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19/12/2014 | FRANCE | N°13NT02602

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 décembre 2014, 13NT02602


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2013, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par MeB... ; Mme E... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de Caen du 10 juillet 2012 prononçant sa mutation dans l'intérêt du service au collège d'Equeurville-Hainneville à compter du 1er septembre 2012 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 35 euros au titre d...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2013, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par MeB... ; Mme E... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de Caen du 10 juillet 2012 prononçant sa mutation dans l'intérêt du service au collège d'Equeurville-Hainneville à compter du 1er septembre 2012 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique ;

elle soutient que :

- la décision contestée, qui a été prise pour sanctionner un comportement que l'administration a qualifié de fautif dans le cadre de la suspension provisoire de fonctions dont elle a fait l'objet et qui est fondée sur les mêmes faits, constitue une sanction disciplinaire ;

- s'agissant d'une sanction disciplinaire, elle aurait dû être précédée de la saisine du conseil de discipline et n'est motivée ni en droit ni en fait ; ainsi qu'elle l'a démontré en première instance, la matérialité des faits reprochés n'est pas établie et la sanction est disproportionnée ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la qualification de harcèlement moral ; elle justifie de l'existence d'une situation de harcèlement moral par la production de deux pétitions dirigées contre elle et par le témoignage d'une ancienne enseignante du collège ; ses relations avec les élèves et enseignants étaient bonnes ainsi que le démontrent les nombreuses attestations qu'elle produit ; le fait que l'inspection du 13 décembre 2011 se soit déroulée dans des conditions normales ne permet pas d'écarter l'existence d'une situation de harcèlement moral ; si la commission de réforme n'a pas retenu l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, c'est sur avis contraire de l'expert missionné par le rectorat ;

- au regard des conséquences des agissements dont elle a été victime, l'autorité administrative a méconnu les stipulations de l'accord du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ;

- elle a fait l'objet d'une discrimination syndicale ainsi que l'atteste le fait que son absence du 2 novembre 2011 motivée par une convocation au tribunal, prise dans le cadre d'une autorisation d'absence, a été contestée par sa hiérarchie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- ayant été prise à la suite de difficultés relationnelles récurrentes ayant une incidence négative sur le bon fonctionnement du collège, la décision contestée ne peut être regardée comme une sanction déguisée ; elle n'a pas porté atteinte à la situation professionnelle de la requérante ni diminué ses responsabilités ;

- ayant été prise dans l'intérêt du service ainsi que dans celui de Mme E..., elle ne revêt pas un caractère disciplinaire ; elle a été prise moins de quatre mois après la mesure de suspension, laquelle n'a pas été suivie du prononcé d'une sanction, l'examen de la situation ayant confirmé l'existence de fortes dissensions non imputables à l'intéressée ;

- une mutation prononcée dans l'intérêt du service n'a pas à être motivée ;

- la commission paritaire compétente a été régulièrement saisie et n'avait pas à siéger en formation disciplinaire ;

- la requérante n'établit pas que le contexte conflictuel constaté et ses difficultés relationnelles révéleraient une situation de harcèlement moral ;

- contrairement à ses allégations, l'administration a cherché à l'aider et à l'accompagner, notamment en saisissant le médecin conseil du rectorat qu'elle a refusé de consulter ; la commission de réforme n'a pas imputé la dégradation de son état de santé à son travail ;

- il n'est pas établi qu'elle a été contrainte de renoncer à la décharge d'activité dont elle bénéficiait durant l'année scolaire 2009/2010 au titre de ses activités syndicales ; le seul fait de lui avoir reproché une absence ne constitue pas une discrimination ;

- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu du niveau de responsabilité de la requérante dans son nouveau poste et de la situation géographique de sa nouvelle affectation ;

Vu l'ordonnance du 17 octobre 2014 fixant la clôture d'instruction au 17 novembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme E... a été affectée en qualité de conseillère principale d'éducation au collège Jules Ferry de Querqueville à compter du 1er septembre 2003 ; qu'après l'avoir suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois par une décision du 23 avril 2012, le recteur de l'académie de Caen l'a mutée dans l'intérêt du service au collège d'Equeurville-Hainneville à compter du 1er septembre 2012, par un arrêté du 10 juillet 2012 ; que Mme E... relève appel du jugement du 5 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 13 décembre 2011 par l'inspecteur pédagogique régional chargé de la vie scolaire, que Mme E... a rencontré au collège Jules Ferry des difficultés relationnelles sérieuses et récurrentes tant avec les enseignants qu'avec le personnel administratif de l'établissement et les parents d'élèves ; que ces difficultés ont entraîné un climat de tension qui s'est concrétisé par la signature de deux pétitions à son encontre en 2006 puis en 2012 ainsi que par une perte de confiance de l'équipe éducative à son égard qui a nui au bon fonctionnement de l'établissement ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision de mutation dans l'intérêt du service prise à son encontre ne repose pas sur des faits matériellement inexacts ;

3. Considérant que les nombreuses attestations rédigées par des enseignants, des parents d'élèves et d'anciens élèves du collège, la pétition en faveur de la requérante diffusée sur un réseau social en juin 2012 et la circonstance que la mutation dans l'intérêt du service a été prise après une décision de suspension provisoire de fonctions ne sont pas de nature à établir que la décision de mutation, qui avait pour but de rétablir un climat de confiance au sein de l'établissement et qui n'a pas eu de conséquences financières ou matérielles sur la situation de Mme E... ni diminué ses responsabilités professionnelles, constitue une sanction déguisée ; qu'il suit de là que les moyens tirés du non respect de l'obligation de motiver une sanction et de l'absence de saisine du conseil de discipline doivent être écartés comme inopérants ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que si certains des témoignages d'anciens assistants d'éducation et celui d'une enseignante ayant quitté le collège, produits par Mme E..., font état d'une attitude d'ostracisme de la part des enseignants, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'inspection établi le 13 décembre 2011, que l'attitude de la requérante, caractérisée par des initiatives prises sans concertation avec ses collègues ainsi que par un manque de rigueur dans le suivi des élèves et le contrôle de leur comportement, a contribué pour une large part à la dégradation de ses relations avec son entourage professionnel ; que l'existence d'une situation de harcèlement moral ne peut, dès lors, être retenue ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le caractère justifié de son absence du service du 2 novembre 2011 liée à son activité syndicale a été admis par l'administration ; que l'existence d'une discrimination syndicale n'est dès lors pas établie ;

7. Considérant que si Mme E... se prévaut des stipulations de l'accord du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée ne résulte pas de la détérioration de son état de santé ; que ce moyen doit, dès lors, être écarté comme inopérant ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de Caen du 10 juillet 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de Mme E... la somme qu'elle a dû acquitter au titre de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Caen.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M.D..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 décembre 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

S. AUBERT

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02602
Date de la décision : 19/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-19;13nt02602 ?
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