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25/06/2015 | FRANCE | N°14NT00034

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 juin 2015, 14NT00034


Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2014, présentée pour la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie La Découverte, dont le siège est situé 47 rue Bougainville à Saint-Malo (35400), par MeA... ;

La SELARL Pharmacie La Découverte demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1104758 du 7 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux exercices clos

en 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes, à celle des cotisations supplé...

Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2014, présentée pour la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie La Découverte, dont le siège est situé 47 rue Bougainville à Saint-Malo (35400), par MeA... ;

La SELARL Pharmacie La Découverte demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1104758 du 7 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes, à celle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, à la désignation d'un expert informatique ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas indiqué le motif justifiant le refus de désignation d'un expert informatique ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire sur les retraitements informatiques effectués par l'administration avant l'envoi de la proposition de rectification datée du 17 décembre 2009 et lors du recours hiérarchique ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaire est radicalement viciée dès lors que :

* le rapport d'expertise de son expert informatique démontre que l'administration a effectué des erreurs en ce qui concerne des lignes de code de tests qui entrainent des conséquences démesurées sur le montant des rehaussements ;

* l'administration n'a pas respecté les prescriptions de la documentation administrative 4 G 3342 en date du 25 juin 1998, dont elle entend se prévaloir, en ne recourant pas à plusieurs méthodes de reconstitution, en ne tenant pas compte des marges habituellement constatées dans les pharmacies et des renseignements donnés par son gérant ;

* le code informatique utilisé par l'administration pour calculer les anomalies de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie est erroné, de sorte que les factures annulées ayant donné lieu à remboursement ont été prise en compte ;

- en ce qui concerne les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

* l'administration ne justifie pas l'application de ces pénalités en méconnaissance des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales et n'a pas tenu compte des dégrèvements obtenus en cours d'instance ;

* l'administration n'a pas respecté les prescriptions de l'instruction 13 N-1-7 en date du 19 février 2007 ;

* leur montant est disproportionné par rapport au montant des droits éludés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses soient rétablies;

il soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- le rapport de l'expert désigné par la société n'a pas démontré l'existence d'erreur dans la méthode de reconstitution de sorte qu'il n'est pas nécessaire de désigner un expert indépendant ;

- en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

* la proposition de rectification datée du 17 décembre 2009 est suffisamment motivée ;

* les lignes de code ont été fournies à la société requérante ;

* au cours de la vérification de comptabilité, l'inspecteur a rencontré à plusieurs reprises la gérante de la SELARL et lui a remis deux courriers relatifs aux interrogations soulevées par le traitement informatique de sa comptabilité;

- en ce qui concerne la méthode de reconstitution :

* la comptabilité informatisée de la société comporte de graves irrégularités ;

* la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition repose sur la société requérante dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable à la position de l'administration ;

* la société requérante ne démontre ni le caractère exagéré des impositions, ni que la méthode de reconstitution der son chiffre d'affaires est radicalement viciée,

* elle n'est pas fondée à se prévaloir de la documentation de base qu'elle invoque qui est relative à la procédure d'imposition ;

- en ce qui concerne les pénalités :

* il est fondé à demander le rétablissement de l'application de la pénalité au taux de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

* le contrôle a mis en évidence 1'altération systématique des fichiers de stocks et de facturation dès lors que le service a constaté l'absence de 18 750 factures sur les trois exercices vérifiés, soit vingt factures par jour, 10% du total et 32% des factures qui concernent les ventes hors système du tiers-payant, que la correction manuelle des données de stocks, qui devrait être une opération exceptionnelle, a concerné 15 447 lignes au cours de la même période et qu'une écriture de régularisation passée en fin d'exercice donnait l'apparence de la sincérité à une comptabilité irrégulière, en dissimulant l'écart entre la comptabilité des encaissements et la comptabilité des produits ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2014, présenté pour la SELARL Pharmacie La Découverte qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête et au rejet de l'appel incident ;

elle ajoute que :

- son gérant n'a ni falsifié ni détruit des pièces justificatives de comptabilité ;

- une seule écriture de régularisation est intervenue au titre de l'exercice clos en 2008 pour un montant de 31 432 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2015, présenté pour la SELARL Pharmacie La Découverte qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que ses écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2015 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie la Découverte exploite une officine pharmaceutique à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er mai 2004 au 30 juin 2008 et diligentée selon les procédures propres aux comptabilités informatisées, l'administration fiscale a écarté la comptabilité de la société comme irrégulière et non probante et a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; que les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée découlant de cette vérification ont été notifiées selon la procédure de redressement contradictoire ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires saisie du litige, a, d'une part, retenu le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité, constaté que la société n'apportait pas d'éléments concrets de nature à remettre en cause les constatations effectuées par le service tant en ce qui concerne les minorations de recettes que les annulations des factures en comptabilité pour lesquelles un remboursement par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) était intervenu, et d'autre part, a proposé d'abandonner les redressements consécutifs à la remise en cause, par le service, de la comptabilisation de factures de rétrocession adressées à la pharmacie Bral ; que l'administration a suivi cet avis ; que l'interlocuteur départemental, saisi du différend, a également confirmé les rappels envisagés ; que le 28 juillet 2011, le service a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les a assortis ces suppléments d'imposition d'une pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ; que la SELARL Pharmacie la Découverte relève appel du jugement en date du 7 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes, à celle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, à la désignation d'un expert informatique ; que le ministre, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement en ce qu'il a substitué la majoration pour manquement délibéré à la majoration pour manoeuvres frauduleuses en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SELARL Pharmacie la Découverte a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la SELARL Pharmacie La Découverte soutient que le tribunal administratif de Rennes n'a pas motivé le refus d'ordonner l'expertise qu'elle sollicitait ; qu'il résulte cependant des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont examiné les divers éléments apportés par la société requérante au soutien de sa thèse et qu'ils ont estimé posséder tous les éléments leur permettant de statuer en connaissance de cause sur le litige sans ordonner d'expertise ; que les motifs de ce refus découlent de l'analyse à laquelle ils se sont livrés ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la SELARL Pharmacie La Découverte, le jugement du 7 novembre 2013 est suffisamment motivé ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa version alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. " ;

4. Considérant que la SELARL Pharmacie La Découverte reproche à l'administration de ne pas avoir détaillé dans la proposition de rectification en date du 17 décembre 2009 la nature des traitements informatiques effectués ; qu'il résulte cependant de l'instruction que le vérificateur a, s'agissant du chef de redressement relatif aux médicaments délivrés sans factures, expliqué le rapprochement informatique auquel il avait procédé en vue de comparer par médicament et par jour les quantités délivrées et les quantités facturées, corrigées des sorties annulées se traduisant par une remise des produits en stock ; qu'il a expliqué que les médicaments présentant un solde de quantités délivrées en l'absence de facturation restaient au nombre de 5 151 au titre de l'exercice clos en 2006, de 7 583 lignes au titre de l'exercice clos en 2007 et de 7 089 lignes au titre de l'exercice clos en 2008 et a renvoyé à un fichier détaillant les produits non facturés à une annexe dénommée " omissions CA TTC.xls " sur support informatique joint à la proposition de rectification ; que, par ailleurs, s'agissant du chef de redressement relatif aux factures annulées, le vérificateur a précisé qu'ayant constaté que certaines factures faisant l'objet d'un remboursement par la CPAM étaient ensuite annulées par un avoir dans la pharmacie qui n'était pas adressé à la caisse, il a regardé comme des recettes imposables les montants des factures annulées postérieurement au remboursement, dont le détail par facture et par médicament a été annexé à la proposition de rectification sous forme informatique dans une annexe désignée comme " Cpam doublons.xls " ; que, dans ces conditions, alors même que le vérificateur n'a pas indiqué dans cet acte de procédure les codes informatiques utilisés lors de la vérification de comptabilité, il résulte de l'instruction que la SELARL Pharmacie La Découverte a été informée de la nature des traitements effectués dans le cadre de la vérification de sa comptabilité informatisée dans la proposition de rectification en date du 17 décembre 2009 conformément aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de la société qui s'est déroulée du 15 octobre 2008 au 30 novembre 2009, le vérificateur ainsi que les experts informatiques ont rencontré la gérante de la société requérante à plusieurs reprises pour exposer les traitements réalisés et confronter contradictoirement les résultats de ces traitements ; que l'inspecteur en charge des traitements informatiques est intervenu dès l'engagement du contrôle ; qu'il en résulte que la SELARL Pharmacie La Découverte n'établit que le vérificateur, qui n'était pas tenu d'engager un débat écrit avec la société requérante, se serait abstenu aux cours des opérations de contrôle d'engager un débat oral et contradictoire sur les traitements informatiques menés ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 4 1'intégralité des fichiers ayant servi à la détermination des rehaussements a été produite dans le cadre de la proposition de rectification ; que l'administration a pris en compte et analysé le rapport de l'expert informatique mandaté par la gérante de la SELARL dans la réponse aux observations du contribuable adressée le 12 mai 2010 ; que si la méconnaissance de l'exigence d'une rencontre avec le supérieur hiérarchique prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par cette charte, celle-ci n'impose pas, même lorsque le contribuable en fait expressément la demande, que le supérieur hiérarchique soit accompagné, lors de l'entretien avec le contribuable, du vérificateur et des assistants informatiques du service ; que si cette réunion a été organisée le 12 juillet 2010 en présence du seul supérieur hiérarchique du vérificateur, il résulte des termes du courrier du 3 septembre 2010 qu'il a tenu compte de l'ensemble de l'argumentation développée par les représentants de la société requérante sur les traitements informatiques réalisés et leurs incidences ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de débat contradictoire devant le supérieur hiérarchique doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant que l'administration a écarté la comptabilité présentée comme non probante au motif des graves irrégularités l'affectant tenant notamment la non-présentation des inventaires de stocks au titre des exercices clos en 2006 et 2007, l'absence de numérotation chronologique des factures, aux corrections manuelles extrêmement nombreuses sur les stocks, à l'absence de plusieurs milliers de justificatifs de recettes pour une grande partie du chiffre d'affaires ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à regarder la comptabilité présentée comme irrégulière et, par suite, comme dépourvue de valeur probante ; que la SELARL Pharmacie La Découverte ne critique pas le rejet de sa comptabilité ; que les droits de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il en résulte qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la SELARL Pharmacie La Découverte supporte la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ; qu'elle peut, dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration ;

7. Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires et les bénéfices de la SELARL Pharmacie La Découverte, le service a relevé la délivrance de médicaments sans factures, l'annulation de factures en comptabilité ayant fait l'objet de remboursement par les organismes de sécurité sociale et les mutuelles et a intégré les montants correspondant dans les recettes et les bénéfices de la société requérante ;

8. Considérant, en premier lieu, que la SELARL Pharmacie La Découverte fait valoir que, s'agissant des factures annulées en comptabilité, les lignes tests informatiques utilisées par l'administration ont abouti à tenir compte indistinctement de toutes les factures annulées, que celles-ci aient fait ou non l'objet d'un remboursement par la CPAM ; que toutefois il résulte des termes de la proposition de rectification du 17 décembre 2009, que pour ce chef de redressement, après avoir constaté que certaines factures faisant l'objet d'un remboursement par la CPAM étaient ensuite annulées par un avoir dans la pharmacie et avoir effectué un recoupement à partir du numéro de la facture correspondant au mandatement effectué par la caisse, le vérificateur n'a retenu pour le calcul des recettes que les annulations intervenant postérieurement au remboursement CPAM, les annulations de factures réalisées immédiatement après la réalisation des factures initiales étant regardées comme normales ; qu'ayant limité l'exercice de son droit de communication auprès de la seule CPAM d'Ille-et-Vilaine, l'administration a estimé que l'ensemble des factures " tiers payant " annulées par la société à une date postérieure à l'émission de la facture constituait une dissimulation de recettes, quel que soit l'organisme de sécurité sociale concerné, faute pour la société d'expliquer les motifs d'annulation ; qu'en se fondant sur le seul rapport établi par l'expert informatique qu'elle a mandaté qui se borne à critiquer les tests informatiques effectués, la société requérante ne propose aucune autre méthode alternative de reconstitution de nature à démontrer que le montant des recettes dissimulées retenu par l'administration est erroné et ne fournit, comme l'ont déjà souligné les premiers juges, aucune explication sur les annulations de factures qu'elle a pratiquées ; qu'il s'ensuit que la SELARL Pharmacie la Découverte n'établit pas l'exagération des bases d'imposition au titre des exercices en litige telles qu'elles ont été reconstituées par l'administration, laquelle n'est tenue par aucune disposition législative ou réglementaire d'utiliser plusieurs méthodes de reconstitution ;

9. Considérant, en second lieu, que, si la société fait valoir que les dissimulations de chiffre d'affaires qui lui sont reprochées ne se sont pas traduites par un enrichissement personnel de sa gérante, ce moyen est inopérant dès lors qu'il est constant que l'administration ne s'est pas fondée sur ce motif pour évaluer les bases d'imposition de la société;

Sur les pénalités :

10. Considérant que par l'article 2 du jugement attaqué les premiers juges ont substitué la majoration pour manquement délibéré à la majoration pour manoeuvres frauduleuses en ce qui concerne les seules cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SELARL Pharmacie la Découverte a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; que la société requérante demande à titre principal la décharge de ces pénalités et de celles au taux de 80 % pour manoeuvres frauduleuses dont sont assortis les droits de taxe sur la valeur ajoutée et à titre subsidiaire l'application du taux de 40 % pour manquement délibéré ; que le ministre demande, par la voie de l'appel incident, que les pénalités déchargées soient rétablies au taux de 80 % ;

11. Considérant que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts prévoient que les insuffisances, omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations souscrites ou dans les actes présentés sont sanctionnées par l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du même code, assorti d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré et de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ; que ces dispositions proportionnent les pénalités aux agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration variant selon la qualification qui peut être donnée au comportement de l'intéressé ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour justifier l'application de pénalités au taux de 80 % et pour caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses, l'administration a relevé dans la proposition de rectification du 17 décembre 2009 la délivrance de médicaments sur ordonnance sans facturation et l'existence d'annulation ou de modification de facturations après télétransmission ; que le service a constaté l'absence de 18 750 factures sur les trois exercices vérifiés ce qui correspond à une moyenne de l'ordre d'une vingtaine de factures par jour ; que la correction manuelle des données de stocks a concerné 15 447 lignes au cours de la même période ; que, dans ces conditions, l'administration, qui supporte la charge de la preuve, établit l'existence, de la part de la SELARL Pharmacie de la Découverte, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses ; qu'il y a lieu, par suite, de maintenir l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dus au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et de rétablir l'application de cette même majoration au rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé au titre de la période allant du mois d'octobre 2005 au mois de juin 2008, ainsi que le demande le ministre ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel principal, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes n'a fait que partiellement droit à sa demande ; que le ministre des finances et des comptes publics est fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a déchargé cette société de la majoration pour manoeuvres frauduleuses appliquée au rappel de taxe sur la valeur ajoutée dû au titre de la période allant du mois d'octobre 2005 au mois de juin 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SELARL Pharmacie la Découverte la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La majoration pour manoeuvres frauduleuses est rétablie en ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SELARL Pharmacie la Découverte au titre de la période allant du mois d'octobre 2005 au mois de juin 2008.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 7 novembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La requête de la SELARL Pharmacie la Découverte est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie la Découverte et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2015, où siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2015.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00034
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET CHARLES SCHEER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-25;14nt00034 ?
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