Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2013, présentée pour Mme C... A..., demeurant..., par Me Sultan-Danino, avocat au barreau de Paris ; Mme A... D...ssdemande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 11-12416 du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a, sur recours hiérarchique, maintenu l'ajournement à trois ans de sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision, ainsi que la décision initiale préfectorale d'ajournement du 23 juin 2011 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; elle n'a pas été rendue destinataire de l'avis d'audience ; ignorant la date de l'audience, elle a vainement répliqué au mémoire en défense du ministre par mémoire enregistré au greffe du tribunal le 12 juillet 2013 ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- les faits de séjour irrégulier qui lui sont reprochés sont anciens ; sa situation de mère célibataire, sans famille, explique qu'elle n'a pas été bien orientée aux fins de régler sa situation administrative ; elle est exempte de tout reproche depuis son entrée en France ;
- la décision contestée mentionne de manière erronée qu'elle a de manière systématique acquitté ses impôts après majorations et commandements ; elle s'est trouvée au chômage de 2008 à 2009 ; elle n'a plus jamais eu un comportement fiscal sujet à critiques ;
- elle remplit l'ensemble des conditions requises en matière de naturalisation ; elle a fixé en France le centre de ses intérêts familiaux et matériels ; elle est assimilée sur le plan linguistique et est de bonnes vie et moeurs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée est irrecevable car reposant sur une cause juridique distincte ;
- en faisant valoir le contexte particulier dans lequel elle s'est établie en France, la requérante ne conteste pas qu'elle s'est volontairement maintenue durant plus de huit années de manière irrégulière sur le territoire français ; ces faits ne sont pas particulièrement anciens ;
- c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation qu'il a pris en compte le règlement tardif des taxes d'habitation de la postulante ;
- la circonstance tirée de la fixation en France par l'intéressée de ses intérêts familiaux et professionnels est sans incidence sur la légalité de sa décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :
- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme A..., de nationalité ivoirienne, interjette appel du jugement du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a, sur recours hiérarchique, maintenu l'ajournement à trois ans de sa demande de naturalisation ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-2 du code de justice administrative, " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience " ;
3. Considérant que Mme A... soutient qu'elle n'a été destinataire d'aucun avis d'audience ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif de Nantes que Mme A... ait été convoquée à l'audience du 5 juillet 2013 dans les conditions prévues par ces dispositions ; qu'il suit de là que la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; qu'il y a lieu de l'annuler et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision préfectorale du 23 juin 2011 :
4. Considérant que la décision du 21 octobre 2011 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté le recours introduit par Mme A... à l'encontre de la décision préfectorale du 23 juin 2011 ajournant sa demande d'acquisition de la nationalité française s'est substituée à cette dernière ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables ;
En ce qui concerne la décision ministérielle du 21 octobre 2011 :
S'agissant de la légalité externe :
5. Considérant que le moyen soulevé par Mme A... pour la première fois en appel et tiré de ce que la décision du 21 octobre 2011 est insuffisamment motivée, qui repose sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens qu'elle a soulevés en première instance, présente le caractère d'une demande nouvelle et n'est pas d'ordre public ; qu'il est, par suite, irrecevable ;
S'agissant de la légalité interne :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
7. Considérant que, pour ajourner à trois ans la demande de naturalisation présentée par Mme A..., le ministre s'est fondé sur la double circonstance que l'intéressée avait séjourné irrégulièrement sur le territoire national de 1994 à 2002 et qu'elle avait au cours de ces dernières années systématiquement acquitté ses impôts après majorations et commandements à payer ;
8. Considérant, en premier lieu, que si le ministre peut sans erreur de droit, opposer le motif de l'irrégularité du séjour pour rejeter ou ajourner la demande de naturalisation du postulant, il ne saurait, en l'absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l'ancienneté des faits est telle qu'elle est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que Mme A... a séjourné de manière irrégulière sur le territoire français de 1994 à 2002 et qu'elle y séjourne régulièrement depuis cette date ; qu'eu égard à l'ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de huit ans par rapport à la date de la décision contestée, le ministre a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui opposant ce motif ;
10. Considérant toutefois, en deuxième lieu, que le ministre chargé des naturalisations s'est également fondé, comme il a été dit ci-dessus, pour ajourner à trois ans la demande de Mme A..., sur un autre motif tiré du comportement de la postulante au regard de ses obligations fiscales ; qu'il est constant que Mme A... a acquitté après majorations la taxe d'habitation dont elle était redevable, au titre des années 2008 et 2009 ; qu'en se fondant sur le comportement de la postulante au regard de ses obligations fiscales, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif ;
11. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré du respect par la requérante des conditions de recevabilité fixées par les articles 21-16, 21-23 et 21-24 du code civil est inopérant, dès lors que la décision contestée a été prise sur le fondement de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme A... B...B...ESSIANEEE, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susmentionnées ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par Mme A... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 juillet 2013 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2014.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
A. SUDRON
Le président-rapporteur,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT026382
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