2015 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé la Guinée comme pays de renvoi en cas d'exécution forcée ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que la requête présentée pour M. A...ne constitue pas la seule reproduction littérale de la demande de première instance mais comporte l'exposé suffisant de conclusions et de moyens d'appel ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée en défense par le préfet d'Indre-et-Loire, tirée de la méconnaissance des dispositions de cet article, doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation, invoqué au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2014 fixant le pays de renvoi ; que ce moyen n'était pas inopérant ; que le jugement est, pour ce motif et dans cette mesure, entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. A...tendant à l'annulation de cette décision ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes de l'article L. 311-5 du même code : " La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié " ; qu'enfin aux termes du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes de la décision contestée que le préfet d'Indre-et-Loire a constaté que M. A...était entré irrégulièrement sur le territoire, ce qui impliquait qu'il n'était pas détenteur d'un visa et notamment pas d'un visa pour une durée supérieure à trois mois, tel qu'exigé par les dispositions précitées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'octroi de la carte de séjour temporaire sollicitée en qualité de conjoint de français ;

7. Considérant, d'autre part, que si M. A...a séjourné régulièrement sur le territoire français pour la période du 8 mars 2011 au 27 novembre 2012, c'est sous couvert d'autorisations provisoires de séjour délivrées en raison de son état de santé ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette circonstance n'a pas eu pour effet de régulariser les conditions de son entrée en France ;

8. Considérant, enfin, qu'en l'absence d'entrée régulière, le préfet d'Indre et-Loire a pu, à bon droit, estimer qu'il n'était pas compétent pour délivrer à M. A...un visa de long séjour en application des dispositions précitées du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A...ne peut davantage soutenir que le préfet aurait dû saisir les autorités consulaires compétentes en vue de la délivrance d'un tel visa ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français serait illégale ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a épousé le 19 avril 2014 une ressortissante française ; que, toutefois, à la date de la décision contestée, ce mariage était récent et aucun enfant n'était né de cette union ; que, par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que M. A... obtienne la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français auprès des autorités consulaires françaises de son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales ; que, par suite, l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant, en premier lieu, que la décision vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle fait état, d'une part, de ce qu'elle ne contrevient pas à ces dispositions dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le 5 octobre 2009 la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 octobre 2008 rejetant la demande de l'intéressé au motif que l'ensemble de ses déclarations écrites et orales ne permet pas de tenir pour établie la réalité des faits invoqués ni de conclure au bien-fondé de ses craintes actuelles et personnelles de persécution en cas de retour dans son pays, d'autre part, de ce qu'il possède un passeport guinéen valable jusqu'au 13 octobre 2014 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision fixant le pays de destination est assortie d'une motivation suffisante ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que la décision fixant le pays à destination duquel l'obligation de quitter le territoire français notifiée à M. A...serait exécutée en cas de refus d'obtempérer ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, quand bien même elle impliquerait une séparation temporaire du couple et une résidence dans deux pays différents, dès lors qu'elle ne s'oppose pas à son retour en France dès qu'il aura effectué les démarches nécessaires à l'obtention d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une française ;

13. Considérant, en troisième lieu, que M. A...soutient qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour en Guinée du fait de ses activités au sein de la Croix rouge guinéenne et de sa formation de juriste ; que, toutefois, sa demande de statut de réfugié a été rejetée par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile et il n'établit pas, par les pièces produites, la réalité des risques allégués ; que, par ailleurs, s'il fait état des risques que lui ferait courir l'épidémie de fièvre hémorragique " Ebola ", qui sévit dans son pays d'origine, et du risque de contagion accru qu'il encourt en raison de la fragilité de son état de santé, ses affirmations d'ordre général ne sauraient suffire à établir le risque de contagion invoqué, alors que le virus Ebola n'est présent que dans certaines zones du pays ; qu'enfin, ainsi qu'il a été dit au point 1, le requérant, qui au demeurant n'établit ni même n'allègue l'existence d'une aggravation de son état de santé, s'est vu refuser par décision du 25 mars 2013 la délivrance d'un titre de séjour pour ce motif ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonctions de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00555
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ROUILLE-MIRZA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-29;15nt00555 ?
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