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17/02/2015 | FRANCE | N°13NT03082

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 février 2015, 13NT03082


Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2013, présentée pour la Société Anjou Bâtiment, dont le siège social est situé 11 rue du Rocher à Saint-Barthélemy d'Anjou (49124), représentée par son gérant en exercice, par Me C... ; la société Anjou Bâtiment demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 108022 du 20 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 mars 2010 du maire de la commune de Chemellier rejetant sa candidature au marché d'extension de l'école primaire porta

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Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2013, présentée pour la Société Anjou Bâtiment, dont le siège social est situé 11 rue du Rocher à Saint-Barthélemy d'Anjou (49124), représentée par son gérant en exercice, par Me C... ; la société Anjou Bâtiment demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 108022 du 20 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 mars 2010 du maire de la commune de Chemellier rejetant sa candidature au marché d'extension de l'école primaire portant sur le lot n° 1 " gros oeuvre " et, d'autre part, à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 10 600 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé le rejet de sa candidature ;

2°) d'annuler cette décision et le marché conclu entre la commune de Chemellier et la société Justeau ;

3°) de condamner la commune à lui verser une indemnité de 10 600 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Chemellier le versement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ses conclusions à fin d'annulation étaient irrecevables, seul l'avis d'attribution régulièrement publié faisant courir le délai de recours de deux mois à l'encontre du contrat ; l'avis d'attribution publié le 22 avril 2010 dans deux quotidiens régionaux ne constitue pas une mesure de publicité suffisamment appropriée en l'absence d'information sur les modalités de consultation du contrat ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, son offre étant conforme aux documents de consultation ;

- c'est à tort que la commission d'appel d'offres s'est fondée sur son manque de diligence dans d'autres chantiers ne concernant pas la commune sans examiner son offre et son dossier technique ; le pouvoir adjudicateur ne s'est pas fondé sur les documents qu'elle a produit pour conclure à l'insuffisance de sa capacité technique ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le montant de la pré-étude béton était intégré dans son devis du 4 février 2010, avant la demande s'y rapportant formulée le 28 février 2010 par le maître d'oeuvre ; le CCTP n'était pas suffisamment précis en ce qui concerne le prise en charge de son coût ; la société dont l'offre a été retenue n'avait pas intégré son coût dans son offre ; la dépose de réseaux d'eaux pluviales et les nouvelles canalisations étaient également prévues par son offre qui était ainsi conforme aux stipulations contractuelles ;

- en tant que candidate injustement évincée, elle est fondée à obtenir une indemnité en réparation de son préjudice ; elle avait une chance sérieuse de se voir attribuer le marché ; l'indemnisation réclamée correspond à son manque à gagner, à savoir la marge nette escomptée, soit une somme de 9 000 euros HT ; à supposer qu'elle ait été dépourvue de toute chance de remporter le marché, elle devrait être indemnisée des frais engagés dans le cadre de l'appel d'offres soit 1 600 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2014, présenté pour la commune de Chemellier qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Anjou Bâtiment la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la société requérante a reçu notification du rejet de son offre le 26 mars 2010 par un courrier du 23 mars 2010 portant mention des voies et délais de recours ; le courrier qu'elle lui a adressé le 22 juin 2010 n'est pas présenté comme un recours gracieux mais constitue une réclamation indemnitaire ; elle n'établit pas qu'il a été reçu avant l'expiration du délai de recours de deux mois ayant commencé à courir le 22 avril 2010, date à laquelle l'avis d'attribution du marché a été publié dans deux journaux d'annonces légales ; étant tardif ce recours gracieux n'a pu proroger le délai de recours contentieux ;

- elle a respecté ses obligations en matière de publicité ;

- alors que le règlement de consultation indiquait que les offres devaient contenir les renseignements permettant d'apprécier les capacités professionnelles, techniques et financières des entreprises candidates, la société Anjou Bâtiment s'est bornée à fournir une simple liste de chantiers en cours, en dépit de la demande de compléter son offre sur ce point ; la société dont la candidature a été retenue a fourni de nombreux certificats et attestations ;

- le critère de valeur technique des offres a été pondéré 60 % contre 40 % pour le prix, compte tenu des contraintes particulières liées à l'extension de l'ouvrage ;

- la société Anjou Bâtiment a été à même, alors que son dossier initial était incomplet, de préciser son offre, notamment en ce concerne le coût de la pré-étude béton, son certificat de capacité et ses références ;

- les dispositions de l'article 83 du code des marchés publics ont été respectées, les motifs de rejet de son offre lui ayant été communiqués par courrier du 29 mars 2010 ;

- l'erreur manifeste d'appréciation commise par la commission d'appel d'offres n'est pas démontrée ; l'entreprise Justeau a présenté une offre démontrant ses compétences techniques et présentant un très faible écart de prix avec celle de la société Anjou Bâtiment ;

- le CCTP définissait avec précision les prescriptions techniques ; le formulaire DC5 annexé au règlement de consultation faisait état de la nécessité de joindre en annexe des certificats de capacité ;

- le maire n'a pris contact avec le maire de Blaison-Gohier pour se renseigner sur la bonne fin d'un chantier cité comme référence qu'après que la commission d'appel d'offres ait rendu son avis et en raison du défaut de production des attestations de bonne exécution dans le cadre de l'offre ; cette démarche n'a pas pénalisé la société Anjou Bâtiment dont l'offre était incomplète sur ce point ;

- l'offre de la société Anjou Bâtiment aurait pu être rejetée comme incomplète sur le fondement de l'article 52 du code des marchés publics ;

- c'est à juste titre que la commission d'appel d'offres puis le tribunal ont estimé que son offre, qui n'incluait ni le montant de la pré-étude ni celui des réseaux d'eaux pluviales, était incomplète ;

- la société requérante était dépourvue de toute chance sérieuse de remporter le marché et ne justifie par aucune pièce comptable de ses prétentions indemnitaires ;

Vu l'ordonnance du 27 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 12 décembre 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, présenté pour la société Anjou Bâtiment, non communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour la société Anjou Bâtiment ;

1. Considérant que la commune de Chemellier a procédé à la publication d'un avis d'appel à la concurrence pour l'attribution, dans le cadre d'un marché à procédure adaptée, du lot n° 1 " gros oeuvre " de l'extension de son école primaire ; que la commission d'appel d'offre ayant proposé, dans sa séance du 8 février 2010, de retenir l'offre de la société Justeau, la société Anjou Bâtiment qui avait également candidaté a été informée du rejet de son offre par un courrier du maire du 23 mars 2010 et des motifs de son rejet par deux courriers du 22 avril et du 27 mai 2010 ; que le conseil municipal a autorisé le maire à signer le marché afférent par délibération du 12 avril 2010 ; que la société Anjou Bâtiment a contesté le rejet de son offre par un courrier du 15 avril 2010 et introduit une réclamation indemnitaire préalable par courrier du 22 juin 2010 resté sans réponse ; qu'elle relève appel du jugement du 20 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du maire rejetant sa candidature et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Chemellier à lui verser la somme de 10 600 euros au titre des préjudices résultant de son éviction qu'elle estime irrégulière ; qu'elle demande en outre à la cour de prononcer la nullité du marché ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

3. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la date à laquelle la société Anjou Bâtiment a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de son offre prise par le maire de Chemellier le 23 mars 2010, le marché portant sur le lot " gros oeuvre " de l'opération d'extension de l'école primaire avait été conclu avec la société Justeau, ainsi que le mentionne le jugement attaqué ; qu'il suit de là qu'elle n'était pas recevable à en demander l'annulation alors même que l'avis d'attribution du marché n'aurait pas été régulièrement publié ;

Sur la nullité du contrat :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable : " I. (...). Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des courriers du maire de Chemellier des 22 avril et 27 mai 2010 que le rejet de l'offre de la société Anjou Bâtiment est fondé sur la production d'un devis n'incluant pas le coût d'une pré-étude réalisée par un bureau d'ingénierie et les réseaux d'eaux pluviales, sur l'absence de production de certificats de capacité d'opération, sur les renseignements obtenus auprès de tiers dont ressort la mauvaise exécution des prestations réalisées par la requérante dans le cadre d'un autre marché et sur la production par la société attributaire du marché de certificats de capacité d'opération ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un nouveau devis détaillé, produit en temps utile par la société Anjou Bâtiment dans le cadre de l'examen des offres ainsi que le coût de la pré-étude réalisée par un bureau d'ingénierie, inclut l'aménagement des réseaux d'eaux pluviales et réévalue le montant de l'offre à 53 301,88 euros TTC ; qu'en outre, le formulaire DC5 comportant les renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles et techniques de la société a été joint à son offre, ainsi que l'exigeait l'article 3 du règlement de consultation qui prévoit mais n'impose pas la production de certificats de capacité d'opération ; qu'enfin, le pouvoir adjudicateur n'est pas en droit de mener ses propres investigations auprès de personnes auxquelles un candidat a fourni des prestations, en dehors de celles dont les coordonnées sont expressément demandées dans le formulaire DC5, en vue de s'informer de leur bonne exécution, ainsi que la commission d'appel d'offres et le maire de Chemellier l'ont successivement fait ;

7. Considérant, toutefois, que le rejet de l'offre de la société Anjou Bâtiment, dont le montant était quasiment identique à celui de l'offre de la société Justeau qui a été retenue, était également fondé sur le fait que cette dernière avait produit diverses preuves de ses capacités professionnelles et techniques dont, notamment, de nombreux certificats de capacité d'opération ; que la société requérante qui a alors été sollicitée sur ce point s'est bornée à produire une liste de marchés ne comportant aucune garantie quant à leur exécution ; que, dans conditions, le pouvoir adjudicateur a pu estimer que l'offre de la société Justeau offrait de meilleures garanties d'exécution ; qu'il résulte de l'instruction qu'il aurait choisi cette offre s'il s'était fondé sur ce seul motif ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander à la cour de prononcer la nullité du marché conclu entre la commune de Chemellier et la société Justeau en raison de son éviction irrégulière lors de son attribution ; qu'au surplus ces conclusions, qui sont nouvelles en appel, ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter ce marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 5 à 7 du présent arrêt que la société Anjou Bâtiment était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que ses conclusions indemnitaires doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Chemellier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Anjou Bâtiment de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière et au même titre le versement à la commune de Chemellier de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Anjou Bâtiment est rejetée.

Article 2 : La société Anjou Bâtiment versera à la commune de Chemellier une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anjou Bâtiment et à la commune de Chemellier.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 février 2015.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

S. AUBERT

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT03082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03082
Date de la décision : 17/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-17;13nt03082 ?
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