La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2014 | FRANCE | N°13NT01760

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 juin 2014, 13NT01760


Vu le recours, enregistré le 17 juin 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1 du jugement n° 0906579 en date du 11 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à la demande de la SARL Jardin d'images de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006 et des pénalités correspondantes ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Jardin d'images ce rappel de taxe sur la valeur

ajoutée d'un montant de 5 868 euros ;

il soutient que :

- le tribunal, qui ne p...

Vu le recours, enregistré le 17 juin 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1 du jugement n° 0906579 en date du 11 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à la demande de la SARL Jardin d'images de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006 et des pénalités correspondantes ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Jardin d'images ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 5 868 euros ;

il soutient que :

- le tribunal, qui ne pouvait, pour prononcer la décharge des impositions en cause, se fonder uniquement sur la vérification des critères matériels posés par les dispositions de l'article 278 septies du code général des impôts et le 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III à ce code mais devait s'interroger sur la qualification d'oeuvre d'art des albums de photographies de mariages ayant donné lieu à la proposition de rectification, a commis une erreur de droit ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits dès lors que la réalisation des photographies de mariages ne constitue pas un travail qui dépasse la simple fixation du souvenir d'un événement, d'un voyage ou de personnages qui présenterait un intérêt pour tout public ; les photographies réalisées l'ont été dans le cadre d'une activité commerciale destinée à répondre à une demande de la clientèle et, par suite, les photos de mariage sont des travaux dont l'intérêt dépend de la nature du bien représenté ou de la qualité de la personne ; ces travaux n'ont vocation ni à être exposés, ni à être vendus à des personnes étrangères à la scène photographiée, la société ayant indiqué elle-même que l'auteur de la photographie ne dispose pas du droit de représentation publique de l'image du sujet ; la circonstance que les photographes de la SARL Jardin d'images réalisent des prises de vue avec professionnalisme et sens de l'esthétique ne suffit pas à leur conférer le caractère d'oeuvre d'art créée par un artiste ;

- le tribunal ne pouvait, sans contradiction de motifs, accueillir le moyen de la société dès lors que les albums composés de photographies prises par le gérant de la société n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 278 septies du code général des impôts et du 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III à ce code dans la mesure où de telles dispositions ne sont pas applicables aux recueils de photographies non visés par les textes en cause tout en relevant que les conditions d'octroi du régime du taux réduit tenant à la signature et à la numérotation des photographies n'étaient pas satisfaites ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2014, présenté pour la SARL Jardin d'images, dont le siège social est situé 8, rue Aristide Briand à Rezé (Loire-Atlantique), par Me Rebière-Lathoud, avocat ; elle conclut au rejet du recours du ministre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'application des dispositions de l'article 278 septies du code général des impôts, du 7° du II de l'article 98 A II de l'annexe III à ce code et de l'instruction 3 C-3-03 du 25 juin 2003 sont suffisantes pour permettre d'écarter les moyens du ministre tendant à contester l'application du taux réduit aux photographies de mariages ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 3 C-3-03 du 25 juin 2003, dont il incombe à l'administration d'établir la date de publication, concernant l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux oeuvres d'art constituées par les photographies de mariages dès lors que les photographies en litige entrent dans le champ d'application de cette instruction dans la mesure où leur qualité artistique ne saurait être déniée au motif qu'elles n'ont pas vocation à être exposées, ni à être vendues à des personnes étrangères à la scène photographiée, où elle a participé à différentes expositions européennes, a présenté ses photos auprès de professionnels, a obtenu un prix de la création de la chambre des métiers et a utilisé des matériels spécifiques pour réaliser les photographies et où la signature de l'ouvrage produit ses effets d'authentification sur l'intégralité du contenu de l'ouvrage de sorte que la numérotation de chaque photographie n'était pas nécessaire ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 avril 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut comme précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de M. Lenoir, président ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Jardin d'images, société spécialisée dans les travaux de photographie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période comprise entre le 1er juillet 2003 et le 30 juin 2006 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause l'application, par la société, du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions de l'article 278 septies du code général des impôts à certaines de ses prestations et notamment aux ventes d'albums de photographies de mariages au motif que ces photographies ne pouvaient être regardées comme des oeuvres d'art ; qu'elle a assujetti les recettes de la société tirées de ces ventes au taux normal de cette taxe ; que le ministre délégué chargé du budget relève appel de l'article 1er du jugement en date du 11 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de la SARL Jardin d'images et tendant, en tant qu'elle porte sur la taxe applicable à ces albums, à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de cette période, et des pénalités correspondantes ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 278 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % : (...) 2° Sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit (...) ; qu'aux termes de l'article 98 A de l'annexe III au même code, issu de l'article 2 du décret du 17 février 1995 pris pour l'application de ces dispositions et reprenant la liste figurant à l'annexe I de la directive 94/5/CE du 14 février 1994 du Conseil portant régime particulier applicable dans le domaine des biens d'occasion, des objets d'art, de collection ou d'antiquité, reprise ultérieurement à la partie A de l'annexe IX de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : " II. Sont considérées comme oeuvres d'art les réalisations ci-après : (...)7° Photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. " ; que, compte tenu du caractère dérogatoire de l'article 278 septies, les dispositions de l'article 98 A de l'annexe III au code, qui énumèrent limitativement les réalisations pouvant être regardées comme des oeuvres d'art, doivent être interprétées strictement ;

3. Considérant que si des photographies sont prises, tirées par son auteur ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus, la réalisation de l'ensemble de ces circonstances ne saurait par elle-même leur conférer le caractère d'oeuvres d'art pour l'application de ces dispositions ; qu'il incombe au contribuable, qui entend appliquer à leur vente le taux réduit de 5,50 % de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 278 septies du code général des impôts, d'apporter tous éléments de nature à établir que ces photographies peuvent recevoir cette qualification ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son recours, le ministre délégué chargé du budget soutient à bon droit que le tribunal administratif a fait une inexacte application des dispositions du 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III au même code en se bornant, pour faire droit à la demande de la société, à constater que les critères matériels qu'elles prévoient étaient satisfaits sans indiquer au préalable que les photographies de mariages réalisées par la société et, par suite, les albums les contenant pouvaient, à raison de leur caractère d'originalité et de l'existence d'une réelle intention créatrice, être regardées comme des photographies prises par un artiste et par suite recevoir la qualification d'oeuvres d'art ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Jardin d'images, tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

5. Considérant, d'une part, que la société requérante n'a apporté, pas plus devant le tribunal que devant la cour, d'éléments permettant d'établir que, quelle que soit leur qualité, les photographies en litige auraient présenté un caractère d'originalité et manifesté une réelle intention créatrice, susceptibles de les faire regarder, ne serait-ce que pour une partie d'entre elles, comme des photographies prises par un artiste et par suite comme des oeuvres d'art au sens du 7° du II de l'articles 98 A de l'annexe III au code général des impôts ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale a, à tort, refusé de regarder les albums numérotés et tirés en exemplaires limités que la société avait édités à l'occasion de mariages comme des oeuvres d'art et de faire application du taux réduit de 5,5 % de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions précitées de l'article 278 septies de ce code ;

6. Considérant, d'autre part, que la SARL Jardin d'images ne peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 3 C-3-03 du 25 juin 2003, publiée au bulletin officiel des impôts de la direction générale des impôts n° 115 du 2 juillet suivant, relative aux conditions d'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévues à l'article 278 septies du code général des impôts en ce qui concerne les photographies d'art, dès lors que cette instruction, en tant qu'elle exige une réelle intention créatrice, ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle énoncée au point 3 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué chargé du budget est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et à ce que soient remis à la charge de la société le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux ventes d'albums de photographies de mariages au titre de la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006 ainsi que les pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux ventes d'albums de photographies de mariages au titre de la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006 et les pénalités correspondantes sont remis à la charge de la SARL Jardin d'images.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Jardin d'images tendant au versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la SARL Jardin d'images.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Lenoir, président-rapporteur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

H. LENOIR

Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

N° 13NT017602

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01760
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Calcul de la taxe - Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : REBIERE LATHOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;13nt01760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award