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06/11/2014 | FRANCE | N°13NT02902

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 06 novembre 2014, 13NT02902


Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me L'Helias, avocat ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305454 en date du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne, sous astreinte de 150 eur

os par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre su...

Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me L'Helias, avocat ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305454 en date du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et

du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il peut se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2014, présenté par le préfet de la Mayenne, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ni celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'était pas tenu d'examiner la situation de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dès lors que l'intéressé a présenté sa demande postérieurement à l'arrêté contesté ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le requérant ne peut utilement invoquer la circulaire du 28 novembre 2012, qui ne présente pas un caractère réglementaire ;

- l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour n'est pas fondée ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 28 octobre 2013 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale désignant Me L'Helias pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 le rapport de M. Jouno, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement en date du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés au soutien des conclusions à fin d'annulation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de certificats médicaux produits par l'intéressé, que M. A... souffre notamment d'une hypertension artérielle sévère ; que, par l'arrêté litigieux, le préfet de la Mayenne a refusé d'accorder à M. A... le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade au motif que l'affection dont il souffrait pouvait faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet s'appuie, pour démontrer l'existence d'un tel traitement, sur la " liste nationale des médicaments essentiels par niveau d'utilisation " élaborée au mois d'août 2006 par les autorités guinéennes ;

5. Considérant, toutefois, que le médecin de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire avait estimé, dans un avis du 14 décembre 2012 que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié en Guinée et que les soins nécessités par son état de santé devaient, " en l'état actuel ", être poursuivis pendant un an ; que, d'ailleurs, dans un avis daté du 5 décembre 2011, ce même médecin s'était déjà prononcé en ce sens ; que la production de la liste mentionnée au point précédent, établie près de sept ans avant l'arrêté litigieux, ne permet pas, à elle seule, d'écarter l'appréciation médicale ainsi formulée ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que M. A... puisse bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Guinée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; qu'il y a ainsi lieu d'annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation, au requérant, de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet de la Mayenne délivre à M. A..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant les termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) " ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante " au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés " ; que l'article 37 de la même loi, dans sa rédaction applicable, dispose que " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. (...) "

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide

juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat, mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

10. Considérant que, d'une part, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 28 octobre 2013 ; que, d'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 ne peuvent être accueillies ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 1305454 en date du 1er octobre 2013 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet de la Mayenne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Mayenne de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNO Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT029022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02902
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SCP BARBARY MORICE LHELIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-06;13nt02902 ?
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