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11/06/2015 | FRANCE | N°14NT01201

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 juin 2015, 14NT01201


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Acanthe a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution de la somme de 1 210 821 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge acquittée à tort en 2008.

Par un jugement n° 1102943 du 27 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2014, la SA Acanthe, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement

du tribunal administratif de Rennes du 27 février 2014 ;

2°) de prononcer la restitution de la somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Acanthe a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution de la somme de 1 210 821 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge acquittée à tort en 2008.

Par un jugement n° 1102943 du 27 février 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2014, la SA Acanthe, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 février 2014 ;

2°) de prononcer la restitution de la somme de 1 210 821 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa réclamation, qui faisait état d'une incompatiblité du droit interne avec le droit communautaire, était recevable dès lors qu'elle relevait des dispositions du 3e alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; l'analyse de l'administration l'empêche d'opérer une réclamation et conduit à une rupture d'égalité dès lors qu'elle prive les contribuables en situation créditrice de taxe sur la valeur ajoutée de toute possibilité de contestation ;

- les opérations qu'elle a réalisées n'ont pas constitué des livraisons de terrains à bâtir sur le plan fiscal mais des livraisons de terrains autres que des terrains à bâtir pour lesquelles une option pour l'assujettissement à la TVA devait être ouverte en application de l'article 137 de la directive 2006/112/CE ; dès lors, c'est à tort que lui a été refusé le remboursement des sommes qu'elle a acquittées sur les ventes de terrains à bâtir réalisées en 2008 ;

- la documentation administrative référencée 8 A-1131 n° 42 du 15 novembre 2011 indique que, pour l'application de la TVA, ne sont pas considérés comme terrains à bâtir les terrains acquis par les personnes physiques en vue de la construction d'immeubles à usage d'habitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 532 388 euros et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- il a été décidé de faire droit, à hauteur de 532 388 euros, à la demande de restitution présentée par la SA Acanthe dès lors qu'il est établi qu'elle s'est acquittée de cette somme ;

- pour le surplus, soit 678 432 euros, la demande de la société requérante présentée devant le tribunal administratif était irrecevable dès lors que, faute de versement effectif, l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée n'a pas le caractère d'un versement d'impôt au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

- un contribuable en situation permanente de crédit de taxe sur la valeur ajoutée dispose d'un droit à un recours effectif dès lors qu'il a la possibilité de présenter une demande de remboursement selon la procédure prévue par les dispositions des articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ;

- la différence de traitement entre contribuables n'est pas discriminatoire mais est justifiée par la différence de situation entre ceux qui ont acquitté la taxe et ceux qui sont en situation de crédit de taxe ;

Par un mémoire en production de pièce, enregistré le 18 décembre 2014, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine produit l'avis de dégrèvement ;

Par un mémoire en réplique, enregistré le 29 avril 2015, la SA Acanthe conclut :

1°) à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance ;

2°) à ce que la cour prononce la restitution de la somme de 678 432 euros ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le dégrèvement accordé marque la reconnaissance du bien-fondé de sa demande ;

- cette reconnaissance a été admise par les services fiscaux dans le cadre des instances pendantes devant le tribunal administratif de Rennes ;

- elle pouvait présenter sa réclamation sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dès lors que ses demandes s'appuient sur la non-conformité de la réglementation française avec le droit communautaire et que cet article ne comporte aucune distinction entre les redevables se trouvant ou non en situation de crédit permanent de taxe ;

- une telle distinction serait contraire au principe d'égalité et entraînerait une complexité contraire au principe de sécurité juridique ;

Vu l'ordonnance en date du 9 avril 2015 fixant la clôture de l'instruction le 7 mai 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la SA Acanthe, qui exerce une activité de lotisseur, relève appel du jugement du 27 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la la restitution de la somme de 1 210 821 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge acquittée à tort en 2008 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par décision en date du 12 décembre 2014 postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine a prononcé le dégrèvement de la somme de 532 388 euros ; que les conclusions de la requête de la SA Acanthe sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 271 précité : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile " ; qu'aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...). / II. Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement au titre d'un trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré (...) " ; que s'il résulte des dispositions précitées des articles 242-0 A et 242-0 C que le redevable ne peut demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont il dispose que dans des délais déterminés, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que ce redevable puisse ultérieurement, si ce crédit demeure, non seulement procéder à son imputation sur une taxe due, mais encore, le cas échéant, en demander le remboursement au cours du mois de janvier de l'année suivante ou au cours du mois suivant un trimestre civil où chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible ;

5. Considérant que lorsqu'un contribuable en situation de crédit permanent de taxe sur la valeur ajoutée constate, à la suite de la surestimation de son chiffre d'affaires déclaré, un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible supplémentaire, il lui appartient de reporter sur les déclarations suivantes l'excédent de crédit de taxe déductible pour en permettre l'imputation ultérieure sur la taxe sur la valeur ajoutée à collecter, puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la SA Acanthe était en situation de crédit permanent de taxe sur la valeur ajoutée pour la somme restant en litige ; que dès lors, il lui appartenait, pour obtenir le remboursement du crédit supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la surestimation du chiffre d'affaires déclaré, qu'elle ne pouvait imputer sur une taxe due, de présenter une réclamation dans les formes prévues aux articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle a exercé une action, tendant à l'exercice de droits à déduction fondée sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, devant être instruite et jugée selon les règles du chapitre premier, relatif au contentieux de l'établissement de l'impôt et aux dégrèvements d'office, du livre des procédures fiscales en vertu du 3ème alinéa de l'article L. 190 de ce livre, ou présenté une réclamation, tendant à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, relevant de la juridiction contentieuse en vertu du 2ème alinéa du même article, quand bien même l'erreur qu'elle a commise trouve sa source dans l'application d'un dispositif non conforme au sens de cet article ; que la différence de traitement entre contribuables que la société invoque ne constitue pas une rupture d'égalité devant l'impôt mais est justifiée par la différence de situation dans laquelle ils se trouvent placés, selon qu'ils sont en situation de crédit ou de débit de taxe sur la valeur ajoutée ; que la requérante n'est enfin pas fondée à soutenir que la complexité de ces règles caractériserait une méconnaissance du principe de sécurité juridique ; que, par suite, en l'absence d'une réclamation présentée selon les formes précédemment exigées, les conclusions de la société requérante tendant à la restitution du surplus de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2008 ne pouvaient qu'être rejetées, comme l'on fait les premiers juges, comme irrecevables ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Acanthe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SA Acanthe demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence de la somme de 532 388 euros, sur les conclusions de la requête de la SA Acanthe.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Acanthe est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Acanthe et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2015.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT012012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01201
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET FIDAL (RENNES)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-11;14nt01201 ?
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