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14/11/2014 | FRANCE | N°14NT01241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 14 novembre 2014, 14NT01241


Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2014, présentée pour M. et Mme E..., demeurant..., par Me C... ; M. et Mme E... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2013 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer un titre de séjour à M. E... et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet a refusé la délivrance d'un titre de séjour à

Mme E... ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la S...

Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2014, présentée pour M. et Mme E..., demeurant..., par Me C... ; M. et Mme E... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2013 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer un titre de séjour à M. E... et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme E... ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de leur situation après les avoir admis provisoirement au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

ils soutiennent que :

- le jugement, qui ne mentionne pas les éléments précis et complets figurant dans les décisions contestées, n'est pas suffisamment motivé ;

- ils peuvent se prévaloir des dispositions de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, notamment de ses articles 14, 28 et 30, lesquels n'ont pas été transposés en droit français ;

- les décisions portant refus d'admission au séjour, qui ne précisent pas les raisons pour lesquelles ils ne remplissent pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour prévues par les articles L. 121-1 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas pris en compte la notion de doute mentionnée à l'article 14 de la directive ;

- la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été respectée dès lors que le préfet ne les a pas entendus et a insuffisamment vérifié leur situation ;

- ils ne constituent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ; M. E... bénéficie d'un revenu mensuel net d'environ 1000 euros ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; elles méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; ils ont quitté l'Espagne dont le requérant a la nationalité du fait de la crise économique ; la famille s'est bien insérée en France et un enfant y est né le 21 mars 2013 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ; elle ne fait pas référence au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité du refus de titre opposé à M. E... entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français ; cette mesure d'éloignement est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2014, présenté par le préfet de la Sarthe qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- les décisions de refus de titre de séjour sont suffisamment motivées en droit et en fait ;

- les revenus de M. E... sont insuffisants ; son activité de commerçant ambulant ne lui permet pas de prendre en charge sa famille sans recourir à l'assistance sociale ;

- l'entrée en France de M. et Mme E... est très récente et rien n'empêche la famille de se reconstituer en Espagne ;

- la décision de refus de séjour opposée au requérant n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions en litige ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elles ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de séjour ;

- la décision de refus de séjour n'étant pas illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale ;

- le requérant entre dans le champ d'application d'une telle mesure d'éloignement ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 20 mai 2014 admettant M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 20 mai 2014 rejetant la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par Mme E... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

1. Considérant que M. E..., ressortissant espagnol, est entré en France le 1er juillet 2012 accompagné de son épouse de nationalité marocaine munie d'un titre de séjour espagnol ; qu'il a demandé le 9 novembre 2012 au préfet de la Sarthe la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'auto-entrepreneur dans le commerce ambulant ; que Mme E... a demandé le bénéfice de l'admission au séjour en France en qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne ; que, par arrêté du 19 novembre 2013, le préfet a refusé de délivrer M. E... un titre de séjour et a assorti son refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français au motif que l'intéressé ne justifiait pas de ressources personnelles suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale ; que, par une décision prise le même jour, il a également refusé à Mme E... la délivrance d'un titre de séjour ; que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 23 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les refus de titre de séjour :

2. Considérant que l'arrêté du 19 novembre 2013 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. E... vise les articles L. 121-1, L.121-4, L. 511-3-1 1°, L. 513-2 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il mentionne que le requérant a sollicité l'admission au séjour en vue de l'exercice d'une activité de commerce ambulant sous statut d'auto-entrepreneur, laquelle a été enregistrée au répertoire des entreprises et qu'il bénéficie à cet effet d'une carte de commerçant forain valable jusqu'au 31 octobre 2016 ; qu'il indique que les revenus tirés de son activité sont du même ordre de grandeur que les prestations sociales versées à M. et Mme E... et que, dès lors, l'intéressé ne remplit pas les conditions exigées par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour ; que, s'agissant du refus de titre opposé à Mme E..., la décision contestée vise les articles L. 121-1 4°, L. 121-3, R. 121-13 et R. 121-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle mentionne que son conjoint n'a pas été admis au séjour et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne dispose pas de ressources financières suffisantes ; qu'ainsi le préfet a suffisamment exposé les considérations de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé pour prendre ces deux décisions ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté ;

3. Considérant que les refus de titre de séjour contestés ayant été pris en réponse aux demandes des requérants, le non-respect de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations n'est pas utilement invoqué ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la directive communautaire 2004/38/CE du 29 avril 2004 a été intégralement et correctement transposée en droit français aux articles L. 121-1 et suivants et R. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 23 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et par le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007 ; que, par suite, M. et Mme E... ne sauraient utilement se prévaloir de l'effet direct de cette directive communautaire, notamment de ses articles 14, 28 et 30 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ;

6. Considérant, d'une part, que si M. E... se prévaut de l'exercice d'une activité de commerce ambulant, il ressort des pièces du dossier que la déclaration de chiffre d'affaires qu'il a produite, relative au deuxième trimestre 2013, mentionnant un chiffre d'affaires s'élevant à 1 490 euros seulement et que les cinq feuilles manuscrites intitulées livret de caisse font état de recettes d'un montant total de 450 euros et de dépenses d'un montant total de 348,78 euros pour les mois de février et mars 2013 ; que par ces seuls éléments, le requérant ne justifie pas de l'exercice effectif d'une activité professionnelle ;

7. Considérant, d'autre part, que la formation de boucher rémunérée pour un montant total de 667 euros qu'il a suivie du 27 novembre 2012 au 27 mars 2013 et les deux contrats saisonniers de cueillette de pommes d'une durée totale de quatre semaines dont il a bénéficié ne caractérisent pas l'existence de ressources complémentaires stables et suffisantes pour satisfaire aux besoins de trois personnes ; que les seules ressources perçues de manière habituelle par M. et Mme E... sont les prestations familiales qui leur sont versées mensuellement et dont le montant a été de 513, 36 euros pour le mois de mars 2014 ; que, dès lors, ils ne peuvent être regardés comme disposant de ressources suffisantes au sens des dispositions précitées du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant que la date d'entrée en France de M. et Mme E... est récente et qu'ils ne justifient pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière ; que la cellule familiale peut se reconstituer en Espagne, pays dont M. E... et son fils né en mars 2013 possèdent la nationalité et où résident deux autres membres de sa famille ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que le préfet n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; que le préfet de la Sarthe n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. et Mme E... ;

9. Considérant que les décisions contestées n'ayant pas été prises sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou en réponse à des demandes présentées sur ce fondement, la méconnaissance de ces dispositions n'est pas utilement invoquée par les requérants ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la décision de refus de

titre de séjour opposée à M. E... est suffisamment motivée ; qu'en outre l'arrêté contesté vise le 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'illégalité ; que M. E... n'est dès lors pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 6, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

13. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas pour effet, par elle-même, de lui imposer de retourner dans son pays d'origine, M. E... n'en conteste pas utilement la légalité en invoquant la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions présentées par les requérants tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer leur situation ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... E...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M.D..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 novembre 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

S. AUBERT

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01241
Date de la décision : 14/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LETROUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-14;14nt01241 ?
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