Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2014, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me Martaguet, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2013 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre l'obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Martaguet de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- ses employeurs, qui sont des particuliers, ont transmis la promesse d'embauche la
concernant à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) ; cette direction a transmis les documents à la préfecture ;
- le préfet ne peut fonder sa décision sur la circonstance qu'elle ne présente pas de contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail alors qu'il appartenait à l'autorité administrative, conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 de transmettre ces documents pour instruction aux services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi avant de prendre sa décision ;
- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en n'instruisant pas sa demande au regard de l'accord franco-mauricien ; l'annexe II de cet accord vise les services aux particuliers notamment les métiers d'employé de ménage à domicile, d'intervenant à domicile et d'intervenant auprès d'enfants ;
- la condition de visa prévue par l'accord ne s'applique qu'aux ressortissants mauriciens résidant à Maurice au moment de leur demande ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 mai 2014, présenté pour Mme B... tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
elle soutient en outre que :
- l'autorisation de travail prévue par l'article L. 5221-5 du code du travail ne concerne que les étrangers ne résidant pas en France ; dans le cas contraire, le préfet est compétent pour délivrer l'autorisation de travail ;
- il appartenait au préfet, en application de l'article L. 5221-5 du code du travail, de faire instruire sa demande d'autorisation de travail par les services compétents du ministère du travail ; il n'était pas tenu de refuser le titre demandé sur le fondement de cet article ;
- l'administration ne peut se prévaloir du contenu de la circulaire du 3 mars 2010 de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle qui précise que le contrat signé doit être conforme aux dispositions prévues par le droit commun, ces précisions étant dépourvues de valeur réglementaire ;
- l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi ;
- l'arrêté ne vise aucun texte du code du travail ;
Vu la mise en demeure adressée le 1er septembre 2014 au préfet de Loir-et-Cher en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle
près le tribunal de grande instance de Nantes du 24 mars 2014 admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels, signé à Paris le 23 septembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme B..., ressortissante mauricienne, relève appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2013 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre l'obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
2. Considérant que l'arrêté contesté, qui précise notamment que la demande de carte de séjour mention " salariée " de Mme B... a été examinée sur le fondement des articles L. 211-1, L. 311-7, L. 313-10, L. 313-11 7°, L. 313-6, L. 313-14, L. 411-1, L. 511-1-I, L. 513-2, L. 513-3 et R. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivé en droit alors même qu'il ne mentionne aucune disposition du code du travail ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois." ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail qui s'est substitué à son article L. 341-2 : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 6° La carte de séjour temporaire portant la mention travailleur salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ou le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé (...) " ; que l'article R. 5221-15 de ce code dispose : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'il appartient au seul préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger résidant en France sous couvert, notamment, d'un récépissé de demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée et signée par son futur employeur, de statuer sur cette double demande ; que, s'il lui est loisible de donner délégation de signature au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en matière de délivrance des autorisations de travail des ressortissants étrangers et ainsi de charger cette administration plutôt que ses propres services de l'instruction de telles demandes, il ne peut, sans méconnaitre l'étendue de sa propre compétence opposer à l'intéressé un défaut d'autorisation de travail ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la DIRECCTE a transmis aux services de la préfecture de Loir-et-Cher la demande d'autorisation de travail présentée par des particuliers en vue de recruter la requérante en qualité d'auxiliaire parentale afin que cette demande soit prise en compte dans le cadre de l'instruction de la demande de carte de séjour de l'intéressée ; que s'il n'est pas établi que Mme B... s'est vue délivrer, lors du dépôt de cette demande, un récépissé autorisant sa présence sur le territoire national, le préfet ne s'est pas fondé sur ce motif pour lui opposer une décision de refus mais sur l'absence de contrat de travail visé par les services de la DIRECCTE et sur l'absence de présentation du visa de long séjour prévu par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en s'abstenant ainsi de procéder à l'instruction de la demande des futurs employeurs de Mme B..., le préfet de Loir-et-Cher a commis une erreur de droit ; que, toutefois, il est constant que la requérante est dépourvue du visa de long séjour exigé par les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Loir-et-Cher aurait pris la même décision s'il n'avait fondé le refus de titre de séjour contesté que sur ce seul motif qui est légalement fondé ;
6. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2.2.1. de l'accord franco-mauricien du 23 septembre 2008 : " Un visa de long séjour temporaire d'une durée maximale de validité de quinze mois, portant la mention " migration et développement ", peut être délivré à un ressortissant mauricien qui réside à Maurice, en vue de l'exercice sur l'ensemble du territoire métropolitain de la République française, de l'un des métiers énumérés en Annexe II au présent Accord, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente, sans que soit prise en considération la situation de l'emploi. " ; que si parmi les métiers énumérés à l'annexe II de l'accord franco-mauricien figurent les métiers d'employé de ménage à domicile, d'intervenant à domicile et d'intervenant auprès d'enfants, il est constant que Mme B... était présente depuis plusieurs mois sur le territoire français à la date à laquelle elle a introduit sa demande ; que, par suite, en instruisant sa demande de carte de séjour sur les seules dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Loir-et-Cher n'a pas entaché son arrêté d'erreur de droit ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 5 du présent arrêt, le motif tiré de l'absence de présentation d'un visa de long séjour est fondé sur l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non, ainsi que le soutient la requérante, sur le paragraphe 2.2.1 de l'accord franco-mauricien du 23 septembre 2008 ; qu'il suit de là que le moyen tiré du non-respect de ces stipulations n'est pas utilement invoqué ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative ait entendu faire application de la circulaire du 3 mars 2010 de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, qui n'est pas visée par l'arrêté contesté ; qu'ainsi la requérante ne peut utilement invoquer l'absence de caractère réglementaire de cette circulaire ;
9. Considérant que la requérante, entrée récemment en France en février 2012, a épousé le 14 mai 2012 M. B..., titulaire d'une carte de séjour et qu'aucun enfant n'est né de leur union ; que dans ces conditions, le préfet de Loir-et-Cher n'a pas fait une appréciation manifestement erronée de la situation de Mme B... en estimant que son admission exceptionnelle au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels ;
10. Considérant que Mme B... n'établissant pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, n'est pas fondée et doit être rejetée ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M.A..., faisant fonction de premier conseiller,
- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2014.
Le rapporteur,
N. TIGER-WINTERHALTER Le président,
S. AUBERT
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01007