Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Lecocq, avocat ; elle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100066 en date du 26 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
elle soutient que :
- l'administration a déterminé ses bénéfices non commerciaux en faisant application des dispositions de l'article 93 A du code général des impôts, alors même qu'elle n'avait pas souscrit d'option en ce sens ;
- les paiements effectués par la SARL CAGF à la SARL CAGS et à la SCI CAGL n'étaient pas de nature à constituer, pour elle, des recettes imposables, dès lors qu'ils n'étaient pas appréhendés directement par elle ;
- la somme de 10 822 euros, figurant dans les livres de la SCI CAGL en 2006, et celle de 10 683 euros, figurant dans ces mêmes livres en 2007, n'ont pas le caractère de revenus fonciers ; en effet, " ces sommes ont été perçues par Mme B...au titre du règlement par les assurances à hauteur de 76 % des mensualités de prêts qui ont été reversées par la compagnie sur le compte de CAGL " ;
- ses frais de voiture relatifs à l'année 2007 pouvaient être déduits sur la base du barème kilométrique publié par l'administration ;
- il n'y avait pas lieu d'appliquer la majoration pour manquement délibéré ; en effet, ses capacités " intellectuelles et psychiques " étaient altérées, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme ayant eu l'intention d'éluder l'impôt ; par ailleurs, la majoration pour manquement délibéré s'applique au foyer fiscal, alors que son conjoint n'avait en toute hypothèse pas l'intention d'éluder l'impôt ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
le ministre soutient que :
- la comptabilité d'engagement présentée par Mme B...a été retraitée afin de pouvoir déterminer le bénéfice non commercial selon les encaissements et les dépenses ;
- la SARL CAGF, à laquelle la requérante facturait des honoraires, a versé le montant de ces honoraires à des créanciers de la requérante, à savoir la SARL CAGS et la SCI CAGL ; ces versements doivent être réintégrés dans les recettes de la requérante ;
- la requérante, qui avait comptabilisé des frais réels de voiture, n'entre pas dans les prévisions de la doctrine administrative qu'elle invoque ;
- les sommes portées au crédit du compte courant de Mme B...dans la SCI CAGL constituaient pour cette dernière des revenus fonciers ;
- eu égard à l'importance et au caractère intentionnel des omissions déclaratives, il y avait lieu d'appliquer la majoration pour manquement délibéré ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2015 :
- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme B...a fait l'objet, en 2009, au titre de son activité d'expertise comptable, d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 et 2007, assorties de pénalités ; que Mme B...relève appel du jugement du 26 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus fonciers :
2. Considérant que, si les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, par application des dispositions combinées des articles 108 et 109 du code général des impôts, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la même présomption ne joue pas lorsque le compte courant d'associé est ouvert dans une société civile immobilière relevant de l'article 8 du même code ; qu'en effet, dans ce cas, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, lorsqu'elles résultent de prélèvements sur les résultats sociaux, le caractère de revenus imposables dans la même catégorie que celle dont relèvent ces résultats ;
3. Considérant qu'il est constant qu'un contrat d'assurances décès-invalidité a été souscrit sur la tête de MmeB..., associée de la SCI CAGL, afin de couvrir, en cas de réalisation des risques qu'il visait, le remboursement d'emprunts immobiliers souscrits par cette SCI ; qu'en application de ce contrat, et du fait de l'invalidité de Mme B...consécutive à un accident survenu en 2002, les sommes respectives de 10 822 euros et de 10 683 euros ont été versées, en 2006 et 2007, à titre d'indemnités par la SAS Atlantic Prévoyance à la SCI CAGL ; que ces sommes, qui couvraient le remboursement du principal et des intérêts d'emprunt dus par la SCI CAGL, ont été portées au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de Mme B... dans les livres de la SCI CAGL, société relevant de l'article 8 du code général des impôts ;
4. Considérant que l'administration a, tout d'abord, entendu imposer ces sommes, que Mme B... n'avait pas regardées comme constitutives de revenus imposables, entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, devant le tribunal administratif de Rennes, l'administration a demandé qu'il soit procédé à une substitution de base légale, estimant que, par application des règles exposées au point 2, les sommes en cause devaient, dans leur intégralité, être imposées en tant que revenus fonciers ; que le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande ;
5. Considérant que, devant la cour, Mme B...fait valoir que les sommes en cause n'ont pas le caractère de revenus fonciers ;
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 31 du code général des impôts : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 29 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les indemnités versées par une compagnie d'assurances pour couvrir les charges déductibles du revenu foncier d'un contribuable ont, dans cette mesure, le caractère de recettes foncières de ce dernier ; qu'il en va ainsi notamment dans le cas d'une police d'assurance décès-invalidité contractée sur sa tête par l'associé d'une société de personnes pour couvrir les mensualités d'un emprunt contracté par celle-ci ou pour son compte ;
7. Considérant qu'en application de ces principes, et contrairement à ce que soutient MmeB..., les sommes mentionnées au point 3 constituaient des recettes foncières dans la mesure où elles couvraient le remboursement des intérêts d'emprunt dus par la SCI CAGL ; que ces sommes, qui, ainsi qu'en témoigne leur inscription en crédit du compte courant d'associé, avaient été prélevées sur les résultats sociaux de la SCI CAGL par MmeB..., devaient donc, dans cette mesure, être imposées entre les mains de Mme B...dans la catégorie des revenus fonciers ;
8. Considérant, en revanche, que, pour autant qu'elles couvraient le remboursement du capital emprunté par la SCI CAGL, ces mêmes sommes n'étaient pas constitutives de recettes foncières ; que, dès lors, et alors même qu'elles étaient inscrites au crédit du compte courant d'associé de Mme B...dans les livres de la SCI CAGL, elles ne pouvaient, dans cette mesure, être imposées en tant que revenus fonciers de MmeB... ;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :
9. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que l'administration a déterminé ses bénéfices non commerciaux en faisant application des règles posées à l'article 93 A du code général des impôts, alors même qu'elle n'avait pas souscrit l'option mentionnée par cet article ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'au titre des années en litige, Mme B... avait tenu une comptabilité d'engagement ; que cette comptabilité a été retraitée par le vérificateur de sorte à obtenir une comptabilité de caisse ; que, par suite, le moyen manque en fait ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration indique qu'elle a mis en évidence, d'une part, que certaines factures d'honoraires adressées par Mme B...à la société à responsabilité limitée (SARL) CAGF, société d'expertise comptable dont elle était gérante, étaient réglées directement par cette société à la SARL CAGS et à la société civile immobilière (SCI) CAGL, créancières de MmeB..., et, d'autre part, que, lorsque des sommes facturées par ces dernières sociétés à Mme B... étaient réglées par la SARL CAGF, ces règlements avaient pour contrepartie dans la comptabilité de la SARL CAGF le débit du compte fournisseur de MmeB... ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, ces constatations, dont l'exactitude n'est pas contestée, suffisent à établir que les sommes facturées par Mme B...à la SARL CAGF et versées, au titre des années en litige, par cette dernière à la SARL CAGS et à la SCI CAGL étaient de nature à constituer, pour MmeB..., des recettes entrant dans la détermination de ses bénéfices non commerciaux ;
11. Considérant, en troisième lieu, que, par la documentation de base 5G2354, à jour au 15 septembre 2000, l'administration a admis qu'en dépit des dispositions de l'article 93 du code général des impôts, les titulaires de bénéfices non commerciaux qui le souhaitaient pussent évaluer leurs frais de déplacement automobile sur la base du barème kilométrique publié chaque année par l'administration à l'intention des salariés ; que, toutefois, le paragraphe 13 de cette documentation de base prévoit : " Les deux modes de déduction, réel ou forfaitaire, sont exclusifs l'un de l'autre. Ils ne peuvent ni coexister si plusieurs véhicules sont utilisés, ni être appliqués successivement au cours d'une même année. / Il s'ensuit que le régime forfaitaire est exclusif de toute comptabilisation à un poste de charges des dépenses couvertes par le barème. / En conséquence, l'option pour l'application du barème forfaitaire qui est annuelle, doit être exercée, a priori, au 1er janvier de l'année et l'inscription des frais correspondants à un compte de charges vaut renonciation à l'option. " ;
12. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'après avoir inscrit en charges, au cours de l'année 2007, des frais de carburant d'un montant total de 2 255,06 euros, Mme B...a annulé, le 31 décembre 2007, l'inscription de ces charges et a comptabilisé des frais de voiture, par application du barème kilométrique publié à l'intention des salariés, pour un montant de 10 216 euros ; que MmeB..., qui se prévaut sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation de base 5G2354 mentionnée au point précédent, fait valoir que ses frais de voiture de l'année 2007 pouvaient être évalués suivant ce barème ;
13. Considérant, toutefois, que l'inscription en charges, au cours de l'année 2007, de frais de carburant a valu renonciation à l'option pour l'évaluation des frais de déplacement automobile selon le barème ; que, par suite, l'administration était fondée à n'admettre en déduction les charges de voiture de Mme B... que d'après leur montant réel et justifié ;
Sur les pénalités :
14. Considérant que, compte tenu, d'une part, de l'importance et de la récurrence des omissions déclaratives de Mme B...et, d'autre part, de la qualité d'expert-comptable de cette dernière, et quel qu'ait été l'état de santé de Mme B...durant la période en litige, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les revenus fonciers de Mme B...doivent être réduits à concurrence de la part des indemnités versées à la SCI CAGL destinée à couvrir le remboursement du capital emprunté par cette SCI ; qu'en revanche, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les revenus fonciers nets de Mme B...sont réduits à concurrence de la part des indemnités versées à la société civile immobilière (SCI) CAGL, mentionnées au point 3, qui était destinée à couvrir le remboursement du capital emprunté par cette SCI.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de Mme B...sont réduites à concurrence de la réduction de ses bases d'imposition définie à l'article précédent.
Article 3 : Le surplus de la requête présentée par Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 26 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 mars 2015.
Le rapporteur,
T. JOUNOLe président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°13NT028642