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12/06/2014 | FRANCE | N°12NT01966

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 juin 2014, 12NT01966


Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2012, présentée pour la société Chatelet, dont le siège social est Zac de Conneuil, 19 avenue Léonard de Vinci à Montlouis sur Loire (37270), par Me Cohen avocat ; la société Chatelet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003175 en date du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2007 ;

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°) de prononcer la décharge desdits rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) d...

Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2012, présentée pour la société Chatelet, dont le siège social est Zac de Conneuil, 19 avenue Léonard de Vinci à Montlouis sur Loire (37270), par Me Cohen avocat ; la société Chatelet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003175 en date du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2007 ;

2°) de prononcer la décharge desdits rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'administration n'a pas respecté les exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ne motivant pas suffisamment, lors de toute la procédure d'imposition, alors que la charge de la preuve lui incombait, les raisons des rappels de TVA ;

- la prestation globale proposée était une livraison de denrées alimentaires ;

- la doctrine résultant de l'instruction du 8 mars 1993 et qui permettait sous certaines conditions aux traiteurs d'appliquer un taux réduit de TVA a été reprise dans la documentation administrative 3 C-341 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut, au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été respectées ;

- en matière de TVA à taux réduit, la preuve obéit à un régime objectif ;

- l'activité de " traiteurs sans service " constitue une prestation de service et non une livraison de denrées alimentaires ;

- la doctrine 3 C-341 n'était plus en vigueur pour les années en litige et, en tout état de cause, sa reprise dans la documentation de base 3 C-32 n'est pas applicable aux faits de l'espèce ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2013, présenté pour la société Chatelet qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que sa requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que son mémoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2013, présenté pour la Sarl Chatelet qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que les questionnaires sur lesquels s'appuie l'administration sont peu nombreux et comportent des contradictions ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut aux mêmes fins que son mémoire, par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- il appartenait à la société de pouvoir justifier le taux de TVA réduit qu'elle appliquait sur certaines ventes ;

- l'administration s'est fondée sur 108 opérations de ventes traiteurs et a adressé des questionnaires à l'ensemble de ces clients qui ont répondu en indiquant que ces ventes s'étaient accompagnées de la mise à disposition d'une des salles équipées de tables, de chaises et divers matériels ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2014, présenté pour la Sarl Chatelet qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que l'administration fiscale à l'occasion du changement de taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration en 2009 a fixé des critères concernant la nature des ventes à emporter ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 avril 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut aux mêmes fins que son mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de M. Giraud, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Chatelet qui exerce une activité de restauration, traiteur et vente de plats à emporter sous la dénomination commerciale " les salons Montlouis " a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 à l'issue de laquelle l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur certaines prestations a été remis en cause ; que, par une proposition de rectification en date du 30 septembre 2008, des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiés selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que la SARL Chatelet relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 14 juin 2012 par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2007 ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ;

3. Considérant que la proposition de rectification adressée le 30 septembre 2008 à la société Chatelet précise les années d'imposition, la nature et le montant en base des rehaussements envisagés ; qu'elle indique également les motifs ayant conduit le vérificateur à estimer que le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée devait s'appliquer à certaines factures pour lesquelles la société avait appliquée le taux réduit ; que, par suite, la société requérante, disposait des éléments d'information nécessaires pour présenter utilement ses observations ; que dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la motivation de cette proposition de rectification ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des

impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 278 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % " ; qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 p. 100 en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : 1° Eau et boissons non alcooliques ; 2° Produits destinés à l'alimentation humaine " ; qu'il résulte de ces dispositions que si les ventes à emporter de produits alimentaires bénéficient du taux réduit de 5, 50 pour cent de la taxe sur la valeur ajoutée, les ventes de produits alimentaires, dont la réalisation s'accompagne de la mise à disposition du client de services permettant la consommation sur place, présentent, lorsque les services qui résultent de cette mise à disposition sont prépondérants par rapport à la livraison des produits, le caractère d'une prestation de service passible du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il appartient en conséquence au juge de l'impôt d'apprécier eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la TVA ou dans celui du taux normal de cette taxe;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des nombreuses réponses aux questionnaires soumis par l'administration aux clients de la société requérante, qu'était mise à la disposition de ces derniers une salle, connexe au lieu de fabrication des repas, équipée de tables, de chaises, d'armoires froides, de fours, de nappes, de serviettes en papiers, de couverts et de l'ensemble de la vaisselle nécessaire à un repas ; que si la société soutient que la mise à disposition de ces facilités ne sauraient retirer aux ventes de plats dénommées " sans service " leur caractère de vente à emporter de produits alimentaires au sens du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts, dès lors qu'aucun service à table n'est inclus, que les infrastructures utilisées par les clients le sont à titre gratuit et que celles-ci leur permettent de choisir le moment où ils vont consommer les denrées, ce moyen doit être écarté dès lors que la fourniture de telles facilités permettant une consommation sur place, dans un cadre adapté, des produits alimentaires préparés par la société requérante caractérise une prestation de service de restauration et non une simple vente à emporter desdits produits alimentaires ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis cette prestation au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne l'invocation de la doctrine :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;

7. Considérant que la société n'est pas fondée à se prévaloir des mentions figurant dans la documentation administrative 3 C-341 ni des différentes informations données par l'administration fiscale à l'occasion du changement de taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration en 2009 dont elle n'a pu faire application dès lors que l'article L 80 A du livre des procédures fiscales ne rend opposables à l'administration que les interprétations en vigueur à la date de la mise en recouvrement de l'imposition primitive ou de la déclaration ; que si la société peut, par ailleurs, être regardée comme se prévalant de la documentation administrative de base 3C-32 reprenant les termes de la documentation 3 C-341, les termes de celle-ci ne visent que les cas de vente de plats préparés s'accompagnant de prestations de services rendues par le traiteur dans les locaux du client et ne sont donc pas applicables au présent litige ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Chatelet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société Chatelet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Chatelet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chatelet et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

T. GIRAUD Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01966
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;12nt01966 ?
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