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02/06/2015 | FRANCE | N°14NT02760

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2015, 14NT02760


Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2014, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie territoriale centre et sud Manche (CCICSM), dont le siège est BP. 219 à Saint-Pair-sur-Mer (50402), par Me Agostini, avocat ;

La CCICSM demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°1401183 du 8 octobre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a refusé de faire droit à sa demande d'expertise, au contradictoire de la société Lyonnaise des Eaux France, en vue de décrire les désordres affectant la station d'épuration de la zone d'a

ctivité marine Logimer à Bréville-sur-Mer, particulièrement ceux ayant nécessi...

Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2014, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie territoriale centre et sud Manche (CCICSM), dont le siège est BP. 219 à Saint-Pair-sur-Mer (50402), par Me Agostini, avocat ;

La CCICSM demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°1401183 du 8 octobre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a refusé de faire droit à sa demande d'expertise, au contradictoire de la société Lyonnaise des Eaux France, en vue de décrire les désordres affectant la station d'épuration de la zone d'activité marine Logimer à Bréville-sur-Mer, particulièrement ceux ayant nécessité des travaux de maintenance depuis le 1er janvier 2013, de déterminer l'origine et les causes de ces désordres, en particulier s'ils résultent d'un défaut de maintenance de la part du délégataire entre 2006 et 2013, de décrire la nature et le coût des travaux de remise en état à venir ou réalisés depuis le 1er janvier 2013, de fournir au juge tous les éléments permettant à la juridiction de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues, et de donner toutes informations ou appréciations de nature à lui permettre d'évaluer les préjudices subis ;

2°) d'ordonner cette expertise, en ajoutant à la mission de l'expert, de décrire les mesures d'information prises par le délégataire à l'endroit du déléguant pendant la période en cause, de prescrire en cas d'urgence les mesures conservatoires éventuellement nécessaires et d'indiquer toutes mesures de protection propres à prévenir tout risque d'intoxication des agents lors de la réalisation des futurs travaux ;

3°) de condamner la société Lyonnaise des Eaux France à lui verser une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que le juge des référés a fondé sa décision sur l'effet extinctif de la transaction conclue le 5 octobre 2012 alors que l'effet extinctif de la transaction ne porte que sur les différents qui se trouvent compris dans la convention (CE n°299675) ;

- il appartient au juge administratif de vérifier l'existence et l'équilibre des concessions réciproques ayant abouti à la conclusion de la transaction (CE n°219918) et de sanctionner le défaut d'équilibre entre les concessions consenties (Sieur Mergui) ;

- le juge doit en particulier relever d'office que la transaction ne constitue pas de la part de la collectivité publique une libéralité (CE n°249153) ;

- les modalités d'indemnisation de la résiliation anticipée peuvent être déterminées par les stipulations du contrat sous réserve qu'il n'en résulte pas pour la personne publique une disproportion manifeste entre l'indemnité de résiliation anticipée et le préjudice subi par le concessionnaire en raison des dépenses exposées ou du gain dont il a été privé (CE n°334280) ;

- en l'espèce la requérante a concédé le versement d'une indemnité de résiliation anticipée du contrat d'affermage d'un montant de 200 000 euros et la réalisation de travaux pourtant à la charge du délégataire, tandis que la LDEF a déclaré faire son affaire des préposés et des travaux de remise aux normes du site ; ces derniers travaux résultant des prescriptions du contrat et de celles imparties par les services de l'Etat (inspection des installations classées pour la protection de l'environnement) alors que la requérante a pris à sa charge le changement de la bâche du bassin tampon et d'autres travaux d'entretien et de maintenance qui incombaient normalement à LDEF pour un montant estimé à 34 175 euros ;

- la requérante a au surplus dû faire face à de nombreux travaux de reprises et prendre en charge certains des travaux que LDEF s'était engagé à réaliser pour un montant de 7 584,55 euros ; ces travaux de reprise sont consécutifs au défaut d'entretien et au sous-investissement manifeste du concessionnaire et dont la nécessité et les conséquences financières n'ont été révélées que postérieurement à la résiliation ; ces travaux de reprise s'élèvent à la somme de 115 188, 16 euros auxquels s'ajoutent 46 000 euros de travaux restant à réaliser ;

- la mesure d'expertise sollicitée satisfait aux conditions posées par l'article R. 532-1 du code de justice administrative : la demande se rattache à un litige, découlant de l'exécution d'une convention d'affermage, ayant vocation à relever du juge administratif et elle satisfait à la condition d'utilité : seule une expertise permettra de déterminer la cause et l'imputabilité des désordres apparus postérieurement à la résiliation ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu la mise en demeure adressée le 8 décembre 2014 à la Société Lyonnaise des eaux France, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2015 présenté pour la société Lyonnaise des Eaux France (LDEF), ayant son siège Tour C 21, 16, place de l'Iris à Paris-la Défense (92040) par Me de Metz-Pazzis, avocat ;

La société LDEF conclut :

A titre principal au rejet de la requête ;

A titre subsidiaire, à ce que la mission de l'expert soit complétée à l'effet, d'une part, de décrire l'exploitation mise en oeuvre par la requérante depuis le 1er janvier 2013, et d'autre part, d'émettre un avis sur la qualification professionnelle des agents mis à la disposition de la LDEF pour l'exploitation de la station d'épuration et sur les équipements de protection mis à leur disposition ;

En tout état de cause, de mettre à la charge de la CCICSM une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les parties à la transaction ont déclaré renoncer à toute action en justice à des fins indemnitaires liées à l'exécution du contrat ; il importe peu dès lors que les désordres soient apparus postérieurement à la résiliation de la convention d'affermage ;

- l'indemnité de résiliation anticipée fixée à 200 000 euros traduit une concession très substantielle de LDEF qui pouvait prétendre à une somme de 300 000 euros par application de l'article 31-2 de la convention ; l'importance de cette concession démontre qu'elle n'est pas seulement la contrepartie de la résiliation anticipée en soi mais qu'elle est la contrepartie de la renonciation par l'autorité délégante à toute action en justice ;

- le juge des référés n'avait pas à limiter la portée de la transaction aux désordres apparus antérieurement à la résiliation de la convention d'affermage ;

- la CCICSM avait (ainsi que le révèlent les échanges entre les parties entre juillet et octobre 2012) pleinement connaissance des travaux qui seraient à sa charge et avait tout pouvoir de contrôle et d'injonction à l'égard de LDEF jusqu'au dernier jour du contrat ;

- il convient de rappeler que la délégataire n'avait que des obligations d'entretien et de réparation définies aux articles 18 et 54 de la convention d'affermage, le renouvellement des équipements incombait en tout état de cause à la CCICSM, propriétaire et titulaire de l'autorisation d'exploiter l'installation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public

- les observations de Me Agostini, avocat de la chambre de commerce et d'industrie territoriale Centre et Sud Manche (CCICSM) ,

- les observations de Me De Metz-Pazzis, avocat de la société Lyonnaise des Eaux France (LDEF) ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2015, présentée par la société LDEF ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2015, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie territoriale Centre et Sud Manche ;

1. Considérant que la chambre de commerce et d'industrie territoriale Centre et Sud Manche (CCICSM) a délégué l'exploitation de la station d'épuration de Bréville-sur-Mer à la société Lyonnaise des Eaux, par une convention passée le 21 mars 2006 pour une durée de douze ans ; que les parties ont signé un avenant le 5 octobre 2012, par lequel elles ont convenu de résilier la délégation avec effet au 1er janvier 2013 ; que la CCICSM relève appel de l'ordonnance du 8 octobre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée à l'effet de décrire les désordres affectant la station d'épuration de la zone d'activité marine Logimer à Bréville-sur-Mer, d'en déterminer l'origine et les causes, de définir et chiffrer les travaux de remise en état et de fournir tous éléments sur les éventuelles responsabilités encourues et l'évaluation des préjudices subis, motif pris de ce que la transaction conclue entre les parties le 5 octobre 2012 avait eu pour effet d'emporter renonciation à toute action judiciaire tendant au prononcé d'une indemnité, que celle-ci soit liée à la passation, à l'exécution ou à la résiliation du contrat ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction " ; que, si le juge des référés n'est pas saisi du principal, l'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il lui est demandé d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de la juridiction à laquelle ce juge appartient, et auquel cette mesure est susceptible de se rattacher ;

3. Considérant qu'une transaction ne règle que les différends qui s'y trouvent compris ; qu'aux termes du préambule de l'avenant n° 1 à la concession d'exploitation de la station d'épuration de la zone d'activité marine Logimer : " la filière de pêche granvillaise connaît des difficultés économiques entraînant des variations importantes sur la station d'épuration de Logimer (...) L'économie du contrat ayant été calculée sur le volume de référence de 52 198 m3 la clause de révision tarifaire a été appliquée en 2010 conformément à l'article 30 du contrat (...). Des discussions ont été engagées entre la CCICSM et LDEF afin de limiter l'impact tarifaire sur les usagers. / Néanmoins compte tenu de l'impossibilité de prolonger le contrat de concession en application des dispositions de l'article 40 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 (...) afin de diminuer le tarif, et d'autre part de la hausse inéluctable du tarif par application de la clause de révision automatique, les parties au contrat sont convenues de le résilier conventionnellement et de fixer par voie transactionnelle l'indemnité de résiliation due au concessionnaire " ; que l'article 3 de l'avenant stipule que : " Pour réparer le préjudice subi par le concessionnaire du fait de la résiliation du contrat, la CCICSM consent à verser à la société Lyonnaise des Eaux (...) la somme de 200.000 euros HT à titre d'indemnité transactionnelle de résiliation. / Il est entendu que l'indemnité susvisée est déterminée par voie transactionnelle au sens de l'article 2044 du code civil, en sorte qu'elle emporte renonciation de la CCICSM et de la société LDE à toute action judiciaire tendant au prononcé de toute indemnité que ce soit liée à la passation, à l'exécution ou à la résiliation du contrat. " ;

4. Considérant que s'il est constant que l'avenant précité à la concession d'exploitation de la station d'épuration de la zone d'activité marine Logimer a eu pour objet la résiliation anticipée de la concession d'exploitation consentie à LDEF, au motif de son déséquilibre économique structurel, il résulte clairement de ses stipulations que les parties à cet accord ont eu pour commune intention de transiger sur la détermination de l'indemnité de résiliation consentie au concessionnaire et de renoncer à toute action en indemnisation liée non seulement à la passation ou à la résiliation du contrat, mais également à son exécution ; que la demande d'expertise présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen à l'effet de recenser les dysfonctionnements perturbant l'exploitation de la station d'épuration, d'en déterminer l'origine et les causes, de définir et chiffrer les travaux de remise en état et de fournir tous éléments sur les éventuelles responsabilités encourues et l'évaluation des préjudices subis, se situait dans la seule perspective d'une action en indemnisation liée à l'exécution du contrat, à laquelle les parties s'étaient contractuellement engagées à renoncer ; que c'est dès lors à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Caen, auquel il n'appartenait pas de se prononcer sur la régularité et l'équilibre de la transaction, a rejeté la demande d'expertise comme dépourvue d'utilité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CCICSM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la CCICSM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la société LDEF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCICSM le versement à la société LDEF d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par elle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la CCICSM est rejetée.

Article 2 : La CCICSM versera à la société LDEF une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie territoriale centre et sud Manche (CCICSM) et à la société Lyonnaise des Eaux France (LDEF).

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- et M.A..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun entre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02760
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-02;14nt02760 ?
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