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11/04/2014 | FRANCE | N°13NT01841

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 avril 2014, 13NT01841


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013, présentée pour le préfet du Loiret, par Me de Villèle, avocat au barreau d'Orléans ; le préfet du Loiret demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 22 août 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination, lui a enjoint de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la n

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Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013, présentée pour le préfet du Loiret, par Me de Villèle, avocat au barreau d'Orléans ; le préfet du Loiret demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 22 août 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination, lui a enjoint de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge le versement à MeE..., conseil de Mme B..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E...renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté du 22 août 2012 dès lors que la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a été régulièrement

notifiée à Mme B... ainsi qu'il en justifie en appel ;

- Mme B... ne remplissant pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour, il n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer une décision de refus ;

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'incompétence ;

- compte tenu du caractère récent de l'entrée en France de la requérante et de sa situation de concubinage, l'arrêté ne méconnaît pas l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée à la Selarl E...-Mallet-Giry-Rouichi le 26 septembre 2013, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2013, présenté pour Mme B... par Me E... ; Mme B... conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que :

- l'arrêté contesté n'a pas été précédé de la notification de la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; à la date à laquelle il a été pris, elle ne résidait plus à l'adresse à laquelle la notification a été effectuée mais à une nouvelle adresse dont elle avait informé l'administration ainsi que l'atteste le récépissé de sa demande d'asile établi le 16 février 2012 ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 25 septembre 2013 admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que le préfet du Loiret relève appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 22 août 2012 refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le Soudan comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du II de l'article L. 511-1 n'est pas applicable. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile ait statué ; qu'en l'absence d'une telle notification, dont la preuve doit être apportée soit par la production d'un avis de réception postal, soit par la justification que le pli n'a pu être remis à son destinataire pour des motifs tenant à la carence de ce dernier, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger auquel l'asile a été refusé comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant que le préfet produit en appel la copie du pli envoyé en recommandé avec accusé de réception postal par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ressort des mentions portées sur ce pli qu'il a été présenté le 8 mars 2012 à la dernière adresse indiquée à l'office par Mme B..., alors domiciliée..., et a été retourné à l'office le 27 mars 2012, avec la mention " non réclamé " ; que si Mme B... établit qu'à la date de cet envoi le préfet du Loiret avait été informé de son changement d'adresse, elle ne soutient ni même n'allègue que l'office en avait également été informé ; que, dans ces conditions, la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à l'ancienne adresse de Mme B... ; que cette dernière, qui ne justifie pas avoir formé un recours contre cette décision devant la cour nationale du droit d'asile, n'avait plus, à la date de l'arrêté contesté, le droit de se maintenir sur le territoire français ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant l'arrêté du 22 août 2012 ; qu'il est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. Considérant que Mme B... se prévaut de sa vie maritale avec M. A...C..., ressortissant tchadien ayant obtenu le statut de réfugié, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 17 juillet 2018, et de la naissance, le 28 mai 2012, d'un enfant issu de leur union ; que, toutefois, l'existence d'une vie commune d'une durée suffisante ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'il n'est pas davantage établi que Mme B... est dépourvue d'attaches familiales au Soudan où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans ; que, dans ces conditions, eu égard notamment au caractère récent de son arrivée en France et de la vie commune invoquée, le refus de titre de séjour ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions ; que Mme B... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application de ces dispositions, le préfet du Loiret n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le compagnon tchadien de Mme B..., employé en qualité d'adjoint technique par la communauté d'agglomération Val de Loire, assume la charge effective de l'enfant né de leur union ; qu'il n'est pas établi qu'il aura la possibilité d'accompagner Mme B... au Soudan, pays à destination duquel elle a vocation à être renvoyée ; que, dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français aura nécessairement pour effet de séparer l'enfant d'un de ses deux parents et méconnaît ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; qu'elle doit, dès lors, être annulée ; que la décision fixant le pays de destination doit l'être également, par voie de conséquence ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 22 août 2012 portant refus de titre de séjour et à demander, dans cette seule mesure, l'annulation du jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, le versement par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à l'avocat de Mme B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à l'Etat de la somme que le préfet du Loiret demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 mai 2013 est annulé en tant qu'il a annulé la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme B... le 22 août 2012.

Article 2 : Le surplus des conclusions du préfet du Loiret et les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERT Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01841
Date de la décision : 11/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-11;13nt01841 ?
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