Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour M. C...B...demeurant..., par Me Ouled Ben Hafsia, avocat au barreau de Paris ; M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir, d'une part, de lui restituer son passeport et, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance des autorisations de travail n'est pas applicable aux ressortissants tunisiens ;
- la SARL E.B.P spécialisée dans le bâtiment et la peinture avait l'intention de le recruter au sein de son équipe d'ouvriers ; il a soumis un dossier professionnel complet lors du dépôt de sa demande de titre de séjour mention " salarié " ; le 12 avril 2013 les services de l'unité territoriale de la DIRECCTE d'Eure-et-Loir ont demandé à la société un complément d'information qui a été transmis ; contrairement à ce qu'a retenu le préfet, le contrat de travail établi par la SARL E.B.P est conforme ;
- il répond aux critères de délivrance d'un titre de séjour prévus par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par la circulaire NOR INTK1229185-C ; il est présent en France de manière ininterrompue depuis plus de cinq ans ; il est titulaire d'une promesse d'embauche ; il n'a jamais commis d'infraction, déclare ses revenus et est bien intégré ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il entend reprendre l'ensemble de ces moyens, notamment celui tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
- le refus de titre de séjour étant illégal, l'obligation de quitter le territoire français prise sur son fondement l'est également ;
- le refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégaux, leur annulation entraînera par voie de conséquence celle de la décision fixant le pays de renvoi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2014, présenté par le préfet d'Eure-et-Loir qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- l'acte contesté était compétemment signé par M. Vicat, secrétaire général de la préfecture ;
- le refus opposé à M. B...était suffisamment motivé ;
- la mention de l'arrêté du 18 janvier 2008 est une simple erreur matérielle, celui-ci ne s'appliquant pas aux ressortissants tunisiens dont la situation est régie par le décret n° 2009-95 du 24 juillet 2009 ; le métier de peintre proposé à M. B...ne figure pas sur la liste de métiers ouverts aux ressortissants tunisiens annexée à ce décret ; la situation de l'emploi lui est donc opposable sur ce fondement ;
- la DIRECCTE a opposé un avis défavorable à la demande de M. B...du 26 avril 2013 ; M. B...ne bénéficiant pas d'un contrat de travail visé par les services de la DIRECCTE, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- M. B...ne justifie pas d'antériorité dans le travail sur le territoire national lui permettant de se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 ; il n'établit pas une compétence, une formation ou une qualification particulière dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement propres à justifier son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ;
- les données statistiques du 4ème trimestre 2012 en Ile-de-France font état, pour le métier de peintre, d'un taux de satisfaction des offres en un an de 84,8 % ; la SARL E.B.P a procédé à des démarches auprès de Pôle emploi afin de publier une offre de peintre mais le justificatif qu'elle produit est daté du 1er mars 2013, jour de la constitution du dossier de demande d'autorisation de travail de M.B... ;
- M. B...est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales en Tunisie ; il a tardivement justifié de sa présence en France depuis 2008 ; il ne justifie pas avoir effectué de démarches auprès des autorités françaises en Tunisie pour l'obtention d'un visa lui permettant d'entrer directement sur le territoire français ;
- aucun motif humanitaire ou exceptionnel ne pourrait être retenu pour justifier l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour opposé à M. B...ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; M. B...a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 24 septembre 2010 à laquelle il n'a pas déféré ;
- les services de la préfecture ont régulièrement procédé à la rétention du passeport de M. B...en application des dispositions des articles L. 611-2 et R. 513-3 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile ;
- M. B...n'établit pas être exposé à des peines et des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Tunisie ;
- les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui sont applicables ;
Vu la lettre du 18 novembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire enregistré le 21 novembre 2014 présenté pour M.B..., en réponse au moyen d'ordre public, et tendant aux mêmes fins que la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes) entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
Vu l'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union Européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la confédération suisse ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2013 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2. Considérant que le refus de titre de séjour opposé à M.B... comporte l'énoncé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement ;
3. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum, (...) reçoivent après contrôle médical et sur présentation du contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " (...). Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 bis du même accord issu de l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 et publié par le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 : " (...) 2.3. : Migration pour motifs professionnels (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'il résulte des stipulations de l'accord franco-tunisien, ainsi que de celles du protocole signé à Tunis le 28 avril 2008, que ces dernières régissent de manière intégrale la situation des ressortissants tunisiens au regard de leur droit au travail, et par suite, la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié ; qu'il suit de là qu'en rejetant la demande de titre de séjour mention " salarié " du requérant sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union Européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la confédération suisse, le préfet a commis une erreur de droit ;
4. Considérant, toutefois, et ainsi que le fait valoir le préfet en défense, que le métier de peintre que le requérant souhaite exercer ne figure pas sur la liste des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens dans le secteur du bâtiment et des travaux publics figurant à l'annexe I du protocole relatif à la gestion concertée des migrations publié par décret du 24 juillet 2009 ; qu'il suit de là qu'il aurait pris la même décision en examinant la demande de M. B... au regard des stipulations de l'accord franco-tunisien dont il relève ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de procéder d'office à une substitution de base légale, qui ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, la demande de titre de séjour mention " salarié " de M. B...ne relève pas des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, dès lors, être écarté ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont en revanche applicables aux ressortissants tunisiens demandant la délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ; qu'à cet égard, si M. B...fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis cinq ans, qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation et déclare régulièrement ses revenus, ces circonstances ne constituent pas des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de ces dispositions ; que, dans ces conditions, le préfet d'Eure-et-Loir a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement ;
7. Considérant que le requérant ne se prévaut pas utilement de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas un caractère réglementaire ;
8. Considérant que M.B..., célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans ; qu'il a fait l'objet, le 24 septembre 2010, d'une première mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, il n'est pas contraire au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
10. Considérant que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, le requérant n'est pas davantage fondé à en invoquer
l'illégalité au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
12. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au paiement des frais non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller,
- M. Auger, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 décembre 2014,
Le rapporteur,
N. TIGER-WINTERHALTERLe président,
S. AUBERT Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14NT00901