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30/06/2015 | FRANCE | N°13NT01920

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 30 juin 2015, 13NT01920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, par une requête enregistrée le 6 avril 2012, de condamner le département du Cher à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime.

Par un jugement n° 1201228 du 30 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2013 sous le n°13NT01920, Mme C...A..., représentée

par Me Bouillaguet, avocat au barreau de Bourges, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, par une requête enregistrée le 6 avril 2012, de condamner le département du Cher à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime.

Par un jugement n° 1201228 du 30 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2013 sous le n°13NT01920, Mme C...A..., représentée par Me Bouillaguet, avocat au barreau de Bourges, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 avril 2013 ;

2°) de condamner le département du Cher à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département du Cher le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime de faits de harcèlement moral, sa carrière ayant été ralentie ;

- sa note chiffrée a été abaissée en 2009 ;

- elle a fait une tentative de suicide en février 2009 ;

- sa supérieure hiérarchique n'avait pas à connaître le motif de son hospitalisation et lui a pourtant rendu visite au cours de son hospitalisation ;

- l'enquête diligentée par le département afin de savoir si elle avait été victime de harcèlement moral a mis en évidence des dégradations du climat de travail et des dysfonctionnements au sein de l'administration ;

- elle a subi des vexations de la part de sa supérieure hiérarchique et des membres de la direction générale qui lui ont refusé un avancement de grade et ont baissé sa notation ;

- elle a subi un préjudice dès lors qu'elle a dû cesser son activité professionnelle à compter du 26 février 2009 et souffre d'un syndrome anxio-dépressif qui la handicape dans les actes de la vie courante et dans ses relations à autrui ; elle est sous traitement médical et suivie par un psychiatre ;

- après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme, le conseil général a reconnu que la pathologie dont elle souffre est d'origine professionnelle ;

- sa pathologie est la conséquence directe et certaine des faits de harcèlement moral dont elle a fait l'objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2013, le département du Cher conclut au rejet de la requête et au versement, par MmeA..., d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la note obtenue par Mme A...au titre de l'année 2009 est en lien avec sa manière de servir ; les appréciations formulées sont mesurées ;

- les attestations produites par Mme A...ne démontrent pas qu'elle a fait l'objet de faits de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique ;

- le fait que Mme A...a été placée en congé de longue durée depuis le 26 février 2009 et que la pathologie dont elle souffre a été reconnue comme une maladie professionnelle ne vaut pas preuve de l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre ;

- le département a diligenté une enquête administrative qui n'a mis en évidence aucune faute de service ou dysfonctionnement qui seraient de nature à engager sa responsabilité ;

- subsidiairement, le lien de causalité entre le préjudice moral allégué et les fautes reprochées n'est pas établi.

Par ordonnance du 2 mars 2015 la clôture d'instruction a été fixée à ce même jour en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

- les observations de Me D...représentant le département du Cher,

1. Considérant que MmeA..., agent titulaire de la fonction publique territoriale, a exercé au sein des services du conseil général du Cher en qualité d'assistante de service social puis en qualité d'assistante de conservation du patrimoine et des bibliothèques avant d'être affectée, à compter du 3 mai 2004, à la direction des ressources humaines, d'abord au sein du service emploi, formation et communication puis au service social santé et vie au travail (SSVT) au sein duquel elle avait pour mission la gestion des visites médicales ; qu'elle s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé de catégorie A pour la période du 1er janvier 2005 au 1er janvier 2010 ; qu'elle a été placée en congé de longue durée à compter du 26 février 2009 ; que, par courrier du 16 juin 2011, elle a adressé au président du conseil général du Cher une réclamation préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle prétend avoir subis à raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime ; que Mme A...relève appel du jugement du 30 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Cher à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (... ) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant que Mme A...soutient qu'elle a été victime, depuis son affectation au service social santé et vie au travail, d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de la direction des services du département du Cher et plus particulièrement de la part de sa chef de service ; qu'à l'appui de ses allégations, elle fait valoir qu'elle a subi un retard de carrière suite au refus qui lui a été opposé de la promouvoir au grade d'assistant de conservation hors classe en 2008, que sa notation chiffrée pour l'année 2009 a été abaissée, qu'elle a fait l'objet de propos déplacés de la part sa chef de service à propos de son handicap de surdité, que l'entretien du 15 octobre 2008 relatif à son avancement de grade l'a beaucoup éprouvée, qu'elle a tenté de mettre fin à ses jours dans la nuit du 25 au 26 février 2009, que sa chef de service n'avait pas à connaître les motifs de son hospitalisation, que l'enquête interne diligentée à la suite du courrier qu'elle a adressé le 20 octobre 2009 au président du conseil général a mis en évidence une " dégradation du climat de travail " ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la promotion de Mme A... au grade d'assistant de conservation du patrimoine et des bibliothèques hors classe, qu'elle a d'ailleurs obtenu avec effet au 1er janvier 2009 à l'ancienneté minimale, après une phase d'apprentissage dans de nouvelles fonctions, aurait été retardée dans le but de lui nuire ; qu'en outre, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la note chiffrée de 16,75 obtenue pour l'année 2009, en diminution de 0,50 point par rapport à celle attribuée au titre de l'année 2008, assortie d'une appréciation mettant en évidence à la fois ses qualités professionnelles et ses limites en ce qu'elle indique qu'un " poste en lien direct avec le public ou avec les agents lui conviendrait mieux qu'un poste à composante administrative et comptable ", ne reflèterait pas la manière de servir de l'intéressée et aurait été dictée par la volonté de la déconsidérer ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'entretien du 15 octobre 2008, qui avait pour objectif d'informer Mme A...des raisons pour lesquelles elle n'avait pas été proposée à une promotion de grade au titre de l'année 2008, seraient susceptibles de caractériser des agissements de harcèlement moral ;

8. Considérant, en troisième lieu, que les deux attestations versées au dossier, rédigées sur ce point en termes généraux n'émanant pas de témoins directs, ne suffisent pas à établir que la supérieure hiérarchique de Mme A...aurait tenu à l'égard de cette dernière des propos vexatoires liés à son handicap ou à son physique ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que si l'hospitalisation de Mme A...en février 2009, à la suite d'une tentative de suicide, confirme l'altération de l'état de santé de l'intéressée, dont l'imputabilité au service a d'ailleurs été reconnue, il ne résulte pas de l'instruction que cette hospitalisation serait consécutive à des faits, agissements ou propos humiliants tenus par sa supérieure hiérarchique qui a pris l'initiative, certes maladroite eu égard à ses relations difficiles avec MmeA..., de lui rendre visite lors de son hospitalisation ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'enquête administrative diligentée à la demande du président du conseil général du Cher a mis en évidence l'existence de difficultés liées en particulier à l'importance de la charge de travail des agents au sein d'un service nouvellement créé, ainsi que de possibles maladresses et manques de discernement de la part du chef de service à l'égard des agents placés sous son autorité ; que toutefois, les erreurs managériales relevées par le rapport d'enquête, qui présentent un caractère ponctuel et ne concernent pas spécifiquement MmeA..., ne sauraient être regardées comme constitutives de faits de harcèlement moral à l'encontre de cette dernière ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les faits de harcèlement moral que dénonce Mme A...n'étant pas établis, les conclusions de cette dernière tendant à la condamnation du département du Cher à lui verser une somme globale de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi ne peuvent qu'être rejetées ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Cher, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme que demande le département du Cher au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Cher présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au département du Cher.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2015.

Le rapporteur,

N.TIGER-WINTERHALTERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01920
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP GERIGNY CHEVASSON USSAGLIO MERCIER FLEURIER BOUILLAGUET PERRET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-30;13nt01920 ?
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