Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant ..., par MeC... ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1206444 en date du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2012 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à un nouvel examen de sa situation aux fins notamment de délivrance d'un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me C..., d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
il soutient que :
- le préfet ne l'a pas mis en mesure de présenter ses observations préalables à la décision portant obligation de quitter le territoire en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2013, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne sont pas applicables en matière d'obligation de quitter le territoire français ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 24 juin 2013, présentées pour M. B... ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2014, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que précédemment ;
Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 27 février 2013 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me C... pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2014 :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;
1. Considérant que M. B..., ressortissant roumain, relève appel du jugement en date du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2012 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris à l'encontre d'un ressortissant communautaire, et même si celui-ci n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré par M. B... de la méconnaissance par le préfet de la Loire-Atlantique de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, lorsqu'il oblige un ressortissant communautaire à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision défavorable est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été auditionné le 28 février 2012 par les services de police préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français ; que, lors de cette audition les services de police, qui ont interrogé le requérant sur ses conditions d'entrée et de séjour en France ainsi que sur sa situation personnelle et familiale, lui ont expressément indiqué qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et, contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'ont invité à présenter ses observations ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ;
6. Considérant que M. B..., entré en France en 2007, à l'âge de 39 ans, soutient qu'il y réside avec son épouse et ses quatre enfants, que lui-même et sa famille justifient, par de nombreuses pièces, de leurs efforts d'intégration et que trois de ses enfants sont scolarisés, cependant que l'une de ses filles est suivie en semi-internat au sein d'un institut médico-éducatif ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. B... ne justifie d'aucun droit au séjour et est en situation irrégulière sur le territoire français ; que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Roumanie, ni à ce que ses enfants puissent y poursuivre une scolarité normale, ni enfin à ce que leur fille Andrea puisse bénéficier d'une prise en charge adaptée ; que, par suite, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, en conséquence, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de ces mêmes circonstances, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à un nouvel examen de sa situation doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2014.
Le rapporteur,
C. LOIRAT Le président,
F. BATAILLE
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT011082