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09/05/2014 | FRANCE | N°12NT03230

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 mai 2014, 12NT03230


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2012, présentée pour la société fougeraise de distribution (Sofodis), dont le siège est sis route de Paris zone industrielle à Mondeville (14120), la société Carrefour Insurance Limited, dont le siège est sis 25/28 Adelaïde road à Dublin, Irlande, par Me B... ; la société Sofodis et la société Carrefour Insurance Limited demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004628 du 11 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à payer, d'une part,

la société Sofodis la somme de 20 437,69 euros, assortie des intérêts et de ...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2012, présentée pour la société fougeraise de distribution (Sofodis), dont le siège est sis route de Paris zone industrielle à Mondeville (14120), la société Carrefour Insurance Limited, dont le siège est sis 25/28 Adelaïde road à Dublin, Irlande, par Me B... ; la société Sofodis et la société Carrefour Insurance Limited demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004628 du 11 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à payer, d'une part, à la société Sofodis la somme de 20 437,69 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et, d'autre part, à la société Carrefour Insurance Limited la somme de 4 059,02 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait d'actions d'agriculteurs le 15 mai 2009 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 20 437,69 euros et 4 059,02 euros, assorties des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :

- les actes perpétrés par les producteurs de lait sont constitutifs de délits d'extorsion et de dégradation volontaire au sens des articles 312-1 et 322-1 du code pénal ainsi que d'une entrave à la liberté du travail ;

- les dommages causés sont bien la conséquence d'un attroupement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure (anciennement article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales) dès lors qu'ils ont eu lieu dans le cadre d'un mouvement national de protestation de producteurs laitiers ;

- l'appréciation portée par les premiers juges sur la carence des forces de police est erronée dans la mesure où la seule inaction des forces de l'ordre, indépendamment de toute faute, suffit à engager la responsabilité de l'Etat ;

- la charge de la preuve des diligences incombe à l'Etat ; les forces de police présentes ne sont pas intervenues ;

- elles ont subi un préjudice anormal et spécial du fait de l'abstention de la police à intervenir ; la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques trouve à s'appliquer ;

- elles justifient les préjudices subis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 juin 2013 au préfet d'Ille-et-Vilaine, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2013, présenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui conclut au rejet de la requête ;

le préfet fait valoir que :

- l'action menée le 15 mai 2009 était incontestablement préméditée et ne peut être regardée comme un attroupement dès lors qu'elle avait pour objectif d'extorquer sous la contrainte des produits laitiers pour les distribuer gratuitement ;

- la preuve d'une faute lourde des forces de police n'est pas rapportée ; eu égard au climat de tension une intervention des forces de l'ordre aurait eu pour conséquence une aggravation des troubles ;

Vu le courrier en date du 6 février 2014 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2014 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales et le code de la sécurité intérieure ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour la société Fougeraise de Distribution et la société Carrefour Insurance Limited ;

1. Considérant que la société Sofodis et la société Carrefour Insurance Limited relèvent appel du jugement du 11 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à payer, d'une part, à la société Sofodis la somme de 20 437,69 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et, d'autre part, à la société Carrefour Insurance Limited la somme de 4 059,02 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait d'actions d'agriculteurs le 15 mai 2009 :

Sur la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) " ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du compte-rendu d'infraction initial établi le 22 mai 2009, que le 15 mai 2009 entre 15 h 30 et 18 h 30, en dehors de toute manifestation de rue, une délégation d'agriculteurs du syndicat FNSEA a bloqué l'entrée du centre commercial " Carrefour " de Fougères et obligé son directeur à leur céder l'ensemble des briques de lait en rayonnage et réserves pour les distribuer aux clients dans le cadre d'une opération médiatique ; que la circonstance que ces faits, manifestement prémédités et organisés, se sont déroulés dans un contexte de revendication nationale des producteurs de lait ne suffit pas à établir que les agissements à l'origine des dommages en cause ont été commis par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions précitées ;

En ce qui concerne la faute imputée à l'Etat :

4. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que la carence de la police à intervenir constitue une faute ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la seule circonstance que des forces de police étaient présentes n'est pas de nature à établir que l'action des producteurs laitiers s'est déroulée de manière telle que les forces de l'ordre auraient pu réellement l'anticiper et mettre en oeuvre un dispositif adapté, alors qu'eu égard au climat de tension une éventuelle intervention pouvait présenter un risque plus important pour l'ordre public ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'Etat, dont la responsabilité en matière d'exécution des opérations de maintien de l'ordre ne peut être engagée que pour une faute lourde, aurait commis une telle faute ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

5. Considérant que les préjudices dont il est demandé réparation correspondent à une perte de marchandises évaluée à 11 289,93 euros ; qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas établi que, eu égard au montant de ces pertes, ainsi qu'au caractère général des manifestations et actions de cette nature déclenchées par des producteurs laitiers en mai 2009 sur le territoire national, les sociétés requérantes ont subi un préjudice anormal et spécial dont elles seraient fondées à demander réparation au titre de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, alors qu'au surplus les autorités de police ne se sont pas abstenues d'agir mais ont été placées dans l'impossibilité de le faire efficacement :

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sofodis et la société Carrefour Insurance Limited ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Sofodis et la société Carrefour Insurance Limited de la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société fougeraise de distribution (Sofodis) et de la société Carrefour Insurance Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société fougeraise de distribution (Sofodis), à la société Carrefour Insurance Limited et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT03230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03230
Date de la décision : 09/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-05-09;12nt03230 ?
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