La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2015 | FRANCE | N°13NT03352

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 22 janvier 2015, 13NT03352


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par MeA... ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204273 du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités, mis à sa charge au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes ; <

br>
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par MeA... ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204273 du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités, mis à sa charge au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que sa demande en date du 15 novembre 2010 sollicitant le bénéfice de l'ensemble des voies de recours n'a pas reçu entière satisfaction ;

- le vérificateur a rejeté à tort la comptabilité en se fondant sur des erreurs de colonne entre les paiements par cartes bancaires et les paiements en espèces, alors que les ventes journalières étaient suffisamment justifiées par les feuilles volantes avec les étiquettes des produits vendus, les feuilles jaunes récapitulatives par vendeuses et la ventilation des modes de paiement, et la ventilation des paiements sur le livre de caisse, et en se fondant sur la faiblesse du taux de marge pourtant justifiée par les modalités particulières d'exploitation ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est radicalement viciée dans son principe et sommaire ; la rectification opérée le 25 juin 2009 présente des discordances avec les livres de caisse et la comptabilité, le vérificateur a commis des erreurs de saisie et a renoncé à procéder au recomptage des ventes ventilées entre les différents modes de paiement ; la critique de la marge pratiquée ne repose pas sur des comparaisons pertinentes et ne tient pas compte des particularités de l'exploitation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la requérante n'a pas été privée des garanties inhérentes aux procédures de contrôle précisées dans la charte du contribuable vérifié ;

- la requérante n'établit pas que c'est à tort que le service a écarté sa comptabilité comme irrégulière et non probante ;

- la requérante n'établit pas que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires serait radicalement viciée dans son principe ni excessivement sommaire et elle n'établit pas davantage le caractère exagéré des impositions litigieuses ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2014, présenté pour Mme B...par Me A..., qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens et demande à la cour, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge d'une somme de 15 420 euros hors taxes et de 3 022 euros de pénalités ;

elle soutient, en outre, que la comptabilité a été écartée à tort : les écarts prétendus résultant d'erreurs de report faites par le vérificateur ;

Vu la lettre en date du 25 novembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les mémoires enregistrés les 27 novembre 2014, présentés par le ministre des finances et des comptes publics, qui persiste à conclure au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...exerçait une activité de vente de chaussures au détail, sous l'enseigne Olivine ; qu'elle a fait l'objet, à raison de cette activité, d'une vérification de comptabilité portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; qu'après avoir écarté la comptabilité présentée en raison des graves irrégularités dont elle l'estimait entachée, l'administration a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires ; que Mme B...relève appel du jugement du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période vérifiée et des pénalités pour manquement délibéré correspondantes ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ces mêmes années ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, le tribunal administratif d'Orléans devait, quels qu'aient été en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, statuer par deux jugements séparés à l'égard, d'une part, de Mme B...en tant que seule redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, de M. et MmeB..., pris en leur qualité de redevables solidaires de l'impôt sur le revenu ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a statué par un même jugement sur l'ensemble des conclusions de M. et MmeB... ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;

3. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour, d'une part, d'évoquer la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans en tant qu'elle concerne la taxe sur la valeur ajoutée réclamée à MmeB..., en tant que redevable de celle-ci, au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et, d'autre part, après enregistrement par le greffe de la cour sous un numéro distinct des mémoires et pièces produits dans les écritures relatives au litige afférent aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007, de statuer par la voie de l'évocation sur ces conclusions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte, dans sa rédaction applicable au litige, précise : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur " ; qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis ( ...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...)" ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a rencontré à sa demande le supérieur hiérarchique du vérificateur le 8 septembre 2009 ; qu'elle a également sollicité la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a émis son avis le 21 octobre 2010 ; qu'elle a rencontré l'interlocuteur départemental le 11 février 2011 ; que dans ces conditions et quand bien même elle aurait entendu solliciter, par les lettres de son conseil en date des 15 novembre 2010 et 7 avril 2011, un nouvel entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, Mme B...n'a été privée d'aucune des garanties reconnues par la charte du contribuable vérifié ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que la comptabilité de l'activité de vente de chaussures au détail pour l'année 2006 faisait apparaître un chiffre d'affaires par mois non détaillé, une discordance entre le livre de caisse présenté et le chiffre d'affaires inscrit sur le grand livre, une discordance entre le chiffre d'affaires mensuel comptabilisé et les recettes globalisées quotidiennement sur le livre de caisse et agrégées mensuellement par le vérificateur, enfin une discordance de plus de 80 000 euros entre les recettes mensuelles issues du livre de caisse et les déclarations CA3 souscrites par l'entreprise ; qu'un solde de caisse créditeur a également été mis en évidence au cours du second semestre 2006 ; que s'agissant de l'année 2007, le contrôle sur place a mis en évidence un chiffre d'affaires annuel globalisé, dont le recoupement avec les écritures du livre de caisse et les déclarations CA3 n'a pas été rendu possible ; que de telles irrégularités autorisaient l'administration à écarter la comptabilité de l'activité commerciale exercée par Mme B...comme dénuée de valeur probante ;

En ce qui concerne l'exagération des bases d'imposition :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la comptabilité de Mme B... présentait de graves irrégularités ; que le montant des recettes reconstituées a été fixé conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, en application de l'article L. 192 précité du livre des procédures fiscales, il appartient à Mme B...d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions ; qu'elle peut, si elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact du bénéficie industriel et commercial en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires hors taxes de l'activité de vente de chaussures au détail exercée par Mme B...au cours de la période vérifiée, le vérificateur a procédé à une saisie exhaustive des étiquettes sur un échantillon de 18 journées, au vu desquelles il a pu déterminer un coefficient de marge (ventes hors taxes/achats hors taxes) de 2,11 en périodes ordinaires et de 1,39 en périodes de soldes, en retenant un rapport de 60 % de ventes ordinaires et 40 % de ventes promotionnelles, conforme aux usages de la profession ; qu'il a ainsi déterminé que les ventes en espèces avaient représenté 8,24 % du total des ventes effectuées au cours de l'exercice clos en 2006 et qu'il a extrapolé ce pourcentage de 8,20 % de ventes en espèces pour l'année 2007, en l'absence de plusieurs brouillards de caisse, puis déterminé le montant des recettes totales de l'entreprise au titre de chacune de ces deux années ; que Mme B... n'établit pas qu'il aurait ce faisant, commis des erreurs de saisie ou qu'il aurait délibérément renoncé à vérifier l'intégralité des recettes ;

10. Considérant qu'en se bornant à soutenir, d'une part, que les ventes journalières étaient suffisamment justifiées par les feuilles volantes avec les étiquettes des produits vendus, les feuilles jaunes récapitulatives des ventes effectuées par chaque vendeuse et la ventilation globale journalière des modes de paiement, et d'autre part que le vérificateur n'aurait pas démontré la faiblesse des coefficients de marge pratiqués par l'entreprise, Mme B...ne démontre ni le caractère vicié de la méthode de reconstitution utilisée par l'administration ni l'exagération des bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander la décharge des droits et pénalités en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à MmeB... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 17 octobre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions en appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 janvier 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13NT03352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03352
Date de la décision : 22/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SELARL CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-01-22;13nt03352 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award