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27/06/2014 | FRANCE | N°13NT01803

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 juin 2014, 13NT01803


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant au..., par Me Le Strat, avocate au barreau de Rennes ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203620 du 17 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2011 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Erythrée ou tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays de de

stination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'en...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant au..., par Me Le Strat, avocate au barreau de Rennes ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203620 du 17 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2011 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Erythrée ou tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou de procéder à un nouvel examen de sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1500 euros sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation de ce dernier à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas été informé, avant la tenue de l'audience du sens des conclusions du rapporteur public ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivés dès lors qu'il n'est pas indiqué sur quel fondement ces décisions sont intervenues faute de préciser l'un des fondements spécifiques énumérés à l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de faire état de l'article L 742-6 du même code alors que l'administration avait connaissance du caractère non définitif du rejet de sa demande d'asile ;

- la procédure instituée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le code de justice administrative ne lui permettent pas de bénéficier d'un recours effectif et méconnaissent les stipulations des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'à la date de la décision du préfet, il était toujours demandeur d'asile, son recours étant pendant devant la cour nationale du droit d'asile par l'entremise d'un dossier d'aide juridictionnelle de sorte que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont illégaux ;

- la décision fixant l'Erythrée comme pays de destination est insuffisamment motivée en fait ;

- la décision fixant l'Erythrée comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2013, présenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il s'en remet à l'appréciation de la cour pour ce qui est de la régularité du jugement attaqué ;

- le requérant se borne à reprendre de façon identique ses moyens de première instance, qui seront écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

- le requérant s'est délibérément altéré les empreintes digitales et que ce comportement, constitutif d'une fraude avérée, a eu pour conséquence que sa demande d'asile a été examinée en procédure prioritaire ;

- il s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de premières instance ;

Vu la décision du 2 mai 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis M. B... A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2014 :

- le rapport de M. Sudron, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant se prévalant de la nationalité érythréenne, relève appel du jugement du 17 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2011 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Erythrée ou tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;

3. Considérant qu'il résulte des mentions du jugement attaqué qu'au cours de l'audience du 29 novembre 2012, le rapporteur public a prononcé des conclusions sur la demande présentée par M.A... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, ou son conseil, aurait été mis en mesure de connaître le sens des conclusions du rapporteur public avant la tenue de l' audience, ainsi que le prescrit l'article R.711-3 du code de justice administrative; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et, par suite, à en demander l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté, en ce qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour, mentionne les circonstances dans lesquelles M. A... est entré irrégulièrement en France, indique qu'il a sollicité l'asile et que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande ; qu'ainsi, en visant dans son arrêté le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il ne précise pas explicitement que sa décision se fonde eu égard à ces motifs sur le 1° et le 3° du I de cet article, le préfet a, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment indiqué les considérations de fait et de droit servant de fondement à sa décision ; que si le requérant soutient que cette motivation serait insuffisante au motif qu'elle ne vise pas l'article L. 742-6 du même code alors que l'administration avait connaissance du caractère non définitif du rejet de sa demande d'asile en raison de l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle en vue de contester la décision de l'OFPRA devant la Cour nationale du droit d'asile, l'administration n'avait pas, à peine d'irrégularité de cet arrêté, à faire état des dispositions de cet article qui ne fondent pas sa décision ;

6. Considérant, en second lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que, d'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 741-4 et L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'OFPRA statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé au motif, notamment, que la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ; que, selon l'article L. 742-6 du même code, l'étranger qui se trouve dans ce cas bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office, aucune mesure d'éloignement ne pouvant être mise à exécution avant cette décision ;

7 Considérant qu'après la présentation d'une demande d'asile par M. A..., le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé, le 1er février 2011, de l'admettre provisoirement au séjour en vue de l'examen de cette demande, en se fondant sur le 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé avait apporté volontairement des altérations à ses empreintes digitales rendant impossible l'exploitation de celles-ci et que sa demande d'asile reposait ainsi sur une fraude délibérée ; qu'examinée selon la procédure prioritaire prévue par l'article L. 723-1 de ce code, cette demande a été rejetée par le directeur de l'OFPRA le 19 juillet 2011 ; qu'à la suite de cette décision, le préfet a, par l'arrêté attaqué, notifié au requérant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire ; que M. A...soutient que la procédure instituée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le code de justice administrative ne lui permettent pas de bénéficier d'un recours effectif et méconnaissent les stipulations des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'à la date de la décision du préfet, il était toujours demandeur d'asile, son recours étant pendant devant la Cour nationale du droit d'asile par l'entremise d'un dossier d'aide juridictionnelle ;

8. Considérant, d'une part, que les stipulations de l'article 3 de cette convention ne peuvent être utilement invoquées pour contester dans la mesure précitée la décision du préfet eu égard à son objet et à ses effets ; que, d'autre part, le droit au recours effectif, qui n'implique pas nécessairement que l'étranger, disposant au demeurant de la faculté de se faire représenter notamment par un conseil, puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours, n'est pas méconnu du seul fait que le recours contre la décision de l'OFPRA formé devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente pas un caractère suspensif ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

9. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise l' article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il indique que M. A...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, et alors même que cet arrêté ne fait pas mention des risques encourus en cas de retour en Erythrée du fait d'une violence généralisée et d'un service militaire permanent, il est, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé en fait ;

10. Considérant, en second lieu, que le requérant se prévaut de la violation des stipulations, reproduites au point 6, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant que M. A...se borne à produire des écrits généraux sur le service national obligatoire instauré en Erythrée pour l'ensemble des hommes et des femmes de 18 à 40 ans et prolongé indéfiniment ainsi que sur les conditions de déroulement de ce service ; que les pièces qu'il produit ne permettent pas de tenir pour établie la réalité des risques de mauvais traitements auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l' article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2011 du préfet d'Ille-et-Vilaine ne peut qu'être rejetée ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 décembre 2012 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Sudron, président-assesseur,

- et Mme Buffet, premier conseiller.

Le rapporteur,

A. SUDRONLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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13NT01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01803
Date de la décision : 27/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Alain SUDRON
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-27;13nt01803 ?
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