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13/06/2014 | FRANCE | N°13NT00767

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 juin 2014, 13NT00767


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, dont le siège est 11 rue Cluseret à Suresnes (92150), représentée par son président, par Me Thiriez, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-1775 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2011 par laquelle le maire de Caen a décidé d'exer

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Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, dont le siège est 11 rue Cluseret à Suresnes (92150), représentée par son président, par Me Thiriez, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-1775 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2011 par laquelle le maire de Caen a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur l'immeuble à usage de chapelle situé rue Caponière sur le terrain cadastré OB n° 48 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Caen une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les premiers juges ont en partie fondé leur appréciation sur des éléments non versés aux débats ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne permet pas de déterminer l'existence et la nature d'un projet d'intérêt général en renvoyant à une communication imprécise effectuée lors d'une séance du conseil municipal ;

- en raison du caractère vague des indications données, la réalité du projet ne pouvait alors être regardée comme établie ;

- l'intérêt d'accueillir le centre chorégraphique national dans la chapelle préemptée ne ressort pas des pièces du dossier ; les locaux actuels, reconnus de qualité par la ville de Caen, suffisent aux activités du centre et peuvent être facilement améliorés ; la transformation en espace de danse de la chapelle présente un coût démesuré qui va à l'encontre de l'intérêt général ; cette chapelle ne se prête pas à une activité de danse, notamment par ses trop vastes dimensions ; en outre, son classement au titre des monuments historiques et la présence d'un orgue soumettent à de lourdes contraintes les aménagements nécessaires ; par ailleurs, enclavée, elle ne comporte pas de places de stationnement ; de plus, l'activité chorégraphique est incompatible avec les éléments du culte encore présents et avec l'existence dans les lieux d'une sépulture, le maire ayant sur ce point méconnu les dispositions du code général des collectivités territoriales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2013, présenté pour la ville de Caen, représentée par son maire, par Me Gras, avocat au barreau de Paris ;

la ville de Caen conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- certains éléments factuels relevés dans le jugement ressortent de la visite des lieux à laquelle a procédé le tribunal ;

- le projet en vue duquel le droit de préemption est exercé est clairement mentionné dans la décision contestée ;

- l'implantation du centre chorégraphique national dans la chapelle du Bon-Sauveur était certaine dans son principe à la date de la décision contestée, résultant notamment de la délibération du conseil municipal du 12 juillet 2010 et des demandes de subvention adressées à l'Etat et à la Région ;

- les caractéristiques du centre de chorégraphie existant ne sont pas susceptibles d'amélioration ; la chapelle préemptée permettra d'organiser les espaces nécessaires aux besoins du centre, comprenant notamment des studios en sous-sol, ainsi que l'accueil du public ; la direction régionale des affaires cultuelles est favorable au transfert ; l'opération, dont le coût n'est pas excessif eu égard à son caractère régional, ne compromettra pas les finances de la ville ;

- le moyen tiré de la prétendue violation de la police des sépultures est inopérant ;

Vu l'ordonnance du 8 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 24 avril 2014 à 12 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2014, présenté pour l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens qu'elle développe ;

Vu l'ordonnance du 24 avril 2014 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- les observations de Me Thiriez, avocat de l'Association Culturelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Gras, avocat de la commune de Caen ;

1. Considérant que la société Caen-Caponière a, le 21 avril 2011, adressé à la ville de Caen une déclaration d'intention d'aliéner portant sur le bâtiment dit chapelle du Bon-Sauveur, édifié sur quatre étages avec sous-sol, y compris le clocher, le narthex, la cour anglaise et la terrasse supérieure le long de la façade sud-ouest, d'une surface de 2 165 m², situé rue Caponière sur le terrain cadastré OB n° 48, pour un montant de 330 000 euros ; que, par décision du 20 juin 2011, le maire de Caen a décidé d'exercer sur cet immeuble le droit de préemption urbain au prix de 200 000 euros ; que l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, acquéreur évincé, relève appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que pour motiver ce dernier, le tribunal s'est fondé sur l'ensemble des pièces du dossier régulièrement communiquées à chacune des parties, y compris le procès-verbal établi à l'issue de la visite des lieux effectuée par le tribunal le 11 septembre 2012 et les observations qui y ont fait suite ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu le principe du contradictoire et n'est dès lors pas entaché de l'irrégularité alléguée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de préemption du 20 juin 2011 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) " ; que, selon l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier si le projet envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit ;

4. Considérant, en premier lieu, que la décision de préemption contestée souligne l'opportunité pour la commune d'acquérir la chapelle du Bon-Sauveur pour y implanter le centre chorégraphique national de Caen/Basse-Normandie, renommé pour la qualité de ses projets artistiques, et lui permettre de développer sa dynamique, compte tenu de l'intérêt présenté par cet édifice tant sur le plan urbanistique, en raison notamment de sa proximité immédiate du centre-ville, que sur le plan culturel, en relation avec le projet culturel de la ville de Caen, présenté à la séance du conseil municipal du 14 septembre 2009, dont la décision litigieuse rappelle qu'il avait sur ce point l'ambition de créer un nouveau lieu dédié à " l'art vivant " et d'accueillir le centre chorégraphique dans un lieu plus adapté à ses besoins, notamment pour ses créations et ses collaborations avec d'autres compagnies de danse ; qu'en outre, elle fait allusion aux avis favorables à l'acquisition envisagée, émis respectivement par l'Etat et la Région Basse-Normandie et à leur soutien à cet effet ; qu'ainsi cette décision, qui fait apparaître la nature du projet pour lequel le droit de préemption est exercé, est suffisamment motivée au regard des dispositions précités de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le conseil municipal de Caen avait projeté dès le 14 septembre 2009, ainsi qu'il vient d'être dit, d'héberger le centre chorégraphique national dans de nouveaux locaux plus vastes ; que, par une délibération du 12 juillet 2010, il a donné mandat au maire pour acquérir la chapelle du Bon-Sauveur, considérée comme intéressante et comme " un signal fort donné à la danse " pour accueillir le centre chorégraphique ; que, par courriers respectifs des 24 novembre 2010 et 15 février 2011, le maire a sollicité des subventions de l'Etat (direction régionale des affaires culturelles) et de la région Basse-Normandie afin de compléter le financement du projet, qui ont donné lieu les 13 décembre 2010 et 2 mars 2011 à des accords de principe ; qu'ainsi, à la date de la décision litigieuse, la ville de Caen justifiait de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

6. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la visite des lieux à laquelle a procédé le tribunal, portant sur les locaux actuels du centre chorégraphique national de Caen/Basse-Normandie et sur la chapelle du Bon-Sauveur, et des observations produites par les parties lors de sa diffusion, que les locaux occupés par le centre sont devenus insuffisants pour accueillir un public croissant, qu'ils répondent mal aux exigences des troupes chorégraphiques, en raison notamment d'un nombre insuffisant de studios de répétition et de surfaces de rangement et qu'il ne peut être efficacement remédié à leur isolation phonique défectueuse due à la présence du gymnase voisin ; qu'en revanche, l'immeuble préempté dispose des vastes volumes nécessaires à l'organisation de spectacles et autorisant, le cas échéant, la division des locaux, d'une hauteur sous plafond permettant l'installation de projecteurs appropriés, d'un sous-sol permettant l'installation de plusieurs studios et d'espaces de rangement adéquats ; que son classement au titre des monuments historiques ne constitue pas un obstacle à l'affectation envisagée ; qu'il n'est pas établi que le coût de l'opération, appelée à bénéficier de subventions, serait excessif et de nature à compromettre les finances communales ; que, dans ces conditions, et alors que l'appelante ne saurait utilement se prévaloir ni de l'insuffisance de places de stationnement dans le secteur environnant la chapelle du Bon-Sauveur, ni de la méconnaissance de dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la police des sépultures, le projet envisagé par la ville de Caen était de nature à justifier légalement l'exercice du droit de préemption ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature que la ville de Caen a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X est rejetée.

Article 2 : L'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X versera à la ville de Caen une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X et à la ville de Caen.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOIS Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'égalité des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00767
Date de la décision : 13/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-13;13nt00767 ?
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