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09/07/2015 | FRANCE | N°14NT00930

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 juillet 2015, 14NT00930


Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2014, présentée pour M. A... B... demeurant..., par Me Ifrah, avocat ; M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308774 du 11 février 2014 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 7 mai 2013 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour

l'autorisant à travailler ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation et...

Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2014, présentée pour M. A... B... demeurant..., par Me Ifrah, avocat ; M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308774 du 11 février 2014 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 7 mai 2013 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le signataire de l'arrêté n'avait pas compétence en l'absence de délégation régulière ;

- l'arrêté contesté n'est pas motivé en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français et insuffisamment en ce qui concerne le refus d'admission au séjour ;

- le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour alors qu'il devait se voir délivrer de plein droit la carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer cette carte de séjour temporaire ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne faisait pas état de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour ;

- il craint de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2015, présenté par le préfet de la Sarthe, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable ; d'une part, elle n'a pas été signée et, d'autre part, l'intéressé n'établit pas avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle dans le délai d'appel ;

- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance en date du 19 mars 2015 fixant la clôture de l'instruction au 20 avril 2015 ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 1er juillet 2014 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Ifrah pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2015 le rapport de M. Bataille, président-rapporteur ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant arménien, relève appel du jugement du 11 février 2014 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 7 mai 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

Sur les fins de non-recevoir opposées en appel par le préfet de la Sarthe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. (...). / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article 40 du même décret : " Lorsqu'une demande d'aide est adressée à un bureau par voie postale, sa date est celle de l'expédition de la lettre. La date de l'expédition est celle qui figure sur le cachet du bureau du poste d'émission " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à M. B... le 13 février 2014 ; que celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle qui a été adressée à la cour par courrier posté le 10 mars 2014, soit avant l'expiration du délai d'appel de sorte qu'elle a eu pour effet d'interrompre ce délai ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe tirée de l'absence de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle doit être écartée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 414-1 et R. 414-2 du code de justice administrative, lorsqu'une partie représentée par un avocat adresse à la cour une requête par l'intermédiaire de l'application informatique dénommée Télérecours, son identification selon les modalités prévues pour le fonctionnement de cette application vaut signature pour l'application des dispositions du code de justice administrative ; que la requête d'appel, qui a été présentée au moyen de l'application Télérecours, n'avait pas à comporter la signature manuscrite du mandataire de M. B... ; que la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe tirée de l'absence de la signature manuscrite de ce mandataire doit, dès lors, être écartée ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que l'arrêté du 7 mai 2013 du préfet de la Sarthe a été notifié à M. B...le 2 juillet 2013 ; que l'intéressé ayant sollicité le 29 juillet 2013 le bénéfice de l'aide juridictionnelle, cette demande a interrompu le délai de recours de trente jours ; que le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 août 2013 ; qu'en l'absence de preuve de notification de cette décision, le délai de recours contentieux n'a pas recommencé à courir à compter de la date de cette décision ; qu'il s'ensuit que la demande de M. B..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 12 novembre 2013, n'était pas tardive ; que, dès lors, le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que cette demande était irrecevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

8. Considérant que M. B..., né le 17 juillet 1988, est entré irrégulièrement en France le 25 octobre 2005 alors qu'il était encore mineur ; qu'il a été scolarisé depuis cette date et a obtenu un baccalauréat scientifique en juin 2009 ; qu'il s'est alors inscrit à l'université du Maine située au Mans en première année de licence mention " économie et gestion " qu'il a validée en 2012 ; qu'à la date de l'arrêté contesté, le requérant poursuivait ses études supérieures en deuxième et troisième année de licence dans le même établissement avec sérieux et un fort investissement personnel ainsi qu'en attestent notamment les appréciations de son responsable de stage ; qu'en outre, ses parents résidaient sur le territoire français sous couvert d'une carte de séjour temporaire à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, compte tenu de la durée de la présence de M. B... en France, de sa réussite scolaire et universitaire et de sa bonne intégration depuis l'âge de 17 ans, le préfet de la Sarthe, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a commis une erreur manifeste en refusant de voir en sa situation des motifs exceptionnels de régularisation ; qu'il s'ensuit que cette décision est entachée d'illégalité et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2013 du préfet de la Sarthe ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

11. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, d'enjoindre au préfet de la Sarthe de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ifrah, avocat de M. B..., de la somme de 1 200 euros qu'il demande au titre de ces dispositions, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1308774 du 11 février 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé en ce qu'il a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe en date du 7 mai 2013.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Sarthe en date du 7 mai 2013 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Ifrah, avocat de M. B..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2015.

Le président-rapporteur,

F. BATAILLE L'assesseur le plus ancien,

S. AUBERT

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT009302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00930
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Frédérik BATAILLE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH

Origine de la décision
Date de l'import : 25/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-09;14nt00930 ?
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