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15/12/2014 | FRANCE | N°13NT02703

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 décembre 2014, 13NT02703


Vu le recours, enregistré le 19 septembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201177 du 2 juillet 2013 en tant que le tribunal administratif de Caen a, sur demande de M. et Mme B...A..., prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, réduit les bases à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 d'un montant de

25 000 euros et prononcé la décharge des droits et pénalités correspondants...

Vu le recours, enregistré le 19 septembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201177 du 2 juillet 2013 en tant que le tribunal administratif de Caen a, sur demande de M. et Mme B...A..., prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, réduit les bases à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 d'un montant de 25 000 euros et prononcé la décharge des droits et pénalités correspondants ;

2°) de rejeter l'intégralité de la demande présentée pour M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Caen ;

il soutient que les droits et pénalités doivent être maintenus en substituant à l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers une imposition dans la catégorie des revenus fonciers ou subsidiairement celle des bénéfices non commerciaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2014, présenté pour M. et Mme B...A...par Me Mazot, avocat ; ils concluent au rejet du recours ;

ils soutiennent que :

- la demande de substitution de base légale du ministre ne peut aboutir dès lors que les impositions sont la conséquence de la vérification de comptabilité concernant la société civile immobilière (SCI) "du 18 rue de la Girafe" ; cette substitution ferait par suite échec aux dispositions des articles L. 54 à L. 58 du livre des procédures fiscales ;

- substituer à la base légale initialement retenue une imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les priverait d'une garantie, celle de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le ministre ne justifie en tout état de cause pas d'une activité imposable dans la catégorie des revenus fonciers ou dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 juin 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics ; il conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que son recours ;

il soutient en outre que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que les substitutions de base légale sollicitées les priveraient d'une garantie dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires n'est pas compétente pour connaître d'un désaccord portant sur la qualification catégorielle d'un revenu, qu'aucun désaccord n'est apparu sur la nature des activités exercées et qu'enfin, s'agissant d'une société de personnes, seule la SCI "du 18 rue de la Girafe" et non ses associés pouvaient saisir la commission ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 octobre 2014, présenté pour M. et MmeA... ; ils concluent comme précédemment par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 9 septembre 2014 fixant la clôture de l'instruction le 13 octobre 2014 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 novembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société civile immobilière (SCI) "du 18 rue de la Girafe", dont M. et Mme B...A...sont les deux seuls associés, l'administration a estimé que les sommes de 17 940 euros, 8 000 euros et 37 410,88 euros encaissées par chèques sur le compte bancaire détenu par la société auprès du Crédit du Nord, agence de la place de la République, à Caen les 23 juin 2008, 1er septembre 2008 et 17 juin 2009 constituaient des produits imposables et qu'une partie de ces sommes, 20 000 euros en 2008 et 21 400 euros en 2009, devait s'analyser comme une libéralité constitutive d'une distribution au profit de M. A...imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en appliquant le coefficient de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts, soit les sommes de 25 000 euros et 26 750 euros ; que M. et Mme A...en ont été informés par une proposition de rectification du 17 janvier 2011 notifiée selon la procédure contradictoire ; que, par jugement du 2 juillet 2013, le tribunal administratif de Caen, considérant que l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, n'établissait pas que la SCI "du 18 rue de la Girafe" avait effectué, au cours des années en cause, des prestations de service caractérisant l'exercice d'une profession commerciale, a réduit les bases imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales dus par M. et Mme A...au titre de l'année 2008 d'un montant de 25 000 euros, accordé aux contribuables la décharge des droits et pénalités correspondants et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2009 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement dans cette mesure en demandant le maintien à hauteur des sommes de 25 000 euros et 26 750 euros, des droits et pénalités, à titre principal, dans la catégorie des revenus fonciers et, à titre subsidiaire, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

2. Considérant que si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend ;

Sur le maintien de l'imposition dans la catégorie des revenus fonciers :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 14 du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines, ainsi que les revenus : a De l'outillage des établissements industriels attaché au fonds à perpétuelle demeure, dans les conditions indiquées au premier paragraphe de l'article 525 du code civil ou reposant sur des fondations spéciales faisant corps avec l'immeuble ; b De toutes installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions ; c Des bateaux utilisés en un point fixe et aménagés pour l'habitation, le commerce ou l'industrie, même s'ils sont seulement retenus par des amarres. 2° Les revenus des propriétés non bâties de toute nature, y compris ceux des terrains occupés par les carrières, mines et tourbières, les étangs, les salines et marais salants." ;

4. Considérant que si M. et Mme A...ne contestent pas utilement la réalité des encaissements par la SCI "du 18 rue de la Girafe" les 23 juin 2008 et 17 juin 2009 par chèques des sommes de 17 940 euros et 37 410,88 euros ni la réalité des factures correspondantes et établies par la SCI au nom de la société par actions simplifiée (SAS) SBTP les 13 mars 2008 et 26 octobre 2009, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces sommes, encaissées, selon le ministre, en contrepartie de la réalisation, par la SCI, d'une étude de faisabilité d'une centrale à enrober, constituent des revenus fonciers au sens de l'article 14 du code général des impôts ; qu'en ce qui concerne la somme de 8 000 euros encaissée par chèque le 1er septembre 2008 émis par la SAS Hortence, l'administration ne donne aucun élément permettant de déterminer la nature de l'activité exercée par la SCI à l'origine de ce revenu ; qu'il s'ensuit que cette somme ne peut être également regardée comme un revenu foncier au sens de l'article 14 du code général des impôts ; que la demande de substitution de base légale présentée par le ministre à titre principal doit être rejetée ;

Sur le maintien de l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : "Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus." ;

6. Considérant que les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondants à leurs droits dans la société ; qu'en vertu de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci ; que les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles, d'une part, les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une notification de redressement motivée, et d'autre part, le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur le redressement notifié, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que seule la société peut soumettre à cette commission le désaccord persistant sur les redressements qui lui ont été notifiés ;

7. Considérant que la base légale initialement retenue par l'administration pour fonder le redressement relevait de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'ainsi le litige n'entrait pas dans le champ de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en revanche, concernant la nouvelle base légale d'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, invoquée par le ministre devant la cour, le contribuable aurait été en droit de demander que cette commission soit saisie, le cas échéant, d'un désaccord sur le montant de ces bénéfices et en particulier sur l'existence de charges pouvant être admises en déduction ; que, toutefois, comme il a été dit précédemment, seule la SCI "du 18 rue de la Girafe" pouvait ainsi soumettre un tel désaccord à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, M. et Mme A...ne sauraient par suite être regardés comme ayant été privés de cette faculté alors même que la procédure de rectification suivie avec la SCI "du 18 rue de la Girafe" a été celle de la taxation d'office prévue aux articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que le ministre est fondé à demander que soit substituée à la base légale initialement retenue par l'administration celle de la catégorie des bénéfices non commerciaux à laquelle les sommes de 25 000 euros et 26 750 euros peuvent être rattachées dès lors que ces profits ne peuvent être rattachés à aucune autre catégorie de bénéfices ou de revenus ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a, sur demande de M. et Mme B...A..., prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, réduit les bases de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2008 d'un montant de 25 000 euros et prononcé la décharge des droits et pénalités correspondants ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 à 4 du jugement du tribunal administratif de Caen en date du 2 juillet 2013 sont annulés.

Article 2 : M. et Mme A...sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2008 à concurrence des droits et pénalités résultant de l'imposition de la somme de 25 000 euros.

Article 3 : M. et Mme A...sont rétablis, en droits et pénalités, aux rôles supplémentaires de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2009.

Article 4 : La demande de M. et Mme A...tendant à la décharge des droits et pénalités résultant de l'imposition des sommes de 25 000 euros et 26 750 euros présentée devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2014.

Le rapporteur,

F. ETIENVRELe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02703
Date de la décision : 15/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET FRANÇOIS MAZOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-15;13nt02703 ?
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