Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me Eveillard, avocat ; M. D...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202256 en date du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais mis à sa charge en vue du recouvrement de ces rappels de taxe et tendant au rétablissement, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux soumis à l'impôt sur le revenu, des déficits qu'il avait déclarés au titre des années 2008 à 2010 ;
2°) de lui accorder cette décharge et de rétablir les déficits initialement déclarés ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés dans le cadre du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier ; il comporte une erreur sur la date de son établissement ; il ne précise pas le nom ni la qualité de son signataire ce qui ne permet pas de vérifier sa compétence ; par suite, les actes de poursuite ayant été pris sur le fondement de cet avis sont entachés d'irrégularités de sorte qu'il est fondé à obtenir le remboursement des frais mis à sa charge à l'occasion de ces actes ;
- les dépenses d'électricité, d'assurance, de gaz, d'eau et de loyer afférentes à sa résidence principale ont été engagées pour les besoins de son activité et, par suite, sont déductibles ; il en est de même des dépenses de matériaux ainsi que celles relatives au stage de récupération de points ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- l'erreur sur la date d'établissement de l'avis de mise en recouvrement signé par Mme C... B... ne constitue pas un vice substantiel dès lors que cet avis qui a été régulièrement notifié à M. D...le 19 mars 2012 a produit effet à compter de cette date ;
- les dépenses d'assurance et de loyers ont fait l'objet d'un dégrèvement suite à l'admission partielle de la réclamation présentée par l'intéressé le 8 juillet 2012 ; le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de gaz et d'électricité a également été corrigé ;
- la déduction des charges afférentes à la résidence principale de M. D...ne peut pas être admise dès lors que son activité de maçonnerie se déroule pour l'essentiel sur des chantiers ; son appartement ne peut donc être regardé comme ayant été utilisé pour les besoins de son activité professionnelle ;
- les factures relatives aux achats de matériaux ne permettaient pas de distinguer les achats personnels des achats professionnels et ne sont pas déductibles ;
- les dépenses effectuées à l'occasion du stage de récupération de points ne sont pas, en vertu de l'article 39-2 du code général des impôts, admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 janvier 2015, présenté pour M. D...qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 3 mars 2014, rectifiée le 17 mars 2014, admettant M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Eveillard pour le représenter ;
Vu la lettre en date du 9 décembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office et tiré de ce que le jugement attaqué du 19 novembre 2013 est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Caen a statué, à tort, par un seul jugement sur les conclusions présentées par M. D...tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et au rétablissement partiel des résultats déficitaires dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'impôt sur le revenu, qui concernent deux contribuables distincts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :
- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que M.D..., qui a exercé une activité de maçonnerie à titre individuel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et l'a informé de la réduction des montants des déficits déclarés par l'intéressé au titre des exercices 2008 à 2010 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que M. D... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant, d'une part, à la décharge de ces rappels et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais mis à sa charge en vue du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, au rétablissement des montants des déficits, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux soumis à l'impôt sur le revenu, qu'il avait déclarés au titre des années 2008 à 2010 ; que M. D...relève appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels qu'aient été en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif de Caen devait statuer par deux jugements séparés à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme D...d'une part, M.D..., en tant que seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a statué par un même jugement sur l'ensemble des conclusions de M.D... ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;
3. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, pour la cour, d'une part, d'évoquer la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen en tant qu'elle concerne la taxe sur la valeur ajoutée réclamée à M.D..., en tant que redevable de celle-ci, au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ainsi que la condamnation de l'Etat au remboursement des frais en vue du recouvrement de cette taxe et, d'autre part, après enregistrement par le greffe de la cour sous un numéro distinct des mémoires et pièces produites dans les écritures relatives au litige afférent au rétablissement des montants des déficits dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux soumis à l'impôt sur le revenu qu'il avait déclarés au titre des années 2008 à 2010, de statuer par la voie de l'évocation sur ces conclusions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : "Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 256-6 de ce livre : "La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service des impôts (...), de l'ampliation prévue à l'article R.256-3 (...)" ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'accusé de réception postal produit par le ministre et M. D...en première instance, que l'avis de mise en recouvrement, lequel a été signé par intérim du poste de comptable des finances publiques par Mme C...B..., inspectrice des finances publiques, relatif au paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge lui a été régulièrement notifié le 19 mars 2012, soit à une date postérieure à la proposition de rectification du 16 décembre 2011 à laquelle il se réfère ; que la circonstance que cet avis ait porté par erreur la date du 8 mars 2011 au lieu de 2012 est sans influence sur la régularité de cet avis dès lors qu'il n'a porté effet qu'à compter du jour où il a été notifié à l'intéressé et qu'il n'est ni soutenu, ni même allégué que son signataire n'aurait pas eu la compétence pour ce faire ; que le requérant ne peut, en tout état de cause, se prévaloir, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'extrait du bulletin officiel des impôts produit en appel, lequel est postérieur à la date de notification de l'avis de mise en recouvrement et n'est opposable à l'administration qu'à compter du 12 septembre 2012 ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...)" ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : "Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré" ; qu'il est constant que M. D... n'a présenté aucune observation dans le délai de trente jours sur la proposition de rectification adressée le 29 décembre 2011 ; qu'il lui appartient donc d'établir le caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à sa charge ;
8. Considérant que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé différentes dépenses exposées au cours des années 2008, 2009 et 2010 par M.D..., et notamment les frais de consommation d'eau, de gaz et d'électricité de sa résidence principale ainsi que les achats de matériaux et les frais relatifs au stage de récupération de points effectué par ce dernier ; qu'en se bornant à soutenir que ces dépenses ont été réalisées pour les besoins de son entreprise, M. D...n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations ; qu'il ne démontre pas davantage que les impositions en litige procéderaient d'une erreur de calcul ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses en litige ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ni par voie de conséquence le remboursement des frais exposés dans le cadre du recouvrement de ces rappels ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 19 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande de M. D...présentée devant le tribunal administratif de Caen relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 février 2015.
Le rapporteur,
F. ETIENVRE
Le président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01260 2
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